Est-il temps d'ouvrir les yeux ? - Joshua

Une soirée mousse. Ca faisait vraiment longtemps qu’il n’avait pas participé à un tel évènement. Mais vu que Joshua avait croisé Lydia et qu’ils étaient invités, Anton se retrouvait donc parmi une foule d’amis de la jeune femme. Ca faisait déjà plusieurs heures qu’ils étaient là et Anton se disait que le lendemain, il allait regretter de ne pas avoir mis des bouchons d’oreilles. La musique était à fond et même s’il n’était pas à côté des baffles, il avait la musique à fond. Comme dans des concerts, quand on sent les battements de son cœur plus fort que d’habitude. Quand il chercha dans sa mémoire depuis quand il n’avait pas ressenti ça, il se rendit compte que ça remontait à plusieurs années. Peut-être qu’il devrait en profiter pleinement ce soir ? Après tout, il ne savait pas quand il serait invité à une telle soirée à nouveau. Regardant les personnes présentes, il avait parlé avec quelques connaissances, avant de remarquer, qu’il y avait beaucoup de visages qui ne lui étaient pas du tout familiers. Lydia avait vraiment énormément d’amis, ça il pouvait le voir. Soupirant doucement, Anton décida de se glisser dans la foule pour aller se chercher à boire. Il avait perdu Joshua à un moment donné et il devait avouer qu’être seul était beaucoup moins amusant.

Cependant, il était content que le plus jeune ai accepté de reste dormir à la colocation pour la semaine. Il lui avait demandé de le faire jusqu’à son rendez-vous avec un acteur avec lequel il avait travaillé par le passé et Anton avait sauté sur l’occasion pour proposer de rester quelques jours de plus jusqu’à la fête. Il ne savait pas s’il avait trouvé les bons arguments ou si Joshua avait juste apprécié le fait de pouvoir dormir dans un bon lit, mais le plus âgé était bien content de lui avoir permis de ne pas dormir sous un pont pendant plusieurs jours. Oh, il savait parfaitement que Joshua partirait bientôt et ça ne lui plaisait pas, mais il savait aussi que le dire haut et fort risquait de mal passer. Il lui avait juste demandé de rester au moins deux jours de plus, pour se remettre de la fête et ensuite, il ne dirait plus rien sur le sujet. Joshua avait été hésitant et il n’avait pas eu de réponse de sa part d’ailleurs, mais il ne voulait pas le forcer à accepter s’il ne sentait pas à l’aise.

Mais Anton devait aussi avouer qu’il avait apprécié de partager son lit avec son ami. Il n’y avait rien eu de déplacé entre eux, juste partager un lit, parce que le canapé n’était clairement pas fait pour dormit dessus sur du long terme. Et puis, ça l’amusait de discuter avec Joshua jusqu’à pas d’heure. Ca lui faisait du bien. C’était sans doute égoïste, mais il voulait s’assurer que son ami était en sécurité. Attrapant un verre de punch, Anton en but une gorgée et soupira doucement. Il pouvait sentir l’alcool descendre le long de sa gorge et il esquissa un sourire. En voilà un très bon punch ! Ca n’était pas toujours évident de réussir le mélange, mais là, clairement c’était réussi. Regardant autour de lui, il finit par voir Joshua. Avant de le perdre de vue, il se faufila dans la foule et arriva derrière son ami, posant doucement une main sur son épaule, avant de sourire aux personnes qui l’entourait.

Je vous le pique quelques minutes.

Il leur fit un clin d’œil, remarquant des sourires en coin, mais n’y faisant pas attention. Il savait ce que leurs amis disaient à leur sujet. Anton avait été attiré par Joshua, il n’était pas aveugle. Mais, ils étaient amis, rien de plus. En tout cas, c’était ce qu’il pensait. Prenant la main de son ami dans la sienne, il l’amena en dehors de la foule, près du bar, avant de soupirer doucement.

Désolé de t’avoir dérangé, mais je me sentais seul sans toi.

Il prit un air triste, avant de sourire doucement.

Je me demandais aussi si tu avais déjà enfilé ton maillot ou pas ? Je pense que la mousse ne devrait pas tarder à arriver et il vaut mieux être près. Je dois aller enfiler le mien, donc si jamais tu veux, on peut y aller ensemble avant de revenir et continuer à faire la fête ?

Cette fameuse soirée avait fait l’objet de nombreuses discussions avec Anton. Qu’allions-nous porter ? À quoi fallait-il s’attendre exactement ? Était-ce une si bonne idée de se rendre à une soirée où mousse et nudité allaient forcément se mêler ? Nous risquions de ne pas connaître grand-monde en-dehors de notre hôte à quelques exceptions près et j’avais tendance à faire tache dans un milieu bourgeois selon moi (d’autant plus maintenant que je vivais à la rue). Mon meilleur ami avait ainsi passé la dernière semaine et demi à me rassurer dès que j’en avais besoin, en particulier lors des nuits où mes méninges avait tendance à fonctionner de façon pessimiste. En outre, il en avait été de même dans le sens inverse lorsque ses drames amoureux menaçaient sa confiance en l’autre ainsi qu’en lui-même. Facile puisque nous partagions le même lit. Fort heureusement, nous ne passions pas la majorité du temps à nous morfondre et les rires reprenaient toujours le dessus. Il était même arrivé que l’une de ses colocataires vienne tambouriner à sa porte pour nous demander de nous calmer suite à une bataille de chatouilles/oreillers un peu trop sonore. Bien sûr que cela avait alimenté les ragots sur ce qui se passait réellement derrière la porte close. Je pouffais dès que j’y repensais. Les joues du brun s’étaient un peu rosies ce matin-là. Je l’avais remarqué. Mais ce soir, le programme était différent puisque, après hésitation, nous étions bel et bien sur place.

