Besoin de se détendre - Sigmund

Le groupe de parole. A la fois quelque chose que Sigmund appréciait autant qu'il l'appréhendait. Plus d'une fois il avait manqué de faire demi tour au dernier moment... Enfin, c'était tout de même déjà arrivé. Parce qu'il avait pas forcément la "force" de s'y assister. Cela devait le concilier avec ses démons, son passif qu'il souhaitait mettre entre parenthèse pour une durée indéterminée. Pourtant, il avait fini par prendre cette habitude d'y aller même s'il lui avait fallu beaucoup de temps pour enfin prendre lui-même la parole et exposer son cas. A côté d'autres personnes du groupe, il ne se sentait pas vraiment légitime. On avait vécu bien pire que lui, alors pourquoi devrait-il monter sa vulnérabilité? Mais, lorsqu'il avait décidé enfin de parler, il s'était senti... un peu mieux. Ce n'était pas non plus le soulagement dont on pouvait s'attendre mais c'était un peu comme alléger sa propre peine en la faisant partager à d'autres. Des gens qu'il ne connaissait pas pour la plupart et qui était plutôt un plus pour cela. Il préférait se faire juger par des inconnu.e.s que par des gens qui était au courant depuis des années, qui connaissaient sa personnalité et qui avaient donc un oeil différent sur la chose.

Pour cette journée, il avait préféré écouter le discours de quelqu'un d'autre et interagir avec. Il n'avait pas eu envie de se lamenter une fois de plus. Ca s'était bien passé mine de rien et ça lui donnait en plus l'impression de pouvoir servir à quelque chose. Et bien sûr, ça le confortait à l'idée qu'il n'était pas un cas isolé. Il le savait au fond, mais il n'avait pas pu s'empêcher de penser qu'il était le seul au monde tant ça l'avait affecté durant de longues années. Enterrer sa propre mère au moment de sa mort avait porté le coup fatal mais il y avait tenu. A présent, il se reconstruisait, petit à petit. Il avait fait beaucoup d'effort et avait pas mal évolué... En bien, il l'espérait. Sigmund savait qu'il n'agissait pas toujours comme il le fallait mais... Personne ne pouvait être parfait, pas vrai? Il lui arrivait aussi de commettre des maladresses, de pas toujours agir comme il l'aurait fait avec un peu plus de recul. Son petit côté impulsif se montrait au moment où il s'y attendait le moins. Lui, le calme, le réfléchi... Ca pouvait surprendre.

La fin de la séance finit par arriver et tout comme les autres, Sigmund aida à ranger avant de quitter. Dehors, alors qu'il commençait à allumer une cigarette, il s'aperçut de la présence de William. Ce dernier l'avait rejoint pour lui demander comment il allait.

"Oh non pas du tout, ça va même très bien! Et toi?"

Etait-ce un masque qu'il portait là? Peut être. Mais à l'heure actuelle, il ne se sentait pas "mal". Plutôt bien même. Déjà parce que la séance était terminée, mais aussi parce que rien ne semblait obscurcir sa vie en ce moment. Pas plus que les choses habituelles qui pouvaient parfois l'irriter en tout cas.
Il abandonna sa cigarette étant donné qu'ils avaient convenu finalement de se prendre un verre dans un café aux alentours. Une fois qu'ils furent installés et que la commande fut passée, il se décida à poursuivre sa fumette. William quant à lui, poursuivit la conversation en lui demandant s'il avait du travail dans le week-end. Ce fut après que Sigmund recracha la fumée de cette première inspiration qu'il lui répondit.

"J'ai cinq funérailles ce week-end. Crois moi, je ne vais pas chômer."

