Is there any life on Mars? | June & Mars

AVRIL 2024 ·· RED LOOP ; Nouvelle soirée, mais toujours le même quotidien, les mêmes habitudes. Tu prépares, avec organisation, les ingrédients pour tes cocktails. Ça te change de tes produits chimiques. Depuis quelques semaines, tu as arrêté la production. Neptune est furieux. Les menaces laissées sur ta boite vocale, de ton téléphone prépayé, en sont la preuve. Il souhaite que tu reprennes la fabrication, au plus vite, sinon — « Je te démembre, donne tes organes à bouffer à des chiens errants, et t'éparpille dans tout Seattle, accusant ta précieuse sœur, pour cet odieux acte. Et je me ferais un plaisir de mentionner à quel point tu as été chéri et aimé par ton très cher paternel. Compris, Mars. » Et face à ce message ridicule, tu as bien ri. Enfin. Jusqu'à réaliser qu'il en serait capable. Neptune est effrayant, quelquefois. Mais tu ne peux que l'adorer. À en crever. Tu chéris cet être, plus que ta propre vie. Neptune — Empereur de ton âme, sauveur de ton enfer.

Seulement, tu ne peux pas. Tu as un autre projet. Et il est sur scène, à s'échauffer. Soa. Cette vengeance, tu la désires ardemment. Tu n'oublies pas la disparition de ton meilleur ami, Lance. Tu te doutes qu'elle sache quelque chose. Tu en es persuadé. C'est pour ça, que tu dois rester dans cet endroit infâme. Ça ne te réjouit guère, mais pour Lance, tu peux, tu dois le faire. Tu ne comprends pas pourquoi Neptune, ne le recherche pas. Vous trois, c'était « à la vie, à la mort. » Alors pourquoi, il ne bouge pas ? S'est-il passé un truc, entre eux, que tu ne saurais pas ?

Les minutes défilent, jusqu'à l'ouverture du red loop. La musique résonne déjà dans la salle. Tu t'affaires à préparer les premières commandes des client.es, toujours avec un sourire charmeur. Plus de vente. Plus de pourboire. Plus de tunes. Même si vendre ta dope demeure, au-delà, « du plus rentable. » Et tes iris se perdent sur ta victime. Cette demoiselle que tu as martyrisée dans le vestiaire, il y a quelques semaines. Un petit sourire en coin orne tes pulpeuses, jusqu'à entendre une voix prononcée ton prénom. Ton expression change. Peu de gens t'appellent ainsi. C'en est même déconcertant. Tu te demandes même s'ils le connaissent vraiment. Tes orbes sombrent se posent enfin sur cet homme, qui t'a dérangé dans ta contemplation. Tu restes interdit, quelques secondes. Sans faire le moindre mouvement, avant d'énoncer, dans un ton solennel, un simple : « June. » , le regard toujours posé sur sa personne.  

June Jones. Cet homme, que tu as pu voir sur les couvertures de magazines et mentionné dans plusieurs articles ; chez Neptune. June. Ton premier fantasme inavoué. Celui qui a déclenché cette violence en toi. Celui que tu as désiré, sans même t'en rendre compte — prenant tes pulsions d'adolescent pour de l'admiration. Quelle ironie de le retrouver ici. Tu glisses habilement le verre commandé, ainsi que l'addition, devant ton ancien fantasme. Même si tu dois reconnaître que cet homme demeure toujours aussi électrisant, tu souhaites qu'il termine le plus rapidement sa boisson.

Tu prépares, avec facilité, une nouvelle consommation, demandée par un client. Celle-ci servit, accompagnée de ton fameux sourire charmeur, tu encaisses l'addition et empoches discrètement le pourboire — avant de revenir vers l'homme, qui dépeint dans cet univers. « June, qu'est ce que tu fais, ici ? Dans ce lieu ... peu fréquentable, pour une personne telle que toi. Tu devrais faire attention à ta réputation ... Monsieur Jones. » Rétorques-tu, imperturbable, en mettant l'accent sur la nomination, le faciès fermé, sans montrer ta méfiance, face à son arrivée particulière.

Un visage que tu n'as pas vu depuis bien longtemps. Plus d'une décennie. En survolant quelques articles, tes connaissances sur l'homme sont restreintes. Pour toi, c'est un simple gérant d'hôtels de luxe, en Europe. Alors, il est sûrement à Seattle pour affaires. Seulement, c'est bien étrange, pour une personne de sa stature de se retrouver, ici, au red loop. À moins que son passe-temps soit de se rendre dans des bars miteux. Mais tu en doutes, au vu du costume qu'il arbore.

— Tu perds du temps pour rencontrer d'anciennes connaissances ? Ajoutes-tu, toujours impassible, tandis que tu glisses des coupes sales dans le bac du lave-verre. Quelle joie, d'avoir les mains dans la saleté, des autres. Pour lui.