À moitié sourd à cause de la musique me crevant les tympans, je me faufilai entre les inconnus après avoir perdu de vue mon meilleur ami. J’étais à la recherche d’un visage familier. Peu importe lequel. Dans le jardin, je me fis éclabousser par un groupe de mecs n’ayant pu résister plus longtemps à l’appel de la piscine. Leurs voix et hurlements hystériques recouvraient presque le titre propagé par les enceintes. Je n’étais même pas certain qu’ils avaient pris la peine d’enfiler un maillot. Ni quoique ce soit d’autre. Non, je n’irai pas vérifier. Une chose était sûre cependant : ceux-là allaient faire un bordel pas possible à l’arrivée de la mousse ! Je m’écartai rapidement, essuyant inutilement mon t-shirt noir uni. Mon pantalon beige, lui, affichait des traces d’humidité que seul les minutes parviendraient à effacer. Cette « mésaventure » eut au moins le mérite de me mettre sur le chemin d’anciens camarades du lycée. Soulagé, je me précipitai vers eux et les saluai avec un large sourire aux lèvres tandis que des poignées de mains furent échangées. Je n’avais pas croisé certains depuis une dizaine d’années ! Dingue comme le monde pouvait être grand et minuscule à la fois. En revanche, j’aurais préféré éviter les « Qu’est-ce que tu deviens ? » intrusifs qui me forcèrent à édulcorer la réalité. Cette dernière n’avait rien de flatteuse. En particulier face à un avocat et à un militaire. D’où Lydia les connaissait, bon sang ? Peut-être étaient-ils des +1.

J’en étais presque à regretter de m’être arrêté à leur niveau lorsque je sentis une main me saisir par l’épaule. La surprise me fit bêtement sursauter. Ridicule vu la proximité déjà prononcée entre nous tous. Je n’avais jamais participé à une fête me faisant me sentir plus à l’étroit que dans une boîte de nuit ! Bref, mon cou se tourna en direction du nouveau venu et, dès que mes yeux clairs se posèrent sur Anton, je lâchai un soupir de soulagement. Mon sauveur. Toujours. J’accordai un bref salut de la tête au groupe – telle une promesse de mon retour qui ne serait probablement jamais honorée - puis me laissai entraîner par le propriétaire du Café. Lorsque ses doigts se glissèrent entre les miens, je captai plusieurs coups d’œil sur nous. À ce rythme, lui trouver une conquête serait drôlement corsé ! « Totalement partagé ! » m’exclamai-je dès que j’entendis ses excuses. « Il y a tellement de monde… J’ai frôlé la crise de panique en me retournant et que tu n’étais plus là. C’est idiot. » Une fois de plus : j’avais perdu l’habitude de ce type d’événement. Vivre seul sur un banc était au strict opposé de ce rassemblement humain. La vie de sans-abri était anxiogène. Encore plus que je l’avais imaginé tant ses effets secondaires s’étaient ancrés sans que je m’en rende compte au premier abord.

« Non, je ne l’ai pas. Je l’ai laissé dans le sac. » Sac abandonné dans la pièce où les vestes et affaires personnelles de tout le monde trônaient un peu partout. À l’intérieur : rien de précieux. Je n’allais pas prendre le risque de me faire voler quoique ce soit même s’il n’y avait rien de valeur là-dedans. Aussi, mon interlocuteur y avait glissé le nécessaire pour lui tel une serviette. Mieux valait-il éviter de diviser nos biens. « On va le chercher et on se change. Ok. » Sans lui lâcher la main, nous retournâmes dans la pièce voisine à la porte d’entrée. Retrouver le saint Graal ne fut pas des plus évidents mais, au moins, personne n’y avait touché. « Parfait ! Perso, je serai plus à l’aise de me changer dans la salle de bain qu’ici. » Bien que je n’eusse pas particulièrement à complexer de mon corps (si ce n’est pour son absence de muscles très prononcés), je préférais un peu d’intimité dans ce scénario. Sur le chemin, je repris la parole, plus détendu. « Tu ne devineras jamais sur qui je suis tombé ! Des types avec qui j’étais au lycée. Ils étaient en train de me raconter leurs vies absolument extraordinaires avec leurs belles maisons, leurs clôtures blanches et leurs femmes avant que tu viennes me sauver la mise ! » C’était tellement cliché. Surtout que nous étions encore jeunes ! « Bon, je suis peut-être un peu jaloux de leurs carrières et de leurs comptes en banque mais je peux au moins me vanter de t’avoir toi ! Ils y perdent au change crois-moi. » Je pouffai, lui donnant un coup d’épaule amical alors que nous arrivions sur le palier du premier étage.

La demeure ne m’était pas inconnue. Ainsi, je pouvais me diriger sans mal. J’étais d’ailleurs convaincu que seule une poignée des personnes ici présentes pouvait en dire autant. Les autres se coltineraient la salle de bain du rez-de-chaussée. Oui, c’était immense ici. Le couloir était désert. Rien à voir avec l’extérieur dont nous entendions encore la cacophonie à travers le double vitrage. J’entendis même la star de la soirée annoncer que la mousse était imminente. Excellent timing, Anton. Enfin, nous nous enfermâmes entre les quatre murs recherchés. Je lui enviai sa baignoire gigantesque. « Dommage qu’on n’ait pas le temps… Je crois que je préfèrerai me prélasser dans la mousse ici plutôt qu’en bas. » Malgré mes propos, je ne regrettai pas ma venue. Je devais juste m’y acclimater. Au moins cela me changeait de mes tristes habitudes. Je m’approchai de la vitre en hauteur afin de voir le monde d’en bas. Trouver le bon angle n’était pas aisé mais je finis enfin par apercevoir des invités. « Ils commencent tous à se foutre à poil. Ses potes ne sont pas pudiques. » Soyons clairs : ils n’étaient pas totalement à poil. « Il n’y a plus qu’à. » soupirai-je. Mon attention se reporta sur mon acolyte. Comptait-il garder son t-shirt ? Après tout, rien ne nous forçait à jouer le jeu à 100%.

