Si je me fais rire tout seul, c’est que je suis drôle. | Jules & Justin

Les souvenirs sont précieux. Ce n'est jamais facile d'être le petit nouveau au langage étranger qui doit s'accoutumer à tout ce qu'on lui impose. Petit être aux yeux aussi clairs que les miens, j'en avais fait une petite mission sur mes petits pieds et ma petite tête de l'aider. Doux personnage que j'ai appris à connaître très jeune et à apprécier, les leçons françaises ont forgées le nouveau Justin. La langue fourchue sur les mots, l'accent qui écorche dans toute sa splendeur, il a vite capté l'essence jusqu'à s'améliorer au point où j'avais voulu admirer son évolution encore plus spectaculaire, mais nous devions partir une nuit sans prévenir. Ma soeur m'avait réveillée si vite, si brusquement que j'en avais eu le coeur déchiré, battant la chamade. Je n'avais jamais pu dire à Justin pourquoi j'avais brutalement quitté le cocon parisien. C'est difficile d'en parler, de s'excuser. Le blond ne m'en a jamais voulu, visiblement, mais je crois que je lui dois quelques explications : un jour ou l'autre. Il arrive. Je peux presque entendre ses pas plus lourds dans l'espace du couloir qui mène à la porte de mon appartement. Ruby est absente, ce qui me convient bien pour recevoir l'ami. Les bénéfices de notre relation se sont montrées quelque peu exotiques sans pouvoir s'expliquer dans un attachement. La profondeur ne dépasse guère celle que j'éprouve pour une certaine brune, mais ce n'est pas que ça pour moi, pas vrai ? L'artichaud que je suis s'attache jusqu'à se faire blesser par son prochain. Celui de qui l'on profite. J'en ai toujours payé les frais, mais je reste cachotier sur la nature de tout ça, parce que l'amitié règne d'abord et avant tout. Les coups signalent son arrivée et je m'approche pour tourner cette fichue poignée un peu capricieuse, souriant sur l'arrivée du blond. ‹ — Bonjour cher monsieur › avais-je répondu à son hilarité passagère, théâtralité qu'il se donne pour jouer d'une comédie légère et je l'écoute avant que mon rire se mélange au sien. Je me pousse de cette porte pour lui faire signe d'entrer et de refermer sécuritairement derrière. ‹ — Je suis content de te voir ! › C'est exprimé avec sincérité et je me rapproche pour lui piquer la bise habituelle avant de le laisser se débrouiller pour retirer ce qui l'encombre. ‹ — Tu as besoin d'aide pour quelque chose ? › La politesse. Toujours. J'en suis un mordu, incapable de lâcher le morceau. ‹ — La route s'est bien passée ? › Je sais que ce sont des banalités, mais je ne suis pas le meilleur pour trouver les plus beaux sujets de conversation lorsqu'elle vient tout juste de commencer. Nous nous voyons de temps à autres afin de récupérer des nouvelles, de passer un petit moment ensemble si nous sommes célibataires tous les deux. Des amants qui se disent sans attache, mais dont la nature devient un peu complexe d'un côté, mais pas tellement. Un bazar, certes. Mais de mon côté, je suis profondément attaché à une personne en particuliers et rien ne pourra changer ça.

C'est la tradition de tendre les lèvres en canard et de poser un semblant de celles-ci sur la joue d'autrui, coutume française à la double bise et à sourire d'affection papillonnante pour les êtres aimés, adorable blond qui se tient devant lui. Jules tient beaucoup à Justin et désire passer un certain temps avec lui. Renouer un temps qu'il semble avoir oublié, les aiguilles de l'horloge s'animant trop rapidement pour lui faire perdre la lignée du temps. Le dessinateur agréablement sympathique use de mots charmeurs qui atteignent souvent sa cible, dans une simplicité déconcernante, mais Ô combien Jules n'en voit que la poussière d'étoiles. Il l'accueille au sein de son chez-lui, lui ouvrant sans aucune attente sa porte. Le choix de son plat appel la gourmandise qui se terre dans son estomac, provoquant une nuée de gasouillis que seul Jules peut entendre, puisqu'ils ne sont pas assez sonores pour vibrer aux oreilles du bouclé. Il opine rapidement de la tête avec ce sourire qui se fait très doux. ‹ — Oh oui, j'adore ! Excellent choix ! › Il en a, presque, la bave qui s'écoule : il a faim. Très. Il lui demande, gentiment, si dégarnir les pommes de terre de leur couche extérieure le dérange et Jules lui répond : ‹ — Avec plaisir ! Heureusement j'ai deux outils pour éplucher. À moins que tu préfères un petit couteau ? › Il est moins tenté par cette option qui est plus dangereuse, mais si Justin se sent plus à l'aise de cette façon, Jules ne va pas aller à contresens. ‹ — C'est vrai que Seattle est une jolie ville. Tu crois rester plus longtemps ou pas trop ? › Parce qu'il est au courant que Justin ne tend pas à rester dans la même ville si longtemps. Certes, ça risque de lui pincer le coeur un tant soit peu s'il lui annonce qu'il prévoit quitter bientôt, mais la vie... La vie elle est ainsi faite. Les vas et viens et de la vie imposent que certaines personnes ne sont que de passage dans nos vies. Jules l'amène dans la cuisine où ils peuvent préparer le repas. Laver les pommes de terre pour éliminer un peu de ce côté brunâtre de la terre, sortant les instruments pour commencer à les dégarnir. Une mandoline avec appui, afin d'éviter les accidents fâcheux et dangereux. ‹ — Pas grand chose ! J'aimerais être annonciateur de nouveautés, mais je crains que ma vie ne soit au même point qu'elle l'était. › Il n'est pas triste. Elle va avancer le moment venu, voilà tout. ‹ — Comment se porte le succès de ta nouvelle BD ? ›