« Let's see were we wake up tomorrow » † Ruby

Ma chouette,

Je me rappelle encore de la première fois que je te tenais dans mes bras. Comme si c'était hier. Tu étais si petite, et regarde-toi aujourd'hui, prête à voler de tes propres ailes ! Ta mère aurait été immensément fière de toi, comme je suis fier. Chaque jour qui passe, tu lui ressembles un peu plus. C'est bien évidemment d'elle, dont tu as hérité tout ce talent. Tu sais à quel point la musique et moi faisons deux. Tu as aussi ses yeux. Et comme c'est beau de les voir pétiller de bonheur à l'idée de cet avenir qui t'attend !

Je ne vais pas ressasser trop le passé, je n'ai pas envie que cette lettre soit triste. Nous avons déjà suffisamment pleuré à ce sujet. Aujourd'hui, il ne reste plus qu'à se réjouir. Se réjouir pour toi, ma chouette, parce que tu l'as fait ! Tu es sortie du Conservatoire avec ton diplôme en poche ! Je n'en ai jamais douté, mais ça y est, tu peux enfin souffler. Combien d'heures as-tu passé sur ce piano, de soirée, de vacances ? Ca a merveilleusement payé ! Et te voilà prête pour le départ ...

Je revois tes anniversaires dans le jardin, avec tes camarades de classe. Chaque année, un nouveau thème. Tu nous auras fait passer des princesses, aux dinosaures, puis aux licornes ! Toujours entourée d'amis, avec lesquels tu nous auras fait les quatre cents coups lorsque tu n'étais pas le nez dans une partition. Si tu renvoyais toujours l'image d'un petit ange, penchée sur ton piano, tu as été un vrai petit démon quand tu te décidais à sortir et à profiter ! Tu n'as jamais su faire les choses à moitié. C'est sûrement ce qui te permettra de réussir face au rêve américain.

Pour en arriver là, des sacrifices, tu en as fait ! Tu n’as pas eu la même enfance que les autres. Entre cette maladie qui t’aura forcé à grandir sans figure maternelle dès tes dix ans, et cette voie que tu as choisi de suivre tout comme ta mère avant toi, tu as pris des décisions qu’on n’aurait pas attendus d’une enfant, d'une adolescente. Mais quelles décisions ! Et quels succès après cela ! Tu n’es pas de ceux qui font les choses à moitié, bien au contraire. Tu t’es toujours tenue à tes choix, tu les as toujours assumés, et rien n’a jamais su t’en détourner. Pas même les garçons !

En tant que père, je dois certainement m’en montrer reconnaissant, car des garçons, même s’il y en a eu, aucun n’a réussi à te briser le cœur. J’imagine que c’est plutôt toi qui a du leur briser. Ou alors que ta musique te suffisait à te remonter le moral. Même si tu n’en as jamais présenté sérieusement, je sais, parce qu’un père sait ces choses-là, qu’il y en a eu. Tu aurais certainement eu plus de facilités à te confier à ta mère, mais j’espère avoir été assez présent pour que tu me parles quand tu en avais besoin.

Quoi te dire de plus, ma chouette ? Je te souhaite une vie fantastique. Je te souhaite de parvenir à tes fins. Je sais que tu en es capable. Quand tu le veux, tu es capable de tout. J’espère que tu illumineras Seattle de ton sourire, tout comme tu illuminais notre maison. Mais il est temps pour toi de voler de tes propres ailes et de les laisser t’emmener où le vent te portera. Je te souhaite de le meilleur.

Avec tout mon amour,

Pap’s