« Entre les griffes des loups, tu pleures. » † Keziah D. Blackthorne

TW : enfant battue – inceste – séquestration – tentatives de suicide

8 octobre 1997 => Le soir était à l’orage complet lorsque je suis venue au monde. Ma naissance s’est passée de manière normale, si ce n’est que je suis arrivée par césarienne. Jusque là, tout allait bien. Non, c’est après, que ça se corse !

Pêle-mêle /!\TW enfant battue/inceste/tentatives de suicide /!\ => Un total de quarante-cinq côtes fracturées. Quinze brûlures de cigarette sur le volet costal droit. Trois fractures du poignet. Un nombre incalculable de coquards. Trois tentatives de suicide pour fuir cette vie entre quatorze et seize ans. Un père incestueux, des contacts non désirés, un traumatisme total. Les coups de règle sur les doigts à la moindre erreur. Une fracture du crâne. Des montagnes d’hématomes. Le ventre vide avant d’aller se coucher. Des plaies sur le ventre. Les lèvres fendues. La peur au ventre. L’angoisse à chaque moment présent dans la maison. Les cris. Les pleurs. Les heures cachée sous sa couette en espérant que personne ne viendrait sans prendre à elle. Et tant d’autres choses qu’il vaudrait mieux ne pas détailler ... Aujourd'hui encore, de nombreuses cicatrices, y compris les marques du ceinturon incrustées sur le dos. La parfaite petite fille, bien élevée, bien polie, bien calme. La petite poupée en représentation dans la famille aux allures parfaites. Le violon, pour épater la galerie. Les notes excellentes. Les sourires de façade. Les jours les uns après les autres avec chacun son lot de peines et de douleurs. Seize années, qu’il n’est pas nécessaire de passer au peigne fin. Des parents habiles pour paraître riches, alors qu'ils ne l'étaient pas. Pour faire passer leur jolie petite poupée pour une enfant distraite et maladroite lorsqu'elle nécessitait d'aller réellement à l'hôpital. De vrais diables sous leur parfait vernis.

novembre 2013 => J’avais seize ans, et pris des coups une fois de plus. Je n’en pouvais plus. Je n’en pouvais vraiment plus. Et après tout, j’avais enfin le droit de vivre ! Alors j’ai profité qu’ils soient sortis, j’ai mis dans mon sac en express quelques fringues et mon peu d’économies, et j’ai tracé jusqu’à la gare routière la plus proche. D’un bus à l’autre, j’ai quitté l’état. J’ai décidé de me fondre dans la masse à New-York. D’un petit boulot à l’autre, j’ai gagné juste ce qui me permettait de survivre, un toit miteux sur la tête et un repas frugal dans l’estomac chaque jour. J’ai vécu au jour le jour, et j’ai presque fini par croire que j’aurais enfin une vie, j’ai essayé la basse, parce que la musique me manquait, rêvant secrètement de mon joli happy ending … Mais non. Parce qu’ils m’ont retrouvé. Ils m’ont ramené à la maison. J’aurais préféré mourir que ça … La fin d’année 2013 n’aura pas rimé avec bonheur pour moi.

janvier 2014  /!\TW séquestration/enfant battue /!\ => J’avais à peine remis les pieds à Seattle, contrainte et forcée, que les galères ont recommencé. Cette période est assez floue dans ma tête. Je suis restée enfermée dans la cave pendant sept mois, d’après ce qu’on m’a dit. J’ai à peine vu la lumière du jour, à cette période de ma vie. Attachée, j’ai vécu dans des conditions inhumaines. Affamée, déshydratée, sans accès régulier à un point d’eau pour me laver, j’ai rapidement perdu la notion du temps, perdue entre la peur et la douleur. Les coups pleuvaient régulièrement, et j’ai récolté énormément de blessures en tous genres, des fractures notamment. Une période que mon cerveau a tendance à éclipser si je ne fais pas l’effort de m’en rappeler ...

août 2014 => J’avais fini par m’arracher les cordes vocales à force de hurler, ce jour-là. Et un passant avait fini par m’entendre. Il avait pu donner l’alerte. Quand les forces de l’ordre sont arrivées, j’imagine qu’ils ont été saisis par l’horreur de ma situation. Mes parents ont été pris sur le fait. Et moi, je n’étais qu’à peine vivante. La peau sur les os, sale à faire peur, repliée sur moi-même et tremblante, je n’ai pas pris conscience de suite qu’on venait me délivrer. Ce n’est que plus tard, au cours de mon hospitalisation, avec tous ces praticiens bienveillants autour de moi, que j’ai fini par comprendre que c’était bel et bien fini, qu’on ne les laisserait plus s’en prendre à moi.

