Je voudrais un bonhomme de neige

Trigger Warning : violence familiale, alcool, dépression. Je reste soft dans les choses On ne sait jamais vraiment comment une histoire se termine, mais on sait trop mal comment elle commence. Elle commence toujours par " Il était une fois ". Dans un certain sens, tu aurais préféré qu'elle ne commence jamais la tienne. ton histoire fait de toi ce que tu es aujourd'hui, mais ton passé, tu le fuis autant que possible. Ta famille surtout. Un père alcoolique n'a jamais fait un bon père de famille. C'était plutôt l'inverse. Tu n'as connu de lui que l'amour de ses poings. Aussi loin que tu puisses te souvenir, il ne t'a jamais prise dans ses bras, ni même jamais dit qu'il t'aimait. Tu en rêvais pourtant enfant, tu aurais tout fait pour qu'il t'accorde un peu d'attention et de tendresse de lui. Ta mère ne s'est jamais interposée entre lui et toi. Elle a pris soin de toi plus par obligation que par envie. Elle t'as toujours dit avoir fait un déni de grossesse, que tu n'étais pas désirée. Ta mère, cette femme pour qui tu n'as que du mépris aujourd'hui, n'a jamais eu le courage de partir avec toi sous le bras pour fuir ton père. Non, elle est restée bien sagement à sa place, bloquée dans sa dépression qu'elle trainait depuis des années. Dépendante affectivement, elle ne pouvait pas partir, non. Elle n'aurait jamais pris le risque de se retrouver sans le sous, sans un toit au-dessus de la tête, et surtout, seule. Ce mot, elle ne l'a jamais supporté.

A tes 16 ans, tu rêvais de gloire, de paillette. Tu rêvais d'évasion, de liberté, de douceur. En échec scolaire depuis des années, tu n'as pas pu faire d'études comme tu aurais aimé le faire. C'est un soir d'orage que tu décides de dire stop à la violence de ton père et au mépris de ta mère qui te considère comme un fardeau dans sa maladie. Une crise de colère, un claquement de porte, tu es partie sans jamais te retourner. Tu as refusé d'accepter de vivre une seconde de plus parmi eux, préférant te retrouver dans la rue que parmi ces gens qui n'avaient que du mépris à ton égard. Tu as passé des nuits sur un banc, dans un parc, essayant de manger comme tu pouvais. Evy, tu es une survivante. Malheureuse, mais une survivante, trouvant refuge parfois chez une amie, ou des gens qui te prenaient en pitié et offraient une nuit au chaud et une douche. Tu n'as jamais cherché la charité. Tu as fini dans un foyer pour jeunes, à Londres. Ta mère t'a vu un jour, dans la rue. Elle a simplement détourné le regard avant de changer de trottoir.

18 ans, la majorité et par conséquent, le foyer de jeunes a décidé de te laisser dehors, ne pouvant plus légalement te prendre en charge. Tu essayais de te laver dans un gymnase, discrètement alors que des ados avaient cours. Evidemment, tu t'es fait attraper. Les rues de Londres, tu les connais par cœur. Et c'est un soir de neige que tu t'es réfugié dans une boîte de strip-tease après avoir vu qu'ils cherchaient du personnel. L'appel de l'argent pour manger a été plus fort que ta raison Evy, et tu t'es retrouvé bien rapidement en talons aiguilles et petite tenue à danser sur un podium sous le regard avide de ces hommes. Le patron te payait mal, ce sont les pourboires des danses privées qui t'ont permis de prendre un tout petit appartement insalubre. Mais au moins, tu avais un toit au-dessus de la tête. Evy, petite fleure fragile, tu essayais de t'en sortir du mieux que tu pouvais, n'ayant jamais eu de modèle parentale stable et équilibré.

25 ans, toujours dans ce club, tu t'y ai fait quelques amies, vous soutenant les unes et les autres. Le patron trempait dans des affaires louches. Et un soir, alors que tu te rendais dans son bureau pour récupérer ta paye de la semaine, tu as entendu des coups de feu. Tes yeux se sont posés sur la porte, et à travers la petite fenêtre de celle-ci, tu as vu ton patron, une arme à la main, et un cadavre au sol. Il a croisé ton regard et sa colère c'est lu sur son visage. Tu as fuis le plus rapidement possible, avant qu'il ne puisse comprendre. La poste de police le plus proche a pris ta déposition. L'inspecteur promet de te protéger, de te cacher. Evy, toi petite blonde naïve, tu as appris ce soir-là que ton patron était un malfrat et trempait dans des blanchiments d'argent, de drogue et de proxénétisme.

Planquée dans une petite ville d'Angleterre, l'inspecteur te rendait souvent visite pour s'assurer que tout allait bien. Tu lui as trouvé un certain charme. Ses visites sont devenues de plus en plus fréquentes, et tu es tombée amoureuse de lui. Ses yeux, tu aurais pu passer ta nuit à te noyer dedans. Une histoire est née, découvrant des émotions que tu ne connaissais pas. Bien sur, tu avais déjà eu des petites histoires, ou même des relations avec des clients pour grossir ton pourboire, mais là, c'était différent ... Tu été amoureuse Evy, tu en étais sûr. Mais une après midi, alors qu'il te rendait visite, il t'as balancé une bombe. Un éclat en plein cœur, une peine que tu ne pensais jamais devoir ressentir. Il t'annonça qu'ils avaient coincé ton ancien patron, mais que son chef lui avait appris pour votre relation et de ce fait, il ne pouvait plus te défendre, il ne pouvait plus te protéger, risquant de perdre son job pour conflit d'intérêt. Il te quitte cette après midi là, tenant trop à son emploi plutôt qu'à toi.

Après avoir mis de côté de l'argent, tu t'es acheté un billet d'avion, décidé à changer de vie et de pays. La souffrance était trop présente dans celui- ci. Ta vie ne tenait que dans une petite valise, mais ça te suffisait. Tu t'es envolé sans te retourner pour les USA, croyant au rêve américain. 34 ans, tu avais donné que trop de temps ici. Si tu as galéré au début, tu as trouvé des gens formidables, tu as trouvé un petit boulot de serveuse, et tu as pu te payer ta formation pour devenir prof de yoga. Tu as pas mal bouger dans le pays, avant de trouver un poste de prof dans une petite salle de sport à Seattle. Tu as posé ta valise dans un petit appartement simple mais coquet que tu as aménagé entièrement avec ta première paye. Tu reconstruis ta vie, un peu plus chaque jour, croyant dur comme fer que le malheur est loin derrière toi.