Si mes défauts ne vous plaisent pas, j’en ai d’autres. | June & Darcy

“Je suis né à New York, mais je vis à Paris depuis quelques années maintenant.” Et tandis qu'elle hoche la tête à l'entente de ses paroles, un léger sourire vient étirer ses lèvres alors qu'elle tourne le regard vers lui. « Paris, je vois. Ca explique que vous soyez... » Désagréable ? Hautain ? Long cul ? « Comme vous êtes. » Ce n'était peut-être pas une bonne idée de pointer et mettre en avant les adjectifs qui lui collait parfaitement à la peau dans sa tête. Beaucoup de personnes idéalise Paris, Darcy n'y a jamais porté plus d'intérêt que ça. Elle a pu y voyager avec ses parents et contrairement à énormément de touristes, elle a détesté cet endroit. Ville de l'amour, mes fesses. Elle y a mis les pieds une seule fois et n'a plus jamais eu l'envie de réitérer la chose. Et ce n'est pas lui qui risque de lui faire changer d'avis. Elle est curieuse mais se retient de lui demander pourquoi Seattle, parce qu'elle se doute bien qu'il ne lui répondra pas. Déjà qu'il a l'air plus soulé qu'autre chose de devoir l'accompagner au Starbucks... “J’ai une aversion particulière pour le Cinéma.” Ses lèvres s'ouvrent mais rien ne s'en échappe, tout simplement parce qu'elle n'a aucune idée de quoi dire. C'est clair comme de l'eau de roche, ils n'ont strictement rien en commun, si ce n'est peut-être leur couleur de cheveux, et encore, les siens sont un ton plus clair quand même. “Je n’ai pas le temps pour un film, je n’aime pas les bruits sourds et de toute façon je suis incapable de rester concentré.” Bon, après, ce n'était pas une scoop que certaines personnes ne portent pas grand intérêt au cinéma. Elle-même ne s'y rendait pas tous les quatre matins, c'était pas l'une de ses passions mais ça ne la dérangeait pas d'aller voir un film une fois de temps en temps. « Si vous n'avez pas le temps de vous poser une heure et demi, deux heures devant un film, vous n'avez pas le temps pour autre chose. Vous ne faites rien pour passer le temps quand vous ne travaillez pas ? » Pour le coup, ça l'intéressait vraiment de savoir. Est-ce qu'il était le genre à ne penser qu'au boulot ? A manger, dormir, parler, renifler, pleurer, rigoler boulot ? Si tel était le cas, il avait une vie triste au possible. Pas étonnant qu'il soit légèrement aigri. “Je pensais vraiment qu’en parlant de travail je trouverai de quoi connecter un minimum, c’est absurde à quel point ce n’est pas le cas.” Elle n'est donc pas la seule à s'en rendre compte et en même temps, c'est difficile de passer à côté du fait qu'ils sont aux antipodes l'un de l'autre. C'était bien la première fois que Darcy se retrouvait dans une telle situation et pour autant, même si elle lui en avait légèrement voulue de l'avoir fait se déplacer pour une broutille de chaudière, ce n'était plus le cas. Elle le remercie lorsqu'il lui ouvre la porte et elle se tourne vers lui, un léger sourire désolé sur le visage. « Faut croire que nos deux mondes sont beaucoup trop éloignés pour que ça puisse fonctionner d'une quelconque façon, même la plus simple. » Mais on ne pouvait pas leur reprocher de ne pas avoir essayé, même si ce n'était que pour quelques minutes. 

“En fait, Paris m’a rendu plus acceptable.” Un peu surprise par cet aveu, elle tente de ne rien montrer. Plus acceptable... est-ce que ça voulait dire qu'il était pire que ce qu'il est aujourd'hui avant d'arriver à Paris ? Comment est-ce que c'est possible, ça ? Comment sont ses parents pour qu'il soit devenu comme ça ? Il y a quand même de quoi se poser des questions. Définitivement pas le genre de personne avec qui elle aurait accroché de base. “Je travaille, quand je ne travaille pas.” Elle hoche la tête, les lèvres pincées. « Excusez ma franchise mais j'ai connu plus passionnant comme vie. » C'était triste de vivre pour travailler, de ne faire que ça, tout le temps. Elle était soudainement curieuse : est-ce qu'il avait quelqu'un ? Une famille à lui ? Enfin, elle a là la réponse. Ce serait dommage pour eux s'il avait une vie de famille à laquelle il ne participait pas parce qu'il ne voyait que par le boulot.

