Libre comme l’art. [+18] | Shin & Justin

Du nectar de fruit ? Tu te dis qu’il y a des oiseaux plus malheureux que d’autres… Tu te désintéresses de Peach, occupée à se nourrir, pour suivre Justin jusqu’au canapé. T’es soulagé qu’il opte pour cet endroit moelleux au lieu des hautes chaises rigides. Décidément, il ne manque pas de prévenance. Tu t’installes en examinant le repas préparé. Tu n’as jamais mangé de quiche auparavant ni même vu quelque chose de semblable. À l’odeur, ça te semble appétissant. Au pire, tu ne mangeras que la salade. T’es quand même un peu impressionné de constater avec quelle aisance le Français t’a préparé un plat, presque sans y penser.

— C’est pas mon genre d’être sage. Je peux être mignon à la place, pour avoir un dessert ?

Il ne te manque plus que l’auréole au-dessus de la tête…

— Mets un film que tu aimes bien.

T’es curieux de connaître ses choix en la matière et, de ton côté, ta culture cinématographique tient presque de l’inexistante. T’es davantage branché série, ton attention a du mal à se focaliser longtemps sur un film. Ce qui est paradoxal parce que tu peux tout à fait enchainer des dizaines d’épisode sans aucun souci.

— Bon appétit !

Tu le dis en coréen, sans trop y penser, et tu prends la part de quiche avec tes doigts. Tu croques dedans et tu es agréablement surpris par la saveur salée, par la crème, le goût de fromage. Et la pâte feuilletée, quelle merveille ! Tu viens de découvrir que tu adores ça.

— Comment t’as réussi à transformer les ingrédients en ça ? C’est super bon !

Il faut dire que tu ne sais même pas cuire un œuf… Tu prends une seconde bouchée sans te gêner, attendant que Justin vienne te rejoindre. Même s’il t’a embrassé il y a dix secondes et touché quinze ou vingt secondes avant, tu juges que ça fait trop long. Surtout pour un film.

@Justin Wilson  

Tu jettes un œil au film lancé sur Netflix. Pirates des Caraïbes… Ça te dit vaguement quelque chose. La musique, en tout cas. Puis t’as tourné un jour un clip où tu étais déguisé en pirate, ça te fait penser que tu devrais le montrer à Justin. Il devrait aimer. En attendant, tu manges de bon cœur et tu as bientôt terminé ta part de quiche. Tu t’attaques donc à la salade, pour laquelle tu utilises plutôt des couverts. C’est agréable, frais, et la quiche tient au ventre. T’as jamais été un gros mangeur mais tu apprécies qu’on prenne soin de ton palais -comme du reste.

— Je ne cuisine pas du tout.

Vaut mieux préciser, ça ne te gêne même pas. Tu n’as jamais eu besoin d’apprendre. Dans ton enfance, tu avais des domestiques pour s’en charger. En grandissant, tu as eu la mère de Nam-he, puis tu es devenu une star et tu avais donc un agent qui s’occupait de gérer ce genre de choses. Une fois à l’université, tu possédais non seulement ton propre argent mais également celui de tes parents ; tu mangeais dehors tous les jours. Depuis que tu es arrivé aux États-Unis, c’est pareil. Même si tu n’habites pas dans ton appartement sous-loué depuis longtemps, tu n’as encore jamais touché à la cuisinière, pas même à la cafetière, et tu n’y toucheras probablement jamais.

À la mention du réchaud et d’une canne à pêche, tu hausses un sourcil, perdu.

— C’est au sens propre ou c’est une expression américaine que je ne comprends pas ? Qu’est-ce que tu veux faire avec une canne à pêche ? C’est le moment où tu proposes des jeux sexuels bizarres ?

Pour le coup, tu ne plaisantes pas. Dans ton imagination, à aucun moment tu ne peux concevoir que des gens puissent pêcher au 21e siècle. Quant au réchaud, tu ne sais même pas ce que c’est alors tout est possible…

@Justin Wilson  

Tu acquiesces naïvement quand Justin te demande si t’es riche -quoique la question semble rhétorique plus qu’autre chose. Évidemment que tu l’es, ça se voit non ? Rien qu’aux habits que tu portes, à ta prestance, à… oui, bon, tu entretiens un grave biais de classe et tu ne te prends pas du tout pour de la merde, c’est un fait.

