❝Il y a des secrets qu'on ne peut garder pour soi❞ ; w/Lukas

Dix-huit semaines.
Il se voit, à présent. Ce petit ventre rond, adorable, qui fait l’objet de bien des questionnements, des gens qui m’entourent. Parfois, on le regarde, on me sourit. Il ne se voit pas quand je porte des vêtements amples mais tout le monde le remarque d’une manière ou d’une autre. Je me sens bien. Je rayonne. Je n’ai presque plus de nausées, je profite enfin de cet état de béatitude qui me gagne dès que j’ouvre les yeux le matin. Je fais abstraction de bien des choses pour ne laisser que le positif dans ma vie. J’ai vu mon bébé, à l’échographie. J’y suis allée avec ma sœur. Qui est mieux placé qu’elle pour ce genre de rendez-vous important ? Bon, d’accord, je reconnais que, “peut-être”, ce serait la place de Lukas, mais sans réellement savoir si c’est lui le père de cet enfant, je préfère garder ma sœur plus proche de moi qu’elle ne l’est déjà. Avec Kelly, on n’a pas de secret l’une pour l’autre. Enfin presque. Elle sait tout de moi : de mon histoire avec Lukas (qui bosse avec elle, apparemment.!) à mon histoire avec Gabrielle. Je ne lui ai jamais caché mon désir de maternité, ni le nombre d’essais que nous avons effectué à la clinique de fertilité, avec mon ex-femme. Elle m’a soutenue quand j’ai décidé de faire un bébé toute seule. Kelly est présente depuis le début de cette grossesse. C’est ma sœur, après tout. C’est la seule qui ne quittera jamais ma vie, après tout. Ceci dit, il a fallu que je lui cache cette nuit du nouvel an, avec Lukas parce que je ne savais pas du tout comment la définir. Je ne le sais pas plus à présent, surtout depuis que Gaby est réapparue dans ma vie. Je suis si perdue. Et forcément, j’ai eu besoin des conseils de ma sœur, elle est tellement indispensable…

Malgré tous mes tourments, je me concentre donc sur le positif. Je suis en bonne santé ainsi que mon bébé. Il grandit parfaitement et a une vitalité de fer ! Il n’y a pas si longtemps, j’ai découvert que ces papillons dans le ventre que je ressentais parfois  n’étaient autre que les mouvements de mon bébé. Aujourd'hui, c’est un peu moins discret, il donne de vrais petits coups. Ma sœur n’a pas encore eu l’occasion de les sentir, je suis encore la seule chanceuse. Mon gynécologue m’a affirmé que d’ici quelques semaines, mon entourage pourra profiter des échanges avec bébé ! Ma mère est impatiente d’ailleurs. A peine sommes nous sorties de ma visite chez le médecin, que maman téléphonait déjà pour savoir si tout s’était bien passé et si on connaissait le sexe du bébé. Alors pour le coup, je n’ai pas voulu savoir. Même si je meurs d’impatience de rencontrer ce petit être humain, je crois que je ne suis pas prête à savoir si c’est une fille ou un garçon. J’ai peur de me projeter dans l’avenir et que… tout bascule. Je n’ai jamais été aussi loin, dans une grossesse alors forcément, j’ai peur de l’inconnu. J’ai peur de vivre une tragédie alors que je n’ai qu'à penser aux belles choses qui m’entourent. Mais pour l’heure, c’est tout de même le temps pour moi, de voir Lukas. Je l’ai cherché avec l’aide de Kai, sur les réseaux pour m'apercevoir qu’il n’était pas bien loin. Qu’il travaillait avec ma sœur, alors qu’elle s’est bien gardée de me le dire. Au même titre que j’ai omis cette fameuse nuit de la Saint Sylvestre où Lukas et moi avons fait l’amour, n’est-ce pas ??? De ce fait, il m’est impossible de savoir si mon insémination a fonctionné. Seul, un test de paternité pourrait répondre à ma question… D’où le fait que mon ex petit ami, doit connaître la vérité.