Rassurer Joshua était presque naturel pour Anton. Il le faisait depuis qu’ils se connaissaient et que ce dernier avait des doutes. Il savait que c’était réciproque. Après tout, c’est à ça que servent les amis non ? Encore plus entre eux, car Joshua était son meilleur ami et qu’il était tous les jours aussi heureux d’avoir fait sa connaissance. Il n’aurait changé ça pour rien au monde. Mais la soirée mousse semblait le perturber et il expliqua ce qu’il en savait ou plutôt, il réfléchit à de vieux souvenirs qu’il avait de l’époque où il y participait. Ca remontait à très loin, mais il se souvenait que ça avait été de bons moments dans l’ensemble. Il savait aussi que Lydia savait ce qu’elle faisait quand elle organisait des soirées et encore plus quand il s’agissait de son anniversaire. La seule chose qui le perturbait, était qu’il ne connaitrait pas grand monde. Ils avaient quelques amis en commun, mais pas tant que ça non plus. Heureusement, il avait pu en parler avec Joshua, alors qu’ils partageaient le même lit. De façon platonique et amical évidemment.

Mais en effet, au vu des regards de ses colocataires, il savait que ces dernières se posaient des questions. Anton n’y répondait pas ou alors, il haussait un sourcil pour attendre une remarque qui ne venait pas. De plus, il leur avait dit que son ami avait besoin d’un toit et au vu canapé peut agréable pour dormir, sa chambre était la seule solution possible. Ce qui était totalement vrai. Mais il est vrai que d’entendre une des femmes venir frapper à la porte pour leur dire d’arrêter, le mettait un peu mal à l’aise tout de même. Non pas qu’il ne serait pas heureux qu’on le pense en couple avec le magnifique Joshua, mais il savait aussi qu’ils étaient juste amis … juste amis. Cette pensée semblait étrange dans sa tête depuis quelques temps, comme si quelque chose ne collait pas, mais il n’avait pas cherché à creuser la question.

A la place, il se retrouvait à la soirée de leur amie, seul dans un coin. Il avait perdu Joshua dans la foule, avant de pouvoir enfin lui mettre la main dessus. En parlant de main, il avait pris celle du plus jeune dans la sienne, avant que leurs doigts ne se glissent entre eux. Ca n’était pas nouveau pour Anton, ça n’était pas non plus une marque d’autre chose que le fait qu’il avait besoin de lui et qu’il l’avait kidnappé sur l’instant, parce que comme il venait de le dire, il lui avait manqué.

Mais non, ça n’est pas idiot ! Je ne m’attendais pas à autant de monde et encore moins à autant de tête que je connais pas.

Il devait avouer que c’était un peu perturbant, mais heureusement, ils étaient à nouveau l’un à côté de l’autre. Indiquant alors qu’il devait aller enfiler son maillot, il voulait savoir si c’était aussi le cas de son ami ou s’il s’était déjà changé. Hochant la tête à ses paroles, il le suivit, mains toujours liées. Face à ce que Joshua disait par rapport à la salle de bain, Anton était d’accord avec lui là-dessus. Il n’avait pas honte de son corps non plus, mais un peu d’intimité lui allait également. Le suivant à nouveau, pour aller vers la salle de bain, il sourit face aux paroles du jeune homme.

Merci du compliment, mais tu sais parfois avoir trop d’argent ou avoir une vie soi-disant parfaite, n’est pas le meilleur pour tout le monde. Evidemment, avoir de l’argent ça aide, mais pour le reste … ça peut devenir difficile à vivre, même si j’avoue que la clôture me tente bien. Par contre, le jardin, ça ne sera pas pour moi, je n’ai absolument pas la main verte.

Il esquissa un nouveau sourire.

Mais je ne remplace pas une vie bien remplie Joshua. Je suis juste … moi.

Il appréciait sincèrement le compliment, mais avec les doutes qu’il avait sur lui-même, il n’était pas certain qu’il puisse rivaliser avec ce qu’il disait de lui. Suivant toujours son ami, ils arrivèrent finalement à destination.

Tu pourras le faire après si tu veux. Ca va coller, donc une douche ou pour toi, un bain sera une bonne chose. Eau chaude et juste te prélasser, ça serait parfait. Je pourrai même t’amener un verre de vin et quelque chose à manger si tu veux.

Il lui fit un clin d’œil amusé, mais il était près à le faire si ça pouvait amener Joshua à profiter pleinement de son expérience dans la baignoire. Laissant Joshua aller à la fenêtre, Anton se chargea d’ouvrir le sac pour sortir les affaires, avant de relever la tête vers lui.

Quand la mousse est au plus haut, on ne voit pas grand-chose, par contre quand elle va redescendre, crois-moi que plus d’un va vite courir se cacher.

Il eut un léger rire, car il savait aussi que l’alcool aidait beaucoup à désinhiber les personnes qui étaient prêt à se mettre nus. Mais au soupir de son ami, il fronça les sourcils.

Tu es sûr que ça va ? Si tu préfères rester ici, tu peux.

Il ne voulait pas qu’il se sente forcé d’y participer s’il n’était pas à l’aise.

Mais si tu veux y participer, tu peux garder un t-shirt en plus de ton maillot. Sache juste que ça risque de vite coller à ton torse par contre, ce qui pourrait ne pas être une sensation particulièrement agréable.