Une longue reconstruction => Les premiers mois après la fin de cette horreur ont été un long chemin semé d’embûches. Déjà pour me réadapter à la vie normale et au monde. Pour reprendre du poids. Pour ne pas développer ou entretenir de gros troubles du comportement. Certains sont restés, cependant j’ai été entourée d’une véritable armada de professionnels de santé. Médecins, psychologues, psychiatres, praticiens du bien-être comme acupuncteurs et autres sophrologues … Il a fallu au moins ça pour que je redevienne capable de sortir de la structure médicale. J’ai mal vécu le déballage médiatique qui a eu lieu. Même si mon nom n’a jamais été sorti dans la presse, voir mon histoire sur les feuilles de chou, ou les photos de ma maison d’enfance … ça a été dur, et il a vraiment fallu travailler là-dessus. Mais j’ai réussi à avancer. À endiguer un certain nombre de comportements néfastes que j’avais développés. Dix-huit mois plus tard, je pouvais commencer une vie presque normale, à quelques ajustements près. La musique m’a permis d’extérioriser. De faire sortir des émotions qui ne savent pas forcément sortir autrement et qui m’empoisonnent parfois encore la vie. J’ai même suivi des ateliers de musique, pour des personnes qui avaient un passif lourd également. Discussion et musique, un baume magique sur mes plaies psychiques. Mais certaines manies sont restées. J’ai des soucis majeurs avec mon alimentation. Pas avec le type d’aliments que je mange, mais plutôt le fait de devoir manger à heure fixe. Rater des repas, ou devoir les décaler, c’est un stress total pour moi. Alors je m’adapte comme je peux. Je ne supporte pas non plus de me salir, par exemple glisser dans la boue est un calvaire pour moi. J'essaye souvent d'avoir une tenue de rechange à portée de main, et le nécessaire dans mon sac pour me débarbouiller si besoin. Bref, même si ma vie est redevenue plutôt normale, il me reste un certain nombre de choses à gérer.

février 2016 => Cette période a été l’une des plus intense pour moi. Beaucoup d’émotions se sont mêlées. Il y a d’abord eu le procès de mes parents. Une véritable torture d'y assister. J’ai pratiquement cessé de manger pendant un mois, ne subsistant qu’avec le strict minimum. Témoigner n’a été possible pour moi que sous un traitement de dingue pour l’anxiété, traitement que j’ai voulu arrêter le plus tôt possible, bien trop nerveuse à l’idée de risquer une dépendance. Avec mon bagage psychologique, il n’aurait plus manqué que cela ! Mais mon témoignage aura été décisif, quoi que destructif au possible. Après cette épreuve qu’a été le jugement, mes parents ont été reconnus coupables de la totalité des chefs d’accusation retenus contre eux, et ils seront coincés derrière les barreaux d’une prison pour au moins les vingt prochaines années, si tant est qu'ils parviennent à négocier une remise de peine ... De quoi me permettre de respirer, au moins ce temps-là !

février 2016 => Cette période, encore. Pour une raison bien moins lourde, ça a été une véritable période charnière de ma vie. La rencontre qui aura tout changé. Klaus. À la base, c’était l’un des invités professionnels de l’un des groupes de soutien que je suivais, l’un des groupes qui se servait de la musique comme d’un moyen d’expression. L’un des jours, je suis arrivée avec ma basse, histoire d’en jouer un peu car c’est ma grande passion, et je savais aussi parfaitement que c’était ce qui me permettrait le mieux de faire sortir mes émotions, ce qui était le but. C’est comme ça  que Klaus m’a approché la première fois, et le feeling est tout de suite bien passé. Évidemment, à l’époque, j’étais une petite chose encore plus nerveuse et réservée que maintenant, et j’ai eu besoin de temps, lorsqu’il m’a proposé de jouer ensemble tous les deux, puis pour faire un essai avec les autres membres du Satan’s Crucifix. Mais depuis que je l’ai rencontré, Klaus a en quelques sortes été mon repère de confiance dans le groupe.