Bien sûr, lorsqu'on le connaissait, on savait qu'il faisait allusion à sa vie professionnelle. Travailler dans le domaine de la mort pouvait s'avérer être un peu particulier, surtout lorsqu'on y était pas habitué. C'était même assez drôle de guetter l'expression des gens une fois qu'ils apprenaient où il travaillait. Il y avait très souvent une sorte de gêne qui en suivait, comme si c'était quelque chose d'intime. Ce qui pouvait se comprendre d'ailleurs, c'était humain de ne pas être à l'aise avec un domaine aussi fort que la Mort.

"Et toi? Tu travailles de week-end ou tu es définitivement libre? Peut être des projets?"

Il ignorait ce que pouvait faire un médecin pour dépenser son week-end, s'il n'avait pas de patient à s'occuper. Certes, ils étaient des êtres humains comme tout le monde, mais ils avaient un rythme de vie tellement différent que... c'était à se poser la question.

Par moment, Sigmund se demandait s'il n'était pas devenir insensible... Ou plutôt, excessivement sensibilisé. Non pas que les histoires horribles ou autres ne l'affectaient pas, mais à force, il avait fini par ne plus s'en attrister comme il aurait pu le faire auparavant. Après tout, il n'avait pas le choix, ne serait-ce que professionnellement parlant. Mais tout le monde n'avait pas cette capacité à endurer, et il pouvait le comprendre. Lui même ne se trouvait pas normal de temps à autre. Pas au point d'être un fou dangereux évidement, mais plutôt dans le sens à ne pas ressentir les choses de la même manière.
Ainsi, il eut un sourire compatissant lorsque William lui fit part de ses impressions sur la réunion de ce jour.
Mais une fois qu'ils trouvèrent une place libre en terrasse et qu'ils se mirent à discuter, l'ambiance se voulut moins grave, plus agréable. Contrairement à lui, William aura son week-end de libre et d'après ce qu'il lui dit, il restera chez lui pour lire. Sigmund se montra curieux. Laissant de côté les sujets abordés en réunion de parole, il se plaisait à cet échange nettement plus positif. William l'avait toujours un peu impressionné qui plus est, de par son âge et ses expériences. Il avait l'impression de faire face à un grand sage tel Gandalf dans le Seigneur des Anneaux.

"Oh, bien tout ça! Et tu comptes attaquer quel livre?"

Lui même avait une liste de retard de lecture. En vérité, bien qu'il aimait la lecture, il n'avait que peu de temps à l'y consacrer. Il avait toujours quelque chose à faire ou l'esprit occupé. Lorsqu'il parvenait à lire, ça le détendait car ça lui permettait de ne penser à rien d'autre, à moins que l'histoire soit inintéressante pour lui. Dans ce cas, il décrochait très vite.
Puis William s'intéressa au tournoi de football amateur, ce qui tiqua Sigmund.

"C'est quand exactement?" demanda t-il, intéressé.

Si ça se trouvait, ce sera dans ses heures creuses. Peut être qu'il pourrait s'y rendre également, si la situation le lui permettait bien entendu. C'était le genre d'évènement qui lui plaisait car il y allait autrefois avec des amis et c'était ainsi qu'ils dépensaient leur temps, bien souvent. Voilà longtemps maintenant que l'occasion ne s'était plus présentée. Finalement, William lui demanda des conseils sur des endroits où se rendre. Sigmund ouvrit la bouche mais, prenant conscience que la réponse ne venait pas si facilement, il médita dessus.

"Whouaouh! Eum... Tu as déjà essayé les musées? Ils sont sympas, mais il faut aimer l'art évidemment! Le muséum d'histoire naturelle n'est pas dégueulasse à visiter aussi, même assez instructif! Sinon un de mes endroits préféré est le Benny's Jazz Lounge, un bar... Jazz, comme tu l'auras deviné. Qui est actif tout le jour mais c'est plus intéressant de s'y rendre en soirée, l'ambiance est encore meilleure! Je pourrais t'y emmener un jour si cela t'intéresse. L'Experience Music Projet n'est pas mal non plus sinon! Ou même l'Observatoire."