Il eut une grimace, parce que ça avait été son cas par le passé. Mais, il ne forçait pas pour autant son ami.

Pour ma part, ça sera juste en maillot. Et pour toi ?

Il lui laissait ainsi la possibilité de faire un choix entre la baignoire ou la mousse à l’extérieur avec la tenue qu’il préférerait avoir. Tout en attendant sa réponse, Anton attrapa son maillot qu’il mit de côté avant de retirer son t-shirt pour la ranger dans le sac sans trop le froisser. Il faudrait qu’il enfile son maillot, mais pour ça il devrait enlever son pantalon et son caleçon, mais il préférait attendre que Joshua ait fait son choix pour savoir s’il pouvait se changer dans la pièce ou s’il devrait aller ailleurs.

Une fois n’étant pas coutume, j’étais soulagé qu’il me comprenne après que je me sois étendu sur mon léger malaise. Comme il le soulignait, le fait que nous soyons entourés de tant d’inconnus n’aidait pas forcément à nous sentir à notre place. Je n’étais pas près de le lâcher une seconde fois ce soir. Le coup de la laisse aurait été très malvenue, même pour nous. Mais je me plaisais à imaginer qu’un lien invisible mais robuste nous lierait jusqu’au bout de la nuit. Le sac à dos récupéré, nous grimpâmes les marches amenant au premier (et unique) étage. L’occasion idéale pour moi de faire le point sur ce qui s’était déroulé en son absence. Le flashback à l’ère du lycée s’était révélé rude pour moi qui faisait face à des types aux existences tirées à quatre épingles. J’avais à nouveau dû baratiner. Il était impossible pour moi de franchir la ligne d’arrivée de cette « compétition » peu importe mes efforts pour améliorer la réalité. Bref, je remerciai le retour d’Anton qui m’avait tiré de là avant que mon moral ne se plombe davantage. Son timing pour me tirer des abysses était toujours incroyable. « Il nous servirait uniquement pour les feux de camp et les barbecues. » ripostai-je avec humour au sujet du jardin. Je nous imaginais déjà réchauffer nos marshmallows au-dessus des flammes. « Et ton « juste toi » a énormément de valeur. Tu n’y couperas pas. » Se complimenter l’un et l’autre avait toujours été naturel dans notre relation. C’était tellement rafraîchissant tant les individus avaient, en général, plus tendance à relever les défauts.

Une fois la porte de la salle de bain refermée derrière nous, la vision de la baignoire gigantesque nourrit mon envie de m’y prélasser. Moins amusant peut-être que ce qui nous attendait en bas mais certainement plus agréable ! La proposition de mon interlocuteur me fit lâcher un rire enthousiaste. « Puisque c’est proposé si gentiment ! Tu pourras même m’éventer ensuite. Traite-moi tel le Dieu que je suis ! » Autant en rajouter une couche ! Mais les chevilles dans tout ça ? Bon, je devrais probablement me montrer plus récalcitrant à l’idée que le brun soit autour de moi à ce moment-là mais tout ça n’était qu’hypothétique, pas vrai ? Son commentaire sur la mousse m’amusa également. « T’as sûrement raison. Après, j’avoue m’être demandé si Lydia ne connait que des top-modèles. » À quelques exceptions près, peut-être, les invités ne semblaient pas avoir de problèmes de poids par exemple. Il y avait tant de monde que je n’avais pas forcément payé attention à tous (sans compter que j’étais loin d’avoir croisé l’intégralité de la foule). Ce fut ensuite qu’Anton releva le soupir qui s’échappa de ma gorge. Ce fut comme un électrochoc et je décidai alors de me reprendre en allant puiser de la confiance au fond de moi. Grand besoin. « Oui. Désolé. Ça arrive que le passé prenne le dessus quand je suis un peu intimidé. Mais c’est ok. T’es là en plus. » J’avais beaucoup souffert de ma silhouette plate et lisse pendant l’adolescence et, en dépit de la décennie écoulée depuis, ce sentiment refleurissait parfois lorsque je devais m’exhiber en public. Foutue anxiété.

Je m’éloignai de la fenêtre pour revenir à proximité de mon ami qui, lui, ne se faisait pas prier pour se changer. « Je te suis. » Ce qu’il faisait, je le ferai. J’avais comme l’impression de me nourrir de sa force en imitant ses gestes. Depuis notre rencontre, j’avais constamment admiré sa force de caractère et son « je-m’en-foutisme » légendaire. Il croquait la vie à pleines dents. Comment faisait-il pour être tant détaché de l’opinion d’autrui ? J’ôtai mon t-shirt, exhibant ma peau pâle qui accentuait le bleu de mes yeux. Tandis que je me débarrassai de mon pantalon, je perdis légèrement l’équilibre et vins me rattraper au coude d’Anton en riant à nouveau. « Tu ne sauras jamais ce que j’ai bu dans ton dos. » En parlant de ça, je piquai une gorgée d’alcool dans son verre posé négligemment sur le rebord du lavabo. « Du courage liquide ! » Puis, je me rappelai d’un détail. « J’espère que tu n’as pas pris l’affreux… » J’avais totalement oublié de vérifier son choix de maillot de bain. Ça serait tellement son style de l’embarquer exprès pour me provoquer ! Dans un soubresaut de pudeur, je m’éloignai un peu le temps de virer mon boxer pour un bas plus adapté. Sobre, foncé, j’avais opté pour la discrétion incarnée. En étant tout à fait honnête avec moi-même, je me retenais fiévreusement de jeter un coup d’œil dans la direction de mon hôte. De la curiosité ? Après tout, nous avions beau partager un lit, nous n’avions jamais posé les yeux sur l’autre en tenue d’Adam. Ce serait bizarre sinon, non ? Je fis comme si de rien n’était, tentant de supprimer cette tentation de ma mémoire alors que je me retournai dans sa direction, changé. Concentre-toi sur son visage, abruti. « Prêt ? »

Oh très bonnes idées ça ! Je garde aussi pour une chaise longue chacun pour pouvoir digérer après les barbecues et profiter des feux de camp.

