Kasey - You say, one love, one life

On peut dire que j’étais née dans une famille aisée et affectueuse. Du moins, ma Maman et ma sœur l’étaient. Mon père, c’était autre chose. Il ne cessait de rabrouer Maman, de la rabaisser, de se fâcher à tous bouts de champ. Sur elle, sur nous. Avec le recul, je pense qu’il n’aurait jamais dû avoir d’enfants. Je pense qu’il l’a fait pour faire plaisir à Maman et qu’il est tellement borné qu’il ne l’a jamais quittée. Pour son plus grand malheur, parce qu’il ne l’a jamais rendue heureuse. Sans prétention, c’était nous, ses petits trésors, nous qui lui donnions le sourire. Cet homme qui me servait de père, je ne l’avais dès lors jamais porté très haut dans mon cœur. Maman avait fini par prendre son indépendance à 52 ans. Elle avait quitté mon père pour se mettre en couple avec une femme. Elles se tournaient autour depuis des années, mais ma mère était bien trop loyale pour compromettre sa relation avec mon père, cet homme dominant, manipulateur et qui se croyait supérieur à tout le monde. J’avais appris des erreurs de Maman, contrairement à ma sœur Louise : j’avais très rapidement compris que l’avenir appartenait aux femmes et que j’avais besoin de douceur, de tendresse, de traits de caractère typiquement féminins. C’était plutôt comique, quand on y pensait. Pour une fois, c’était moi qui avais donné l’exemple à ma Maman en sortant la première officiellement avec une femme. Je n’avais jamais dû faire de coming-out. Maman et Louise avaient trouvé mon attirance pour les femmes naturelle. Mon père n’avait pas compris, il était monté sur ses grands chevaux, m’avait fait tout un discours pour m’expliquer que ce n’était pas normal d’aimer quelqu’un du même sexe que soi. Je l’avais complètement ignoré. En réalité, je pense que c’est cet événement qui avait convaincu ma mère qu’il était temps qu’elle vive sa propre vie et qu’elle opte pour le bonheur.

Mon père nous avait contraint à développer des mécanismes de défense assez sophistiqués. Il ne me semblait pas qu’il faille l’en remercier au vu du mal qu’il avait fait autour de lui, mais toujours était-il que j’avais rapidement dû être ‘forte’, j’avais rapidement appris à ne pas me laisser marcher sur les pieds, à me débrouiller par moi-même, tout en étant douce et gentille avec les gens que j’aimais. Je mettais un point d’honneur à grandir en étant son opposé. Après avoir étudié le journalisme à Londres, une ville que je n’avais jusque-là jamais quitté, j’étais rapidement partie en Afghanistan pour écrire sur les horreurs qui s’y passaient. J’avais eu vent d’infractions de l’armée américaine et je voulais en avoir le cœur net. Seulement, tout ne s’était pas déroulé comme prévu. Après trois années assez fructueuses en termes d’écriture, à 28 ans, je m’étais fait tirer dessus alors que j’étais en planque. C’est là que je l’avais rencontrée. Elle était mon ange gardien. J’avais failli perdre la vie, mais elle m’avait sauvée. Lorsque j’avais ouvert les yeux, j’avais plongé mon regard dans celui de Riley. C’était son prénom. Elle était belle. Elle souriait. Je n’avais pas compris pourquoi, ni ce qu’elle faisait au-dessus de moi. Plus tard, lorsque j’avais entièrement repris connaissance, elle m’avait expliqué qu’elle était médecin, qu’elle avait pris soin de moi, que je devais me reposer. Qu’elle nous avait trouvé une cachette et que j’étais en sécurité, mais que je devais attendre tous les jours qu’elle vienne panser mes blessures et qu’elle me soigne. Nous avions énormément discuté. De tout et de rien. Son accent était incroyablement sexy. J’étais tombée amoureuse. C’était le coup de foudre. Seulement, ça n’avait pas duré. C’était trop beau pour être vrai. Une fois que je fus sur pied, j’étais sortie pour prendre l’air et voir où j’étais. C'est là que l’armée américaine m’était rapidement tombée dessus. Apparemment, j’étais recherchée parce que je conspirais contre le gouvernement. Je n’avais pas eu le temps de laisser un mot à Riley. J’avais été escortée jusqu’à Washington où j’avais subi un interrogatoire loin d’être pacifique. Le gouvernement avait fini par me relâcher une fois qu’il fut convaincu que je n’étais pas une espionne anglaise et que j’eus assuré que je ne mènerais plus d’enquête à l’encontre du pays.

Après avoir été relâchée par le gouvernement, j’ai continué à mener des enquêtes toutes aussi risquées et controversées les unes que les autres, principalement dans le but de révéler des débauches et secrets de politiciens. Je me suis retrouvée dans des positions des plus délicates. J’ai été arrêtées à de nombreuses reprises. Toutefois, j’eus l’intelligence de retourner faire tout cela en Angleterre. Mieux valait ne pas contrarier le gouvernement américain avec lequel j’avais déjà eu des problèmes. Résultat : je n'étais plus seulement bannie de l’ordre des journalistes américains, mais également anglais.

À 33 ans, j’avais déménagé pour New York. Pour ne pas finir à Guantanamo, j’avais arrêté le journalisme et commencé à écrire des romans au point de devenir célèbre. Ce que j’appréciais avec la célébrité en tant que romancière, c’était que je n’étais pas très souvent reconnue, du moins, beaucoup moins que les chanteurs, les acteurs ou les sportifs célèbres. Beaucoup lisaient mes livres sans savoir à quoi je ressemblais. Ainsi, il m’était déjà arrivé de prendre le train et de m’asseoir à côté d’un passager qui lisait mon livre, sans pour autant qu’il se rende compte qui j’étais. À 40 ans, j’avais 3 livres à mon actif et je ne comptais pas m’arrêter là. Je n’avais personne d’officiel dans ma vie. J’avais une vie sociale assez active : je sortais beaucoup, je ramenais pas mal de femmes chez moi, mais aucune ne parvenait à conquérir mon cœur. C’était comme si quelque chose ou quelqu’un le retenait. Je compris la raison le Thanksgiving de mes 41 ans. Alors que j’attendais à l’aéroport de JFK pour rentrer à Londres voir ma mère et ma sœur, je l’aperçus. Riley. Elle était là. Toujours aussi belle que dans mes souvenirs. Une vague de chaleur m’envahit. Elle était en train de donner son ticket pour embarquer dans un avion en direction de Seattle. Je n’eus pas le temps de la retenir. Avais-je rêvé où était-ce réellement elle ? Une chose était sûre : c’était elle que j’attendais depuis toute ces années. Je voulais la retrouver. Grâce à mes moyens financiers, j’avais rapidement engagé un détective privé pour y parvenir. Il ne lui fallut que quelques mois pour m’apprendre que Riley Hall habitait effectivement à Seattle et obtenir son adresse et il ne me fallut que quelques mois pour trouver un penthouse de luxe à Seattle et organiser mon déménagement. Cela faisait désormais une petite semaine que j’habitais sur la côte Ouest. Il ne me restait plus qu’un détail à régler : trouver un moyen d’entrer en contact avec Riley.