December Jones | Walk, Walk, Fashion Baby

TW |Cette histoire est un dialogue entre December et un psychologue de Seattle, il y discutera son passé. Mention d’enlèvement et d’abus sur mineur.|

Un psy. “Voir quelqu’un”. Une idée absolument saugrenue. Surtout quand on est un Jones. La fierté. L’empire hôtelier, les Palaces les plus prisés du Monde par les humains les plus fortunés de la planète. Et un December sans sa vraie place. Et surtout…
“Pardon, que je comprenne bien. Après l’enlèvement, vous n’avez pas été suivi?”
“Pas par autre chose qu’un garde du corps.” Il hausse les épaules en jouant avec son bracelet. Cadeau de Minho pour ses 21 ans. Besoin de jouer avec quelque chose de familier dans cet univers inconnu. Boutade, pas besoin de garde du corps quand on ne sort pas. Il sent que l’homme en face de lui a de nombreuses questions, mais cherche à rester professionnel.
“Pourquoi maintenant? Il reste pourtant sage. S’installe mieux dans son fauteuil.
“On est venu ici… avec Minho, mon meilleur ami… Pour essayer de vivre? Enfin, plus qu’avant. Pour de vrai. On est là depuis deux semaines maintenant… J’ai trouvé un travail, enfin je l’avais trouvé avant d’arriver. Tout est décousu et il le sait, mais il n’a pas non plus l’habitude de parler de lui. Jamais. A personne. Surtout pas un inconnu. Mais il se détend un peu en parlant de son travail. Il aime ça, le temps qu’il passe à “Upcycle Me”, une petite boutique un peu hype, mélange de friperie vintage et de création “upcycling” de petits créateurs. Comme lui. Il peut ainsi revendre ses propres créations, gagner une commission sur le prix. La Mode, et Minho Lewis, les deux éléments stables dans un grand chaos.
“Et, tout ne se passe pas comme vous le voudriez?”
“Je ne sais pas? Ça ne se passe pas mal. On a un chouette appartement, on cherche un ou une colocataire la. On a du travail.”
“Des amis?”
“Pas encore, ça viendra.. Non mais, je pense juste que.. J’attends.” Il regarde l’homme devant lui avec un sourire désolé.
“Vous attendez… Quelqu’un?”
“Moi, peut-être. J’ai juste jamais eu la sensation que j’existais pour une raison. Fin’, je suppose que personne n’a vraiment de raison d’être. Mais je sais pas où je vais, et je pensais que je trouverai ici, mais je ne sais toujours pas.”
“Mais vous venez d’arriver. Deux semaines… Certaines personnes mettent des années à trouver. Des gens qui ont eu beaucoup plus de temps que vous pour chercher.” Il dit en regardant ses notes. December Ange Jones, 21 ans. Kidnappé contre rançon par sa nourrice en Juillet 2006, il n’a pas 5 ans. 72h en captivité, trouvé par la police dans un garage en banlieue New Yorkaise. L’information avait fait son chemin jusqu’aux journaux nationaux, deuxième fils héritier d’une grande famille. Les articles trouvés en ligne ne donnent pas tellement de détails supplémentaires.
“Je ne sais pas si j’ai la patience.”
“December, la patience, ça s’apprend. Et vous devez déjà en avoir beaucoup, non? Toutes ces années sans découvrir le monde… Vous m’en parliez un peu plus tôt. Est-ce que vous en voulez à vos parents?”
“Au début non… Je voulais pas voir le monde non plus.” December a très peu de souvenirs de ce garage. Il se souvient avoir eu froid. Le reste, son cerveau a décidé de l’effacer pour lui. C’est plutôt Moon Jones, sa mère, qui pourrait vous parler des piques de glace le long de ses veines en entendant le rapport du médecin. De son petit être affamé, blessé, abusé par l’époux de la nourrice en question. De ses envies de meurtres envers ces personnes capables d’atrocité contre quelques millions. December se souvient de l’hôpital, puis de June, son grand frère, en larme. Il se souvient aussi de la peur lancinante qui le suivra les années suivantes. Le non-envie de parler à qui que ce soit, ou d’exister. La peur, la perte de confiance. Alors, que ses parents décident de l’enfermer au manoir et qu’il y suive sa scolarité, au début, ce n’était pas si compliqué à accepter.
“Quand est-ce que ça a changé?”
“Avec Minho, je suppose. Mon meilleur ami. Je crois que mes parents se sont rendu compte que j’étais devenu inapte socialement, alors ils ont organisés avec sa famille, pour qu’on passe du temps ensemble.”
"Vous aviez quel âge?”
“9 ans, enfin presque.”
“Et avant ça?
“Rien, le manoir, mon prof particulier de boxe et celui pour l’enseignement scolaire. Hmm, je suppose mon frère aussi encore à l’époque, un peu.” Éducation parfaite et cliché du petit héritier, le tout en sécurité dans son manoire, jusqu’à cette rencontre avec Minho. Un petit December de pas encore 9 ans, incapable de tenir une conversation avec un inconnu, envoyé en pature à l’anniversaire du fils Lewis. Après ça, on les aura difficilement séparés.
“Je vois.” Il note quelque chose. December se doute qu’il se note surtout ses doutes sur la légalité d’une telle éducation, mais qu’il essaie donc de se retourner contre une aussi grande puissance, tiens. “Alors avec Minho à vos côtés, vos parents ont desserré les liens?”
“Pas tellement.” Il échappe un petit rire désabusé. “En vérité, jusqu’à nos 16 ans, je ne sortais que pour aller chez les Lewis. Mais après… Minho a eu son permis, et j’avais envie de voir la vie. Surtout que le lycée allait terminer donc, bon, j’allais partir à Parsons sans avoir jamais même vu Time Square quoi. Alors il venait me chercher en douce et on allait explorer." Explorer, on s’entend. Explorer les endroits sécurisés, peuplés, en version VIP pour deux ados “rebelles” bourrés d’argent et privilégiés. Mais aux yeux de December, c’était déjà tout. C’était plus que tout. Lui, perdu, qui commençait enfin à vouloir rencontrer du monde à nouveau, qui allait enfin avoir le droit à des études “normales” en intégrant Parsons pour partir étudier le Textiles pendant 5 ans…
”Parsons?”
“Une école réputée dans le monde de la mode… J’aime coudre.. D’ailleurs je peux faire ça ici. Peut-être que je fais ça en fait, depuis que je suis arrivé.”
“Que ça?”
“C’est rassurant… tout m’effraie ici.” Il avoue finalement. Il n’est pas encore sorti, pas encore allé rencontrer ces gens qui le passionne tant ou ce monde qu’il voulait tant découvrir. Il a fui sa prison dorée pour apprendre à vivre et… Le voilà qui se crée une nouvelle cage. Non pas que Minho n’essaie pas de le convaincre d’avancer. Finalement, c’est probablement bien comme ça qu’il se retrouve chez un psychologue pour la première fois de sa vie. Et qu’il en ressort peut-être pas sauvé, mais avec une envie d’essayer, au moins.