((sigmund)) on melancholy hill

TW : incendie, mort, alcoolisme, dépression

➤ La dernière fois que Sigmund a parlé à son père, c'était au téléphone. Ce dernier lui assurait qu'il rentrerait à la maison dès le lendemain et qu'ils pourront faire une partie de football à ce moment là entre hommes. Cela n'arrivera jamais. L'hôtel dans lequel il se trouvait a pris feu de façon inexpliquée et il est mort asphyxié par la fumée alors que l'odeur l'avait à peine sorti de son sommeil. Un tragique accident regrettable qui aurait pu être évité si les autorités compétentes avaient fait preuves d'un peu plus de discernement. La famille fut dédommagée, mais rien ne pouvait remplacer la disparition d'un mari, d'un mère, d'un fils, d'un frère, d'un oncle, pas même tout l'argent du monde. Sigmund a mis du temps avant de se recueillir sur la tombe de son père. Aujourd'hui encore, il lui arrivait de penser à ce drame, mais le pire restait à venir.

➤ A l'école, Sigmund était le pitre de la classe. Celui qui riait, qui faisait des blagues, qui animait. Parce que c'était le seul endroit où il pouvait se permettre d'être lui-même, d'être un peu heureux et d'avoir de l'attention. Après la fin des cours, lorsqu'il devait rejoindre la maison, Sigmund faisait toujours un détour et s'il pouvait trouver une occupation à faire entre temps, il sautait sur l'occasion. La maison lui faisait peur. Non pas parce que quelqu'un de dangereux y était à l'intérieur, mais parce qu'il savait qu'une fois qu'il serait rentré, il devra affronter l'alcoolisme de sa mère. Par chance, cette dernière n'était pas violente, même ivre. Elle était simplement quelqu'un d'autre, quelqu'un qu'il ne reconnaissait pas. Une pochtronne incapable d'assumer la moindre tâche, à maugréer des phrases ou des mots incompréhensible et qui passait son temps à décuver lorsqu'elle ne picolait pas. Le sentiment de honte l'envahissait sans cesse, à tel point que, ni lui ni ses soeurs n'acceptaient d'inviter quiconque à la maison. Mais plus encore, il avait honte d'avoir honte d'elle. Parce que c'était sa mère après tout et qu'il l'aimait malgré ses fraques. Alors, quand elle dormait d'un sommeil lourd, ses soeurs et lui "s'amusaient" à trouver toutes les bouteilles qu'elle cachait un peu partout dans la maison afin de s'en débarrasser. La plupart du temps, ils les vidaient dans l'évier de la cuisine, mais pour ne pas qu'elle détecte l'odeur, il arrivait parfois au jeune homme qu'il était de les terminer.
Longtemps il a pensé que tout était de sa faute, que lorsque sa mère replongeait après être parvenue à rester sobre pendant quelques jours, c'était parce qu'il avait fauté quelque part. Longtemps il s'est senti seul et isolé, hormis le restant de sa famille qui faisait de son mieux également pour sauver la situation. Comme si le cas de sa mère était unique. Parce que c'était ce qu'il ressentait précisément à ce moment là.

➤ Petit, il voulait faire pilote d'avion. Quand tout allait bien dans la famille, sa passion était de regarder le ciel et dès qu'un de ces immenses bolides traversait le ciel, il était en alerte. Son père, sa mère ou même ses petites sœurs le prévenait à chaque fois et il s'était dit que c'était ce qu'il voulait faire plus tard. Ce n'était pas seulement regarder le ciel qu'il appréciait, c'était même tout ce qui consistait à conduire un avion, le métier de pilote. Le moindre documentaire ou reportage sur cela qui passait à la télévision et on le retrouvait devant, tout penaud et attentif. Sa chambre en était décorée, parmi quelques autres poster de groupe de musique et de dessins animés. Un rêve qui n'aboutira jamais, évidemment, puisqu'il a dû consacrer son adolescence à s'occuper de sa mère et de ses sœurs. Il se démenait pour leur offrir une vie convenable, hormis les soucis d'alcool apparent.  Adieu les études, dès qu'il le put, il s'était mis à travailler et ses sœurs l'ont aidé ensuite. Les trois premiers ont réussi à cotiser assez d'argent pour permettre à la dernière, elle, d'entrer à l'université et avoir la chance qu'ils n'ont pas eus.

➤ Faute de mieux, il a enchainé les petits boulots et la plupart du temps, il s'est retrouvé à assurer la sécurité dans plusieurs endroits divers et variés. Une expérience plutôt enrichissante qui, mine de rien,  a renforcé son caractère sans qu'il ne perde pour autant sa douceur. Mais dans ce milieu là, il fallait mettre ses sentiments de côté et rester impassible quoiqu'il advienne. A un moment donné, l'un de ses jobs a été de faire les chauffeurs pour des gens.... malhonnêtes. Une expérience qui ne lui a pas déplu, bien qu'un peu angoissante (et qu'il ne l'a évidemment pas inscrit sur son CV mais ça lui avait rapporté un bon paquet de moula en plus de garder certains contacts intéressants). La seule fois d'ailleurs où il a réellement joué avec le feu. Puis il a fini par s'établir une bonne fois pour toute dans une agence funéraire, expérience d'autant plus pertinente qu'elle ne l'a rapproché du concept de la Mort. Toutefois, lorsque sa mère est partie rejoindre les cieux à son tour il a six ans de cela, il a veillé à participer lui-même à l'inhumation aussi difficile la tâche pouvait elle être. Une façon pour lui de lui rendre hommage.

➤ L'anglais canadien (dont Sigmund a gardé l'accent) et le polonais sont ses deux langues maternelles. D'ailleurs, à la maison, les membres de sa famille et lui se parlent presque exclusivement en polonais, rarement en anglais. Ses grands parents ont toujours eu des difficultés dans l'apprentissage de la langue anglaise mais cela ne les as pas empêché de rejoindre leurs petits enfants pour apporter leur aide. Pas d'autres connaissances de langues mis à part bafouiller deux trois mots en espagnol, allemand ou même français, sans vraiment que ça n'aboutisse sur de réelles conversations. Un peu comme tout le monde pour le coup!