Once upon a time, my princess charming - Lucy

On peut dire que j’étais née dans une famille aisée et affectueuse. Du moins, ma Maman et ma sœur l’étaient. Mon père, c’était autre chose. Il ne cessait de rabrouer Maman, de la rabaisser, de se fâcher à tous bouts de champ. Sur elle, sur nous. Avec le recul, je pense qu’il n’aurait jamais dû avoir d’enfants. Je pense qu’il l’a fait pour faire plaisir à Maman et qu’il est tellement borné qu’il ne l’a jamais quittée. Pour son plus grand malheur, parce qu’il ne l’a jamais rendue heureuse. Sans prétention, c’était nous, ses petits trésors, nous qui lui donnions le sourire. Cet homme qui me servait de père, je ne l’avais dès lors jamais porté très haut dans mon cœur. Maman avait fini par prendre son indépendance à 43 ans. Elle avait quitté mon père pour se mettre en couple avec une femme. Elles se tournaient autour depuis des années, mais ma mère était bien trop loyale pour compromettre sa relation avec mon père, cet homme dominant, manipulateur et qui se croyait supérieur à tout le monde. J’avais appris des erreurs de Maman, contrairement à ma sœur Louise : j’avais très rapidement compris que l’avenir appartenait aux femmes et que j’avais besoin de douceur, de tendresse, de traits de caractère typiquement féminins. C’était plutôt comique, quand on y pensait. Pour une fois, c’était moi qui avais donné l’exemple à ma Maman en sortant la première officiellement avec une femme. Je n’avais jamais dû faire de coming-out. Maman et Louise avaient trouvé mon attirance pour les femmes naturelle. Mon père n’avait pas compris, il était monté sur ses grands chevaux, m’avait fait tout un discours pour m’expliquer que ce n’était pas normal d’aimer quelqu’un du même sexe que soi. Je l’avais complètement ignoré. En réalité, je pense que c’est cet événement qui avait convaincu ma mère qu’il était temps qu’elle vive sa propre vie et qu’elle opte pour le bonheur.

Mon père nous avait contraint à développer des mécanismes de défense assez sophistiqués. Il ne me semblait pas qu’il faille l’en remercier au vu du mal qu’il avait fait autour de lui, mais toujours était-il que j’avais rapidement dû être ‘forte’, j’avais rapidement appris à ne pas me laisser marcher sur les pieds, à me débrouiller par moi-même, tout en étant douce et gentille avec les gens que j’aimais. Je mettais un point d’honneur à grandir en étant son opposé. Après des études pour devenir avocate à Georgetown, j’avais travaillé plusieurs années à Washington au cours desquelles je m’étais spécialisée en divorces. En 2020, j’avais rencontré Lyn’. J’étais tombée amoureuse d’elle. C’était le coup de foudre. Lyn’ était mariée à un homme et avait trois enfants. Elle aimait son mari, mais il s’était rapidement avéré qu’elle m’aimait aussi moi… Après nous être tournées autour pendant quelques semaines, nous avions fini par craquer et avions vécu une histoire à trois. Nous étions une sorte de trouple, sans réellement l’être parce que je devais toujours me cacher. ‘Ce n’était pas la norme’, ‘Il fallait préserver les enfants’. J’en voulais plus. Je souffrais tous les jours un peu plus de cette situation. J’étais folle amoureuse de Lyn’, mais je m’endormais seule tous les soirs alors qu’elle se couchait aux côtés de son mari. Après près de deux années de hauts et de bas, j’avais décidé de tout quitter et de recommencer ailleurs. J’avais besoin d’un nouveau départ. Besoin de vivre pour moi. J’avais recommencé ma vie en 2023 à Seattle. J’y avais trouvé de nouveaux clients. J’avais ouvert mon propre cabinet que je comptais bien agrandi dans le futur.
J’avais rapidement rencontré Indy. Ma chère voisine Indy. Nous avons tout de suite sympathisé. Nous avions un peu le même passé, la même rancœur et aversion contre nos pères respectifs, même si son enfance avait été mille fois pire que la mienne. Indy et moi, c’était un coup de foudre amical. Nous sortions régulièrement ensemble, il m’arrivait de cuisiner pour elle : elle passait chez moi pour le repas du soir et puis nous passions nos soirées ensemble. Seulement, je m’étais rendu compte récemment que mes sentiments à son égard étaient différents. Il ne s’agit plus uniquement de sentiments amicaux. C’était plus que ça. J’éprouvais des sentiments amoureux pour Indy. Le problème ? Eh bien le problème, c’était qu’Indy avait tendance à coucher à droite à gauche, autant avec des hommes qu’avec des femmes et j’étais toujours là pour entendre ses derniers exploits. Ce qui était particulièrement douloureux et me rappelait mon histoire avec Lyn’ et son mari. Je ne pouvais plus partager. C’était peut-être égoïste, mais il me semblait que j’avais droit, moi aussi, à ma moitié, à mon conte de fée, à ma princesse charmante. Alors, j’allais ouvrir mon cœur à Indy : c’était à prendre ou à laisser, je n’en pouvais plus de la situation.