Abigail - Don't threaten me with a good time

Trigger Warning: fausse couche, consommation de drogues

Pour ses 4 ans, Abi, elle avait demandé un appareil photo jetable. Elle adorait prendre en photo les choses et raconter les histoires qui allaient avec… Elle gardait une boite avec les photos importantes dans sa vie. Beaucoup de souvenirs assez amers. Elle sait pas pourquoi elle l’a ressortie aujourd’hui… Peut être que sa redescente la rend nostalgique. Peut être que c’est le repas chez ses parents dans quelques jours qui remue des trucs. Peut être que c’est d’avoir vu l’affiche avec ces stupides aliens dessus qui réveille des choses enfouies.

Elle sort une vieille photo, une de celle de l’appareil jetable d’ailleurs… Ou on la voit avec son frère, dans un cadrage immonde… Son premier selfie. Et Volkann. Elle a beaucoup de points communs avec lui… Qui sont aussi parfois des points d’opposition… Mais c’est le seul avec qui elle a gardé contact correctement, en étant à Los Angeles… La photo était datée du 22 novembre 2003. Si cette petite avait su… Peut être qu’elle aurait pris un autre chemin.

Elle la pose sur son lit avant d’en sortir une autre. Un vieux polaroïd un peu délavé, avec une trace de brûlure de cigarette sur le coin inférieur gauche. Sur la bande blanche, il y a écrit “Sunshine”. Pourtant, le cliché qui la représente, adolescente de 15 ans, en train de tirer la gueule autour de sa clope, les yeux maquillés de noir, c’était pas la meilleure illustration de ce “Sunshine”... C’est son copain de l’époque qui avait pris la photo et écrit ça… Elle arrive plus trop à se souvenir s’il se foutait de sa gueule ou s’il était sérieux… Elle était pas bien, cette ado là… Elle se cherchait une place dans le monde et elle avait un mal fou à se dire qu’elle cadrait avec la perfect family alors que ce qui l’attirait déjà, c’était sombre… A ce moment-là, elle se disait que ses plus belles années étaient devant… Maintenant, elle se dit sérieusement qu’elle aurait du être moins stupide…

Elle a la main qui tremble quand elle effleure un paquet complet de clichés qu’elle a imprimé. Elle les a pris avec son appareil hors de prix… Elle a toujours l’appareil, elle n’a jamais voulu s’en séparer… Pourtant, les dernières années ont pu été compliquées et plus de 1000 balles de matos photo… Elle aurait pu en profiter. Revendre tout pour tout fumer et sniffer… Mais non, elle ne l’avait pas fait. Elle défait doucement la ficelle pour contempler ce regard si bleu qui la regardait depuis son papier glacé. Le 3 juin. Le lendemain de leur rencontre. Le jour où elle était allée vivre avec lui. Elle ne s'était pas posé la question, il lui avait demandé, elle avait dit oui. Qu’importait qu’elle termine ses études dans un mois? Qu’elle ait toute sa famille à Seattle? Los angeles lui avait offert la liberté et maintenant… L’amour? Ca en était, aussi fou que ça puisse paraitre. Elle est tombée amoureuse ce soir là. Les photos suivantes sont magnifiques. Ils sont puissants, ils sont invincibles, ils sont ensemble contre le monde. Ils défient la vie et la mort. Ils s’aiment. Elle continue de feuilleter et sa main tremble encore plus. Ils sont de futurs parents. 16 juillet, diplômée et enceinte de quatre semaines. C’est fou. C’est insensé mais c’est eux. Ils peuvent le faire. Ils sont toujours aussi puissants. Elle plaque sa main pour étouffer les sanglots qui montent. Elle connait la suite de l’histoire. Ils étaient fous, ils étaient stupides. Ils ont cru être les rois du monde. Deux semaines, c’est le temps qu’un rêve met à mourir dans cette histoire. 31 juillet et une photo d’eux devant le miroir, à la recherche de ce très léger arrondi qui souligne la petite âme amenée à les rejoindre. Le soir même, elle se retrouvait pliée en deux sous la douleur, du sang coulant entre ses cuisses. Du sang coulant de son nez. La prise de trop. Meurtrière. Elle avait pêché par orgueil. Par idiotie. Les larmes coulent sur ses joues quand elle regarde l’appartement vide, immortalisé pour lui rappeler la solitude qu’elle avait ressenti en ce 2 aout 2020. Elle avait perdu son bébé. Justin était parti. A l’arrière de la photo, une plume qu’elle avait retrouvée sous un meuble, plusieurs semaines après… Elle du s’y reprendre à plusieurs fois pour renouer doucement la ficelle autour du paquet. C’était masochiste, mais elle avait besoin de les garder.