Esquissant un sourire, il devait avouer que de telles perspectives lui plaisaient beaucoup. Face aux paroles de son ami, il ne pu s’empêcher de se passer une main dans la nuque, mal à l’aise face à tant de compliment, même si c’était très apprécié venant de sa part. Joshua était particulièrement enthousiaste sur le fait qu’il voudrait utiliser la baignoire qui se trouvait dans la pièce. Amusé, Anton lui proposa de le laisser en profiter après la mousse et lui amener de quoi boire et manger. Face à sa remarque, il se pencha doucement en avant.

Oui Maître.

Souriant toujours, il devait avouer qu’il était prêt à le faire et ça ferait aussi un super selfie.

Quel genre de Dieu serais-tu exactement ?

Il n’avait pas pu s’empêcher de poser la question, amusé à l’idée de savoir si le brun avait déjà une idée sur la question ou pas.

Hum, j’avoue qu’il y a des visages fort sympathiques là-dehors. Mais je te mets dans la liste des top-modèles, même si je ne suis pas sûr que ça soit encore un compliment aujourd’hui. Dans ce cas, je te mettrais devant un miroir pour te dire tout ce qui est beau chez toi.

Sur l’instant, son esprit divagua sur une scène de la dernière saison de Bridgerton, avec Colin et Penelope devant le miroir, chez eux. Irait-il jusqu’à dévêtir Joshua ? D’où venait cette idée d’un seul coup ? Cependant, le plus jeune semblait perturbé par tout ça et Anton espérait qu’il ne sente aucune pression pour descendre profiter de la mousse. Si c’était le cas, il ne voulait pas l’influencer en quoi que ce soit. Esquissant un sourire, il fixa son ami, voulant s’assurer qu’il allait bien. De son côté, il enleva son t-shirt et fut content de savoir que Joshua profiterait de la soirée. Seulement, en voyant son ami retirer son t-shirt, Anton resta le fixer quelques secondes. Il venait vraiment de dire qu’il ne faisait pas partie des personnes attirantes de la soirée ? Sans savoir pourquoi ni comment, Anton parvint à retenir un grognement. Ca n’était pas le moment de mettre mal à l’aise son ami. D’où est-ce que ça venait d’ailleurs ? Se reprenant, il le laissa enlever son pantalon et il sourit en le voyant se rattraper à lui.

Oh vraiment ? Vais-je devoir garder un œil sur toi pour le reste de la soirée alors ?

Il pouvait jouer à cela et être le responsable. Lydia avait dit qu’ils pouvaient aussi rester dormir sur place, mais Anton n’avait pas vraiment réfléchi à la question. S’il trouvait à manger en bas, il pourrait toujours éponger l’alcool qu’il avait commencé jusqu’à présent pour pouvoir conduire et retourner à la colocation. Si en plus, cela voulait dire que ça permettrait à Joshua de se lâcher, Anton serait le premier à le laisser faire, tout en vérifiant tout de même qu’il ne boive pas jusqu’à à avoir mal au crâne le lendemain. Il pouvait être sadique parfois, mais pas à ce point et encore moins avec son meilleur ami. Visiblement Joshua s’amusait de boire de la sorte et Anton secoua juste la tête, ne pouvant s’empêcher de sourire. Mais face à ce que son ami ajouta, il ne pu s’empêcher de rire ouvertement.

J’ai été très tenté de le prendre je t’avoue. Au vu des couleurs, je me suis même dit que tu pourrais ainsi me repérer plus facilement si on se perdait dans la foule, mais j’ai suivi tes conseils.

Prenant son maillot entre les mains, il lui montra qu’il s’agissait d’un bleu fluo. Uni, mais fluo. Laissant Joshua se changer, Anton en profita pour faire autant. Délaissant son pantalon et son caleçon, il enfila son maillot avant de se retourner presque au même instant vers son ami.

Prêt !

Rangeant les affaires dans le sac, il alla le déposer dans la chambre de Lydia. La pièce était au bout du couloir et il savait que là au moins leurs affaires ne seraient pas dérobées. Revenant vers Joshua, il ne pu s’empêcher de le détailler sur regard avant de descendre à ses côtés.

Tu préfères te poster où ? Dans la foule où sur le bord pour avoir une échappatoire si jamais tu t’ennuies rapidement ?

Parce qu’une fois au milieu de la foule, il serait assez compliqué de sortir de là. Cependant, Anton pourrait jouer au garde du corps si besoin.