Le café rejoint, elle se positionne dans la file, attendant patiemment que ce soit à leur tour. Une part d'elle avait, quelque part, hâte que ça se termine, parce qu'il était clair que ni lui, ni elle, ne prenait un plaisir particulier à cet échange. “Ca vous fera au moins une histoire à raconter. Il y a quelques magazines people qui peuvent vous payer un bon prix pour l’anecdote.” Elle fronce les sourcils mais c'est déjà à leur tour de commander. Elle prend le premier café qu'elle voit sur la carte, de toute façon ils sont toujours bons. “Si être présentée comme une potentielle conquête ne vous fait pas trop peur, bien évidemment.” Elle se contente de secouer la tête à ça. Pas que ça la dérangerait d'être considéré comme telle, elle s'en fichait pas mal de ce que pouvait raconter les gens à son sujet tant qu'elle et ses proches savaient la vérité. « Pourquoi je ferai ça ? J'ai autre chose à faire que d'aller balancer des potins à je ne sais qui pour quelques billets. » Elle était bien loin de chercher à faire parler d'elle, que ce soit en son nom ou en celui "d'une connaissance d'untel". Elle était au dessus de ça et ce n'est pas comme si elle était en manque d'argent.

Ce type de rencontre permet de pouvoir voir ce qu'on veut et ce qu'on ne veut pas. Et s'il y a une chose clair et net, c'est que Darcy ne s'imagine pas pouvoir côtoyer ce genre de personne de façon régulière. Pourtant, ils viennent tous les deux d'un milieu aisé mais ils n'ont clairement pas la même façon de vivre leur vie, leur rapport à l'argent semble bien différent. Trop pour que ça puisse ne serait-ce que coller un minimum. Outre cette histoire de chaudière, il suffit de voir à quel point le manque de conversation peut être pesant entre eux. “C’est rassurant, mais on ne pourra pas m’en vouloir d’assumer. L’histoire raconte que ce ne serait pas la première fois.” « Hm, j'imagine que vous n'en êtes pas à vos premiers potins si vous dites ça. » Cela dit, le fait qu'il puisse s'en foutre est, aux yeux de Darcy, une sacré force. Parce que c'est facile de se laisser frapper par le bad buzz que ça peut engendrer. De laisser les critiques et attaques s'immiscer en nous, dans nos têtes, jusqu'à nous la faire perdre. Un chance, donc, qu'il parvienne à gérer tout ça. C'est en tout cas l'impression qu'il donne. “La première fois par rapport à d’autres personnes, pas à vous, je précise.” Pas qu'elle ait douté de ça. Elle avait parfaitement compris ce qu'il avait voulu dire et elle se contente de sourire en pinçant les lèvres, sentant que ce moment empli de gêne touche lentement à sa fin. Enfin. “Je ne vais pas vous obliger à me faire la conversation avec votre café, je vous libère.” Portant son café à ses lèvres, elle hoche la tête, gardant malgré tout un léger rictus sur le visage. « Aucun doute que ça nous arrangera tous les deux. » Il n'avait déjà pas eu l'air enchanté de devoir descendre avec elle pour un café... En fait, non, il n'avait déjà pas l'air satisfait de la voir débouler chez lui pour régler le problème. Alors ouais, se quitter là était la meilleure des idées. « Je vous souhaite une bonne fin de journée et bon courage pour apprivoiser votre chaudière. » Elle s'abstient de lui serrer la main, ça serait bizarre et tourne les talons après un énième sourire. Elle n'est pas rancunière vis à vis de son comportement, elle préfère finalement en plaisanter que s'en offusquer.