C’est en me dirigeant à la caserne des pompiers que l’angoisse me gagne. Je parle toute seule, à voix haute. Mais suffisamment bas pour que personne ne comprenne ce que je dis. En fait, je cherche les mots. Je ne trouve pas la meilleure façon d’annoncer à Lukas que je suis enceinte et qu’il est peut-être le père de cet enfant. Je me suis imaginée plusieurs scénarios possibles mais dans chacun d’entre eux, ça finit vraiment mal. Je sais qu’il va mal le prendre, surtout après cette merveilleuse nuit que nous avons passée ensemble, mais je n’arrive pas à oublier, ni à passer à autre chose. Gabrielle me rend folle en ce moment et son retour en ville ne me dit rien qui vaille. Je ne sais plus où me mettre. Je la fuis le plus possible depuis que  nous nous sommes revus, le mois dernier. Elle ignore mon état et je souhaite que ça reste comme ça, pour le moment. Je peux encore lui cacher ce ventre qui s'arrondit, de quelque manière que ce soit. Quand elle se pointe au Witness, j’arrive à “masquer” mais je sais qu’à un moment ou un autre, elle finira par le découvrir. Ma priorité actuelle, c’est que ce soit Lukas qui le sache avant elle, parce qu’il est peut-être concerné, contrairement à Gabrielle. En arrivant dans le bâtiment, je demande à voir Lukas, sûrement auprès d’un collègue, qui se charge d’aller le prévenir de ma visite impromptue. Pendant ce temps là, j’observe autour de moi, referme la veste dans laquelle je camoufle avec soin, ma maternité naissance. Le temps s’écoule à une vitesse folle, j’entends un raclement de gorge dans mon dos, qui me saisi. Immédiatement, je me retourne et le retrouve, là, devant moi. Comme au nouvel an, je ne peux quitter son regard enchanteur. Malgré moi, ou malgré lui, l’emprise qu’il a sur moi est sans équivoque. Je retrouve immédiatement les sensations que j’ai eue, quand nous nous sommes retrouvés à deux, cette nuit-là. Comment l’oublier ? Je n’avais pas ressenti un tel désir depuis si longtemps. Ce même désir qui m’assaille, en ce moment. Mes hormones jouent avec moi, c’est évident. Elles décuplent ce que je ressens, en temps normal. Parfois, c’est agréable, parfois moins. Comme ici, je ne devrais pas avoir envie de lui sauter dans les bras, l’embrasser avec passion, sentir la chaleur de son corps contre le mien… je me contente de lui sourire, en masquant cette fébrilité survenue de nulle part !

— Bonjour, Lukas… ça fait longtemps.

Très exactement, cent deux jours depuis le nouvel an. C’est long. MAis ça l’est encore plus depuis que j’ai découvert ma grossesse. Légèrement mal à l’aise parce que nous sommes observé, je demande à mon amant ;

— On peut discuter… en privé ?

Les premières heures de gardes ont été éprouvantes pour tout le monde. Une sorte de malédiction avait frappé sur la brigade. Personne n’a pu se reposer une seule fois, la veille. Lukas a même piqué du nez sur son dernier rapport d’accident. Il n’en pouvait tellement plus qu’il n’a pas terminé son repas et est parti roupiller dans sa chambre de dortoir pendant deux bonnes heures.

Aujourd’hui, c’était plus calme.
Tout le monde était vaqué à ses occupations. Ils avaient ordre de faire un grand ménage de printemps dans la caserne. Il fallait trier les médicaments, nettoyer les camions et les tenues de pompiers, vérifier que tous les outils respectaient la norme de la sécurité. Lukas veillait au grain, il refusait à avoir le moindre problème au sein de sa brigade. Il avait déjà fait un grand tri dans son bureau pour être tranquille en rentrant chez lui après sa vacation de quarante-huit heures. Le trentenaire était occupé à préparer une paëlla pour toute son équipe. Il connaissait les aliments dont certains étaient allergiques ou non, ce que certains aimaient où les dégoûtaient. C’était un peu comme le papa de la caserne. Il voulait que tout soit parfait comme sa mère le lui avait toujours conseillé. Chacun comptait sur lui, alors il n’allait pas leur mettre des bâtons dans les roues…Sauf s’il rencontrait un bon casse-pied sur son chemin pour pouvoir le rediriger vers la bonne direction.