« Ce serait le pied ! » m’écriai-je au sujet de notre jardin n’existant que dans nos rêves. « Je te jure que le jour où j’ai enfin de la tune, on se trouve un appartement avec cour. Une balançoire ça te tente ? » Vraiment, plus nous en discutions, plus cette colocation hypothétique se précisait dans mon esprit. Nous serions heureux sous le même toit. Lui serait loin des chamailleries dont il était la victime depuis des semaines et moi je me sentirais perpétuellement en sécurité. Nous y gagnerions autant l’un que l’autre. Oh et, surtout, nous serions encore plus inséparables. Après avoir partagé un lit et maintenant une salle de bain, nous n’étions plus à ça près. D’ailleurs, j’avais hâte de profiter de la baignoire (si c’était autorisé) et n’hésitai pas à demander à Anton de me traiter tel un Dieu. « Hum… Vu le lieu, celui de l’Eau serait pas mal, non ? À moins que je sois celui de la Sagesse. Ou de la Sensualité peut-être ? » Vraiment, les options ne manquaient pas ! Lequel choisir ? Je croisai le regard de mon interlocuteur puis pouffai. Sa réplique cinglante ne devrait pas tarder, sauf s’il m’accordait une grâce. Ma dernière proposition ne paraissait pas tant irréaliste que ça vu le commentaire qui me monta aux oreilles peu après. Comment ça il m’intégrait à la liste des top-modèles ? Je le fixai, abasourdi, tout en cherchant une trace d’ironie sur son visage. On m’avait qualifié de nombreuses choses mais jamais de ça ! « Ça tombe bien puisqu’il y a un miroir juste là. » rappelai-je en le pointant du doigt. « Quand on reviendra ici je serai très curieux d’entendre tes arguments car s’il y en a bien un de nous deux qui l’est… Indice : pas moi. » Je lui fis un clin d’œil puis lui frottai le dos à même la peau brièvement avant de commencer à me changer. Oui, le brun avait tout pour séduire. De son physique jusqu’à son caractère. Un charme fou. Peu surprenant donc que ne pas décrire son apparence actuelle ne fut pas la chose la plus simple à accomplir.

« Comme si t’allais te faire prier pour ça. » répliquai-je avec complicité. Il incarnait le grand-frère idéal. Même sans mes paroles précédentes, le propriétaire du Serendipity n’aurait su faire autrement que de m’avoir à l’œil. La preuve : qui avait retrouvé l’autre vingt minutes plus tôt ? La vérité était que je ne devais pas avoir plus d’alcool dans le sang que lui (voire probablement moins) et que je doutais me prendre une murge dans l’heure à venir. Toutefois il était impossible pour moi de lire l’avenir. Tout était envisageable. Au moins, son choix de maillot de bain constituait une raison de moins de me bourrer la gueule. Dieu merci, l’horreur ne nous avait pas poursuivi jusqu’ici même si je devais reconnaître que le raisonnement de mon ami n’était pas stupide. « Ok. Tu marques un point. Personne d’autre que toi oserait porter ça. Il n’empêche qu’il servira à inaugurer le premier feu dans notre futur jardin. » Le bleu fluo n’était pas discret mais avait au moins le mérite de ne pas être une attaque à l’acide aux globes oculaires se posant dessus. Je ris puis partis troquer mon boxer contre mon maillot sombre.

Une minute plus tard, nous nous tenions prêts l’un face à l’autre. J’avançais vers le sac à dos que nous partagions afin d’y glisser mes fringues puis nous quittâmes la pièce. Je l’attendis là pendant qu’il camouflait nos affaires dans la chambre de notre hôte puis le regardai s’avancer vers moi, un sourire aux lèvres. Dès qu’il fut arrivé à mon niveau, je replaçai l’une de ses mèches de cheveux s’étant dressée en épis lorsqu’il s’était changé puis nous repartîmes vers le rez-de-chaussée. « Le bord serait plus astucieux c’est vrai. » Malheureusement, c’était sans compter sur Lydia qui nous croisa au pied de l’escalier. Là, sans même que j’eus le temps de réagir, elle me saisit par le poignet et me traîna à l’extérieur. Décidément, mon libre arbitre s’était fait la malle ce soir ! Je vérifiai qu’Anton était sur mes talons tout en écoutant la jeune femme lancer un compte à rebours digne du Réveillon du Nouvel An. Les plus pudiques pouvaient enfin délaisser leurs habits à leur tour s’ils le souhaitaient.

Comment s’y prenait-elle ? En grimpant sur une estrade légèrement surélevée, un micro sans fil à la main. Qui était à ses côtés par conséquent ? Moi. Et mon meilleur ami. Au moins, le baptême n’aurait pu être plus direct. Le rouge avait déjà empourpré mes joues lorsqu’une explosion retentit et qu’un torrent de mousse submergea l’assemblée. Des cris hystériques furent poussés et la musique sembla même augmenter d’un iota. J’explosai de rire, amusé par la situation et la tête des plus surpris. Certains toussotaient même des bulles. Les moyens investis dans cette soirée devaient être phénoménaux. C’était à peine si plusieurs crânes réussissaient à surplomber le nuage éclatant. La tension qui avait envahi mon corps précédemment avait disparu en un claquement de doigt. Plus personne ne me prêtait attention. Emporté par la folie du moment, je soulevai Lydia par surprise puis sautai dans la mousse avec elle.

Extatiques, des larmes s’échappaient de nos yeux puis je me retournai vers Anton dont je tirai sur les jambes pour le forcer à nous rejoindre. Échapper à la foule ne serait pas aisé maintenant que nous étions au cœur de celle-ci mais, brusquement, je n’en avais plus envie. Il y eut une petite bataille entre nous trois (sans aucun gagnant véritable) puis nous nous amusâmes à créer une montagne de mousse au sommet de la tête du brun. « Parfait. Tu es prêt pour incarner la plus belle des Marie-Antoinette jamais vues au cinéma ! » Je m’esclaffai, mes yeux se perdant un instant dans son regard marron. Une seconde de trop qui me fit rapidement détourner mes billes vers la demoiselle qui nous annonçait retourner faire le tour de ses invités. Je la saluai d’un signe de la main. « Je viens de réaliser qu’on a zappé ton verre sur le lavabo. » Mince. On le finirait plus tard ! Passé le surplace, la foule recommença à bouger dans tous les sens, me forçant à me coller brièvement contre lui afin de libérer le passage, torse contre torse. « Alors ok, j’aime bien mais je ne pense pas vouloir de ça chez nous ! » Je ris encore puis m’éclaircis la gorge tout en reculant d’un pas. Seules la maison et la piscine étaient épargnées par les dégâts. Malheureusement, cette dernière était déjà occupée. « J’ai un petit creux, pas toi ? » Est-ce que le buffet avait été déplacé lors de notre escapade à l’intérieur ? Je l’espérais car, sinon, toute la nourriture serait immangeable maintenant. En attendant, j'étais ravi que ma partie inférieure soit dissimulée.