Il dressait là l'inventaire des endroits où il préférait se rendre de façon exceptionnelle. Le nombre d'activité ne manquait pas dans une grande ville américaine comme celle ci.

"Attends... Ca fait combien de temps que tu es ici rappelle moi?"
Soudain, le doute l'habitait.

William lui parla de deux livres dont Sigmund n'avait encore jamais entendu parler. A l'entendre dire, cela étaient des livres qui dataient, mais après tout, ce n'était pas forcément une excuse. Il y avait néanmoins des tas et des tas de livres et il était tout bonnement impossible de tous les connaitre, aussi bons pouvaient ils être.

"Une pièce de théâtre? Oh! Je me souviens en avoir lu autrefois... Ca remonte. Au lycée!" Il s'égara le temps d'un instant dans ses souvenirs avant de redresser la tête : "En tout cas, je ne connais pas les titres dont tu parles. Les vieux bouquins ont beaucoup de charmes aussi. Ce sont même les classiques qui ont fait la littérature d'aujourd'hui. On lit bien encore l'Illiade et L'Odyssée alors... Pourquoi pas?"

Puis lorsque William évoqua le match de football, Sigmund s'était montré intéressé. Ce dernier lui informa du déroulement de ces derniers, ce qui le fit encore plus plaisir. Ca lui changerait de ses journées classiques et habituelles et surtout des enterrements. Rien de mieux qu'un match de sport pour cela.

"C'est vraiment intéressant ce que tu me dis là! Je risque de faire un saut pour assister à un ou deux matchs, lorsque j'aurais fini ma journée. Peut être que je pourrais t'y retrouver."

Lui parler des choses à faire à Seattle... Mine de rien, la tâche s'avérait plus compliqué qu'il n'y paraissait. A la limite dans les environs il devait y avoir quelques parcours d'accrobranche dans les forêts mais sinon, il ignorait comment lui donner des idées. Ainsi il lui avait parlé de ses endroits préférés et d'autres un peu moins connus mais qui lui avait laissé une grande marque. Naturellement, il voulu savoir si ça faisait longtemps que William était dans le coin pour ces raisons là, et la réponse qu'il lui fournit le laissa tout d'abord surpris avant qu'il ne se mette à méditer là dessus.

"Oooh d'accord." Dire qu'à cette époque Sigmund était né mais pas encore installé à Seattle. A cette époque, ils étaient tous heureux. "Non, comme ça. J'ai pensé stupidement sur le coup que ça ne faisait pas si longtemps que tu étais installé  là."

Sigmund se raviva lorsque William semblait partant pour le bar à jazz. Un des endroits préféré du presque quarantenaire qui y consacrait de nombreuses soirées. Lorsqu'il n'avait rien à faire ou qu'un.e ami.e et lui décidait de se retrouver quelque part juste histoire de se voir.

"Oh oui, je peux comprendre. Mais crois moi, c'est une expérience à vivre. Ce n'est pas le genre d'endroit ultra animé comme une boite de nuit, c'est plutôt relaxant même. Les gens parlent mais... Il y a une ambiance qui s'en dégage, ne serait-ce que par les chansons... J'adore moi en tout cas."

Et il fut un peu plus amusé lorsque William demanda de développer sur l'Experience Music Project. Sigmund fut également étonné qu'il en ait pas entendu parler mais il se lança tout de même :

"Tu connais pas? C'est un endroit super chouette! Il y a une salle de concert mais aussi un musée interactif sur le rock mais aussi la science fiction. Si tu n'y est jamais allé je t'encourage à tester, seul ou accompagné. Y'a de jolies choses à voir."

Il ignorait s'il était bon vendeur ou non, mais il estimait que cela faisait partie de sa réponse.

"Toi comment tu passes le temps? Où est ce que tu aimes te rendre? Est ce que t'as des endroits... qui t'ont particulièrement plu?"

Après tout, c'était toujours bon à savoir.