Il était tellement concentré qu’il ne s’attendait pas à avoir de la visite de qui que ce soit. Un de ses collègues est venu lui annoncer qu’une femme brune l’attendait à l’accueil de la caserne. Intrigué, il s’arrêta de servir les assiettes et posa des cloches partout avant de partir.
Il n’avait pas de rendez-vous aujourd’hui ? Au cas où si le colonel allait lui rendre visite pour les chiffres du mois…. Il vérifia sur l’agenda de son portable, mais non. C’était vide. Il n’y avait que ses horaires de travail d’indiquer. Il fronça les sourcils et accéléra le pas, curieux de savoir qui se cache derrière cette fameuse dame.
Une de ses anciennes conquêtes ? Non. Il ne faudrait pas abu…ser.
Kendall attendait patiemment à l’accueil.
Lukas leva un sourcil en sa direction, il la reconnaitrait entre milles même si elle lui tournait le dos. Non, il ne la reconnaissait pas son postérieur.
Mais qu’est-ce qu’elle faisait ici ?

Ils ne s’étaient plus croisés depuis la soirée du Nouvel An. Lukas descendit des escaliers sans faire de bruits, il était hors de question de l’effrayer. Il ne s’attendait pas à la revoir, mais dans le fond, il était vachement heureux. C’était le destin ? Après, elle pouvait venir à la caserne parce qu’elle avait un souci de taille minime ? Genre un petit bobo de rien du tout et elle n’a pas confiance aux autres au point de demander l’aide de Lukas ? Ouais mais dans ce cas-là, pourquoi, elle ne l’a pas demandé à Kelly ? Ce n’est pas logique.
Lukas arriva doucement derrière Kendall et attendit que les autres collègues arrêtent de les regarder. Il leur jeta un regard sévère parce qu’il détestait à ce qu’on écoute ses conversations personnelles. Les collègues curieux détournèrent leur regard et s’éloignèrent d’eux.
Lukas prit soin de se racler la gorge pour signaler sa présence. Elle était magnifique dans sa veste et il lui sourit grandement.
Il ne sait pas si c’est l’effet qu’elle dégageait pour le rendre aussi détendu. Il se sentit bien face à elle, il ne pensait pas à tout ce qu’il devait faire dans la journée. Il avait fière allure dans son uniforme avec les échelons sur les épaulettes. Il se trouvait dans son élément et était sûr de lui, cette fois.
« - Bonjour Kendall, » salua-t-il doucement avec son petit sourire discret. « Tu es…Radieuse aujourd’hui. Tu as un truc de changer… Et ce n’est pas ta coiffure, on dirait. »
Il essayait de déceler.
Mais il a bien vu qu’il y a un changement chez son ex petite amie. Mais il se sentit attirer comme un aimant vers elle, elle l’hypnotisait à nouveau avec son regard de biche. Lukas posa la tête sur le côté, prêt à tout entendre.
« - On m’a dit que tu voulais me voir…Oh. Euh… Oui, bien sûr. »

Il lui montra d’un geste élégant son bureau où il ouvrit la porte et l’invita à entrer avant de la fermer derrière lui. Il l’invita à s’asseoir sur une des chaises face à son bureau, sauf qu’il s’asseoit à ses côtés.

« - Quelque chose ne va pas ? » demanda-t-il en la regardant droit dans les yeux.

Il s’inquiète. Ce n’est pas bon du tout.