Loin d’imaginer que ton amant a l’outrecuidance de penser à un autre en ta compagnie (même si tu t’es en quelque sorte déjà tapé l’autre en question) tu l’écoutes te raconter qu’il voyage beaucoup (ça c’est bien), en van (pardon ?!), caritatif (ma foi en tant que riche, tu connais ce genre d’obligation) et pas toujours dans des lieux dotés a minima d’une cuisine équipée. Heureusement que t’as terminé ton assiette et que t’as avalé la dernière bouchée, autrement il aurait vu tout le contenu de ta bouche entrouverte par la stupeur.

Finalement, tu décides de rire, un son léger.

— Tu as une étrange façon d’occuper ton temps libre, professeur.

Tu prononces le dernier mot en coréen, en faisant rouler le son sur ta langue, lui donnant un petit côté érotique volontaire. Ce que te racontes Justin te parait tellement éloigné de ta vie… Tu n’as jamais logé dans moins qu’un hôtel quatre étoiles (et encore par la force des choses), ni péché, ni même conduit, d’autant que tu n’as pas le permis. Mais si tu l’avais, tu opterais probablement pour une voiture sportive et pas pour un van.

— Tu possèdes un van ? Et tu voyages dedans ?

Tu t’en assures, parce que t’as peut-être mal compris. En toute logique, si tu as bien suivi ses explications, c’est le cas. Ça te semble incongru comme moyen de transport pour une célébrité mais d’un autre côté, c’est rusé. Qui imaginerait que quelqu’un de célèbre conduise un tel véhicule ?

@Justin Wilson  

T’essaies de t’imaginer apprendre à cuisiner. Pourquoi pas, après tout ? Surtout si Justin t’enseigne. Il est plutôt doué comme professeur dans d’autres matières alors tu supposes que ce sera le cas aussi pour celle-là. Même si tu n’as pas prévu d’avoir un jour besoin de savoir te débrouiller, tu imagines que ça ne peut pas faire de mal. Ne fut-ce que pour l’expérience. Alors tu acquiesces, convaincu, presque enthousiaste.

La situation dérape ensuite pour virer dans le surréaliste quand Justin lui montre des photos. D’abord, celle du dernier van qu’il a loué et qui semble sorti tout droit d’un vieux film du siècle dernier (au minimum). Tu n’as aucune idée d’où se situe Cape Town, ce qui ne t’empêche pas d’être impressionné par son exploit. Aider une femme à accoucher ? Voilà bien quelque chose que tu ne feras jamais. Déjà parce que ce doit être extrêmement salissant. Ensuite parce que… il y a des médecins pour ça, non ?

Une sensation de vertige te saisit. Tu prends le téléphone et tu regardes les différentes photographies. Tu passes toi-même de l’une à l’autre et tu écoutes les commentaires, les explications, les illustrations. Vous n’appartenez pas au même monde. Tu ne conçois pas que l’homme avec lequel tu viens de coucher soit si… altruiste ? Tu te demandes comment vos chemins ont pu se croiser et tu te sens vaguement mal à l’aise de ne pas avoir envie d’aider autrui, de n’avoir jamais rien fait de désintéresser. C’est très désagréable.

— Tes cheveux sont inspirants.

C’est tout ce que tu trouves à dire, une vérité banale, bancale, superficielle, parce que tu es superficiel et tu le ressens de plein fouet en écoutant Justin.

— Ce n’est pas d’aider les autres qui est étrange. C’est…

Tu hausses les épaules, incapable de terminer ta phrase. Tu cherches une distraction pour ne pas qu’il se rende compte de vos différences, pour ne pas qu’il arrête de t’appeler sa perfection. T’as besoin qu’on t’aime et après ce que vous venez de partager, tu n’imagines pas que Justin puisse mal te considérer. La simple perspective te panique. Alors t’essaies de te rattraper comme tu peux et le film t’offre une porte de sortie.

— C’est drôle que tu aies choisi un film de pirates, un des derniers clips que j’ai tourné, j’étais justement déguisé comme ça. Tu veux voir ?

Comme un gosse inconséquent, inconscient de sa superficialité, tu lui rends son téléphone pour t’emparer du tien et lancer un extrait isolé où tu danses sublimement, fidèle à toi-même, aussi joli que possible dans ton costume.