Pourquoi pas. Mais il ne faudrait pas qu’on fasse de compétition pour savoir qui va le plus haut, ça risquait de mal finir.

Il esquissa un sourire amusé à l’idée d’avoir cette fameuse balançoire dans un jardin rien qu’à eux. S’amusant de la réaction de son ami, il l’écouta répondre à sa question, amusé.

Pour la Sagesse, on y repassera, tu ne serais absolument pas crédible.

Il garda son sourire amusé, avant de réfléchir aux deux autres propositions.

Dommage que les deux autres ne puissent pas se mélanger. Quoi que tu serais comme Vénus sortant des eaux.

Oh il connaissait le tableau et il devait avouer que s’il voyait Joshua de la sorte … son cerveau risquait de buguer quelque peu, non ? Il ne fallait pas qu’il reste réfléchir sur le sujet. En tout cas, il indiqua à son ami qu’il me mettait dans la catégorie des top-modèles, en espérant que cela reste un compliment pour lui et quand il parla du miroir, il sourit face aux paroles de son ami.

Vraiment ? Dans ce cas, nous irons définitivement devant le miroir pour que je puisse t’en dire plus.

Si Joshua avait décidé qu’il n’était pas séduisant, Anton se ferait une joie de lui donner les points importants et les détails qu’il ne semblait pas vouloir. Ou ne voulait pas voir ? Il ne savait pas quel était le meilleur terme, mais il montrerait à son ami qu’il était séduisant. Il eut un léger rire amusé face aux paroles de son ami, avant qu’ils ne se changent pour enfiler leurs maillots.

Franchement je serai plus du genre à l’encadrer qu’à le mettre au feu.

Il lui fit un clin d’œil amusé avant de range leur sac en lieu sûr, puis de finir par descendre pour rejoindre tout le monde. Demandant à son ami où il voulait se mettre, il était prêt à rester au bord, mais Lydia en décida autrement. Il haussa les sourcils surpris, mais suivi le mouvement. Lydia semblait surtout vouloir de Joshua, mais Anton ne se voyait pas l’abandonner à son sort si elle finissait par le laisser seul pour aller voir d’autres amis. Cependant, il laissa les deux jeunes gens sur le devant de la scène. Il préféra rester en retrait. Peut-être que cela permettrait aussi à Joshua d’en profiter plus. Mais il n’eut pas le temps de réfléchir plus car de la mousse arriver et Anton ferma rapidement les yeux pour ne pas en avoir dedans. Enlevant la mousse qu’il avait sur le visage, il vit Joshua sauter dans la mousse avec Lydia. Amusé, Anton resta à sa place et regarda autour de lui. Il y avait énormément de monde, mais tout le monde semblait s’amusé et c’était le principal. Cependant, son attention fut détournée quand Joshua lui tira sur la jambe. Il sauta alors à son tour pour rejoindre ses deux amis. Jouant avec la mousse, il fit une grimace face à la remarque de son ami.

Je ne tiens pas particulière à perdre la tête à la fin tu sais.

Le destin de Marie-Antoinette ne devait pas être le sien. Il l’espérait en tout cas. Lydia décida de faire un tour dans la foule et Anton reposa son attention sur le brun.

C’est pas grave, je suis sûr qu’on trouva à boire n’importe où ici.

Se retrouvant finalement collé au torse de son ami, il esquissa un sourire face à ses paroles.

Tu es sûr ? Ca ne doit pas être facile à laver, mais une soirée mousse de temps en temps ça peut être sympa ou alors juste entre nous. Si je mets de la mousse dans une baignoire, je suis sûr que là tu seras bien plus intéressé.

Il eut un léger rire amusé avant de hocher la tête aux paroles du plus jeune.

Allons chercher quelque chose.

Essayant de se frayer un chemin entre tout le monde, cela ne fut pas une partie de plaisir. Il se tournait régulièrement pour vérifier que Joshua était toujours derrière lui et il finit par prendre la main de son ami dans la sienne pour être certain de ne pas le perdre. Une fois en dehors de la mousse, il retira sa main de celle de Joshua pour tenter de retirer la mousse qu’il avait sur son propre torse. Anton devait avouer que ça n’était pas forcément facile, parce que ça restait coller à son maillot.

Ok, je comprend pourquoi tu ne veux pas de ça chez nous. On ne fera pas de soirée moussé, ça colle trop.

Grognant, il secoua les mains avant de soupirer.

Je crois avoir vu un bar à l’intérieur, allons-y.

Se tournant, Anton chercha du regard l’entrée de la maison avant de voir quelques personnes regarder vers eux. Fronçant les sourcils, il tourna la tête vers son ami et comprit mieux pourquoi on regardait vers eux.

Tu attires les regards Joshua. J’avais raison pour le top-modèle que tu es.

Amusé, il se rapprocha de lui et plaqua une main sur son torse, laissant ainsi son empreinte dans la mousse.

Ca te vas plutôt bien. Mais il ne faudrait pas que ça soit ma main sinon tout le monde va penser que tu es pris.