Les débuts avec le groupe => Il faut l’avouer, les débuts avec les Satan’s Crucifix n’ont pas été si simples, pour moi. Même si j’étais plus que capable dans ma musique, j’ai aussi failli faire demi-tour. Heureusement que j’ai pu compter sur la présence de Klaus, qui m’aidait à être plus détendue, plus en confiance. Ça en faisait au moins un qui ne me terrorisait pas, au départ ! J’ai mis un certain temps, avant de me sentir à l’aise, notamment face à Wolf. Wolf et son tempérament, ça a été un parcours du combattant, pour moi. Les premières fois où je l’ai vu se mettre en rogne, je l’avoue, je me suis faite la plus petite possible. Longtemps, j’ai eu peur que la violence me retombe dessus. Plusieurs fois, j’ai tremblé de tous mes membres devant des coups de gueule parfois mémorables. Klaus m’a toujours assuré – à raison – que je ne risquais rien. Et puis, on s’est apprivoisés. Tous. Petit à petit, on a tous appris à connaître nos caractères, nos sujets sensibles. La présence des jumeaux m’est devenue aussi naturelle que de respirer. Avec de tels caractères autour de moi, mais si protecteurs si c’était nécessaire, j’ai pu m’ouvrir un peu. Le groupe est sûrement ce qui pouvait m’arriver de mieux pour me mettre un coup de pied au cul et m’aider à avancer. Armée tantôt d’une basse, tantôt d’un violon - même si ce dernier a été plus difficile à reprendre vu ce qu’il pouvait représenter, mais si cathartique -, tous les deux noirs mats, ma signature en quelque sorte, j’ai donné tout ce que j’avais dans ce métier-passion, qui m’a permis de vivre enfin.

Début 2018 => Un séisme dans le groupe. Un véritable séisme. Je me rappelle encore parfaitement de l’accrochage qui a eu lieu entre Wolf et notre batteur, le meilleure ami de Klaus, bref, tout ce qu’il fallait pour qu’il s’agisse d’un sacré cataclysme. Et j’y ai assisté, impuissante. En même temps, je n’aurais vraiment pas été maline d’essayer de m’interposer. Cette sacrée secousse nous a laissé avec la place de batteur vacante durant quelques mois. C’est la seule tempête monumentale que j’ai vécue au sein du groupe. Le reste du temps, les engueulades et les prises de bec vont bien moins loin, bien moins fort, heureusement.

Fin 2018 => Quelques mois après le départ du batteur en claquant la porte, nouveau batteur ! Enfin, plutôt nouvelle batteuse. Une présence féminine de plus, c’était carrément chouette. J’ai assez vite accroché avec Indy. Avec son côté grande gueule, elle me fait parfois un peu penser à Wolf au féminin, ce qui est assez drôle. J’ai été assez vite à l’aise avec elle, et même si nous n’avons jamais trop parlé de notre passé, de fil en aiguille et sans vraiment s’en rendre compte, on a commencé à papoter et sortir ensemble de temps à autre. Puis progressivement, et sans qu’on s’en rende vraiment compte, nous avons mutuellement commencé à nous confier sur notre vie présente. Chacune l’oreille attentive et le soutien dont l’autre avait besoin. Indy est devenue ma meilleure amie, et quand je m’en suis rendue compte, c’était si naturel que c’était agréable.

2020 =>Une année énorme pour nous. Le début des choses vraiment sérieuses. Un nouveau challenge personnel, mais avant tout le début de ce que l’on méritait tous, vu le travail qu’on avait abattu pour en arriver là. L’année 2020, c’est le début des tournées dignes de ce nom. Pour moi ça a aussi été le début des bains de foule, et des grosses séances de dédicaces, bref d’un petit calvaire port-concert vu les difficultés que j’éprouve au contact humain ... Ça n’a pas été facile pour moi au début, mais j’avais de la chance d’être dans un groupe qui tirait plus sur la famille, les autres membres se sont adaptés pour me permettre de faire mon job correctement et jusqu’au bout tout en restant confortable. Des choses simples, des arrangements pratiquement invisibles aux yeux des fans. Bref, tout ce qu’une famille permet de faire.

2023 => Les années et les tournées … Eh bien, on pourrait dire qu’elles se suivent et ne se ressemblent pas tout à fait. Grande consécration pour nous tous avec cette dernière tournée de tous les records pour le. Même si j’ai été ravie de l’expérience et que j’ai hâte de partir pour la prochaine tournée, la fatigue en fin d’année m’a cueillie. Allez. Une petite pause, et c’est reparti.  

février 2024 Deux semaines. J’ai pris deux petites semaines pour moi, c’est tout ! Après un SMS au reste du groupe, j’ai pris la route pour le grand air. Un joli chalet perdu dans les montagnes d’Aspen pour respirer et me ressourcer. Ne voir personne, ne connaître personne. J’ai coupé mon téléphone pendant ce temps-là. Ce bol d’air s’est avéré absolument parfait. Loin du stress de la ville et de la foule, j’ai pu me préparer pour l’année qui arrive. Nouveaux objectifs, nouvelle tournée … Oui, un break, ça s’imposait avant de reprendre où on en était ! Je reviens avec une montagne de bonnes résolutions et d’objectifs personnels. Ça va être rock comme année. Première étape pour mon retour ? Rallumer mon téléphone et prendre des nouvelles des gens qui sont restés à Seattle.