@Justin Wilson  

Il t’attire contre lui et le geste te soulage d’un poids dont tu n’avais pas conscience. Tu lui montres l’extrait, persuadé qu’il ne peut qu’aimer et de fait, il en redemande. Tu souris plus largement, éclatant.

— Plein ! Mais c’est plus mon groupe.

Tu le précises parce que… T’en sais rien. Ton rapport à DARE est tout en paradoxe. Ta fierté et ta pire frustration. Une blessure à vif et le témoin d’un passé glorieux. Tu adores et tu hais. Assister à leur comeback fin de l’année dernière t’a plongé dans une phase dépressive si intense que tu as plus d’une fois envisagé sérieusement de mettre fin à tes jours. T’en as remplis, des pages de ton cahier…

Tu chasses ces sombres pensées. Tu essaies. Pour t’y aider, tu grimpes sur Justin, t’installant à califourchon sur lui. Ainsi tu lui bouches la vue s’il avait l’intention de regarder le film. Mais tu préfères qu’il te regarde toi.

— Je n’ai plus les tenues, mais si tu me dis celles que tu aimes, je peux en trouver des assez proches. J’aime m’habiller, me mettre en scène, la seule limite, c’est celle de ton imagination…

T’as soufflé cette dernière phrase contre son oreille, que tu lui mordilles doucement. T’aimes sentir sa peau chaude sur la tienne et tu reprends un peu confiance quand la conversation retourne sur un domaine que tu maîtrises : toi, ton corps, ta perfection, le désir que tu cherches à attiser, que tu as besoin d’attiser.

— Et toi, tu porterais certaines tenues pour moi ?

T’aimerais bien le voir apprêté même si plus ça va et plus tu commences à douter qu’il possède ne fut-ce qu’un beau costume qui le mette en valeur. Tu te demandes s’il le fait exprès ou s’il est dépourvu de tout bon sens. Il a pourtant l’œil et sait reconnaître le beau, alors qu’est-ce qui peut bien clocher chez lui ? D’un autre côté, ses performances sans le moindre habit compensent largement…
… pour l’instant.

@Justin Wilson  

Peut-être. Peut-être pas. Devenir une star solo ? Intégrer un autre groupe en tant que leader ? Tu n’as aucun talent en dehors de la danse, aucun atout en dehors de ton physique, alors tu ne peux que guetter l’occasion en or qui se présentera à toi. Tu penses l’avoir trouvée en la personne de December mais l’avenir te dira si tu as eu raison de parier sur lui. Tes réflexions fleurent bon le paradoxe ; on pourrait croire que tu n’as pas une haute opinion de toi-même en affirmant n’avoir qu’un talent mais ce serait mal te connaître… Tu excelles et l’excellence ne brille pas à la portée de n’importe qui.

Les mains de Justin viennent t’effleurer, provoquent un frisson qui remonte le long de ta colonne.

— Bien sûr. À qui d’autre le dirais-je ? Je ne me laisse pas toucher par n’importe qui.

Une vérité même si tu as déjà vécu quelques aventures à Seattle et que tu en connaitras d’autres dans les semaines à venir. Tu ne choisis jamais n’importe qui ; systématiquement quelqu’un de plus beau que la moyenne, ou de plus charismatique, avec une qualité ou un atout qui le rend repérable. Qui le distingue. Il n’y a que pour Justin que tu t’es laissé ensorceler en perdant le contrôle de toi-même. Tu n’as pas encore compris pour quelle raison et tu ne seras peut-être jamais capable d’analyser ce qui t’a plu chez lui. Ça impliquerait de creuser trop profond dans tes névroses.

Avec une moue boudeuse, tu réponds :

— On peut commencer dans ta chambre puis…

Tu hausses les épaules avec flegme. Sans t’en rendre compte, tu t’es projeté et t’essaies de rattraper le coup. Justin a déjà parlé de l’avenir mais l’avenir dans un lit et l’avenir qui nécessite de s’habiller sont deux chemins distincts qui certes, peuvent se rejoindre… mais pas forcément. De mémoire, tu n’as jamais couché deux fois avec la même personne. Si vous repassez à l’acte ce soir, il t’aura dérobé une autre « première fois ». Avec tout ce que ça implique.

Et, évidemment, vous repassez à l'acte ce soir.
Et, oui, tu dors chez lui, dans ses bras, dans son lit.
Dangereusement apaisé.
@Justin Wilson