Une autre photo, le jour de ses 21 ans, où elle essaye de sourire. Un simple selfie dans un miroir… Elle n’était pas sortie ce jour là. Elle aurait voulu ne jamais être née…

Elle parcourt la suite des photos, Los angeles, ses paysages, ses plages, ses surfeurs… Ses lignes de coke et ses soirées endiablées. C’était flou, dans sa tête, ces trois années qu’elle avait passée seule la bas. Beaucoup trop de drogues, de sexe, d’espoir déçu. Elle s’était dit un nombre incalculable de fois qu’elle devait arrêter… Pour retomber à chaque fois. Ombre d’elle même, pantin qui se donnait un air pour ne pas montrer ses faiblesses. Ses addictions qui se lisaient au fond de son regard. Tiens, Aout 2023, elle fronce un peu les sourcils en regardant la capture d’une télé éteinte… Elle était pas claire quand elle l’avait prise, ça se voyait à l’angle, mais le souvenir la percuta ensuite. Elle l’avait revu, ce regard bleu océan et ce sourire. Sur une grosse chaine nationale. Elle avait fondu en larmes et zappé avant de boire tout ce qu’il y avait chez elle, ce soir là… Il avait réussi à s’en sortir, lui… Elle aurait peut être du regarder la suite mais c’était au dessus de ses forces. 3 ans avant, a quelques jours près, il l’abandonnait… Comme quoi, elle n’était vraiment rien…

Elle essuya ses yeux et passa aux dernières de la boite. La maison de ses parents, Le 7 décembre… Quelques jours avant… Elle avait appelé Volkann en larmes, complétement shootée. Et elle avait supplié. Supplié qu’il vienne la chercher. Des années à mentir et à faire semblant pour ça… Mais elle était rentrée avec lui… Et la photo d’après était une photo de famille, le soir de Noël… Elle savait qu’elle faisait illusion, sur cette photo… Elle avait pris du crack la veille et de la codéine le jour même, histoire de se tenir dans un état assez calme pour pas perdre la face. Elle faisait attention parce qu’elle squattait chez Volkann à ce moment là… Elle avait trouvé un job de serveuse qui lui avait permis de trouver un appart dans les premiers jours du mois de janvier et un peu plus tard dans le mois, elle avait vu que le Red Loop recrutait… Danseuse… Ouais, ça payait quand même mieux… Elle avait pris ce taf courant janvier et finalement, elle s’y sentait plutôt bien, l’équipe était chouette…

Elle avait réussi à ne pas toucher au crack pendant quelques semaines, en compensant avec autre chose, mais quand elle avait croisé une affiche annonçant une dédicace de Stujin, avec ces maudits aliens, elle avait replongé violemment… Elle était rentrée à la maison, mais jamais elle n’aurait cru qu’il serait dans la même ville, à nouveau… Elle soupira en terminant de ranger les photos et la boite. Elle en avait racheté une quand elle avait emménagé… Un nouveau chapitre devait s’écrire… Mais elle n’avait aucune idée de la suite de l’histoire. Elle espérait qu'elle pourrait y accrocher des sourires, rattraper le temps perdu avec les autres membres de sa famille... Peut être faire un peu la paix avec ses démons... Elle n'y croyait pas vraiment, mais peut être qu'il y avait encore un peu d'espoir pour elle, quelque part.