Cette pensée le rendit mal à l’aise. Il avait dit à Joshua qu’il voulait bien trouver quelqu’un pour lui, mais en même temps, il devait avouer que s’il finissait avec quelqu’un, il risquait d’être … quoi ? Jaloux ? Non, ils étaient amis, rien de plus. Effaçant alors son empreinte du torse de son ami, il enleva la mousse, mais il se tourna pour aller dans la maison et tenter d’enlever ce genre d’idées de son esprit.

« Ou sinon, on lâche en même temps ? Ça nous donne l'opportunité de crier le slogan de la Team Rocket quand on s'envolera ensemble vers d'autres cieux ? » répliquai-je tout en pouffant. Quitte à disparaître de cette planète, autant que cela soit aux côtés du mec que j'aimais le plus en ce bas monde non ? Je visualisai la scène à la perfection. À la recherche de la main de l'autre pour ne pas se quitter tandis que nos corps disparaîtraient dans les nuages. Avec un peu de chance, ce serait ensuite le « syndrome Katy Perry » qui prendrait le dessus, nous empêchant alors dégringoler jusqu'au sol dans une chute mortelle. En revanche, si cette possibilité dépassait le ridicule, elle devait paraître plus plausible à mon interlocuteur que celle selon laquelle j'étais digne d'être couronné Dieu de la Sagesse. Coup dur de sa part ! Ou simple rappel de la réalité ? Pas besoin d'y réfléchir plus d'un instant pour décréter que je ne pouvais pas le blâmer. Il avait entièrement raison. Taux de crédibilité situé dans le négatif. Quant à sa suggestion... « Et pourquoi pas ? Puis je suis aussi imberbe que Vénus. Par contre, il faut lui trouver un meilleur pote. Je ne peux pas être un Dieu sans mon fidèle serviteur. » Je lui adressai un clin d’œil puis laissai la conversation poursuivre son cours. Un rendez-vous face au miroir était déjà pris lorsque je me plu à le taquiner pour la énième fois sur son maillot de bain à motifs de mauvais goût. J'adoptai une expression d'horreur en l'entendant émettre son désir d'encadrer cette chose et priai intérieurement pour qu'il ne s’exécute pas. « Et tu t'obstines pourtant à me refuser le rang de Sage... » Quel jugement mal placé ! Nous rimes puis descendîmes rejoindre le reste des invités après avoir déposé notre sac à dos en lieu sûr.


Là, nous perdîmes le contrôle de la situation. Nous nous retrouvâmes entraînés sur l'estrade extérieur alors que la mousse faisait une entrée remarquée. Je laissai mes complexes au placard, me sentant en sécurité en compagnie de la Reine de la soirée et de mon meilleur ami. Aucun d'eux n'avaient honte de moi. Pourquoi devrais-je me soucier d'inconnus ou d'individus à qui je n'avais pas adressé la parole en dix ans ? Ce déclic réalisé, je sautai dans la foule en entraînant Lydia avec moi, nous bagarrant brièvement avant de tirer Anton vers nous par les chevilles. Hors de question dé célébrer sans lui ! D'ailleurs, il ne tarda pas à exhiber une magnifique montagne mousseuse sur son crâne, digne de la tristement célèbre Marie-Antoinette. Son look était d'une classe sans faille. J'étais infoutu de retenir mes ricanements dès que je jetai un coup d’œil dans sa direction. « Moi qui croyais que tu étais prêt à la perdre pour moi... » Flirt évident mais sans réelle arrière-pensée. Effectivement, il n'y avait pas de place pour le doute puisque mon attention se focalisa rapidement sur tout autre chose : la bouffe. J'avais une faim de loup. Je n'avais jamais considéré Anton comme un petit-ami potentiel en dépit de la curiosité que je ressentais parfois à son égard. Les quelques minutes passées dans la salle de bain en avait été la preuve et, là, appuyé contre son torse, je m'empressai de décoller mon bassin du sien. « Tu me connais : je ne refuse jamais un bain moussant ! » En particulier depuis que je n'avais plus souvent accès à un tel luxe. « Nous ne vivons pas encore ensemble et pourtant tu es déjà le colocataire le plus attentionné qui soi. Je suis impressionné. » Je ne mentais pas en clamant que nous serions heureux en vivant sous le même toit.

Sur ce, nous partîmes à la recherche d'aliments (et de boissons) qui nous permettraient de nous remplir l'estomac. Se glisser parmi la masse de corps collants ne fut pas de tout repos. Bien au contraire, en particulier maintenant que le taux d'alcoolémie avait bondit d'un cran. Plus personne paraissait prendre garde où il mettait les pieds. Bousculé plus d'une fois, je fus soulagé de retrouver un coin plus sec à proximité de l'habitation. Les doigts qui s'étaient faufilés entre les miens au cours de notre avancée lâchèrent leur étreinte tandis qu'Anton s'en servaient pour se débarrasser de la mousse tant bien que mal. « La Sagesse incarnée, tu te souviens ? » commentai-je tout simplement après qu'il m'eut donné raison. Je jubilai. Je n'étais pas le mec le plus irréprochable mais on pouvait m'accorder un minimum de jugeote. Cela ne m'empêcha pas d'oublier de l'imiter et de manquer de peu de pénétrer à l'intérieur sans m'être essuyé. Par chance, le brun remarqua mon erreur et s'appliqua à la corriger en apposant sa marque. De mon côté, je n'avais pas remarqué les regards insistants dans notre direction. « Je ne sais pas pour le top-modèle. J'ai surtout l'impression d'être un Uruk-Hai portant la marque de Saruman. » blaguai-je en référence à la saga culte de Tolkien. Toutefois, sa dernière remarque me fit froncer les sourcils. Non pas à cause des mots eux-mêmes mais de la réaction qu'ils provoquèrent chez celui les ayant prononcé. Déjà, il me tournait le dos. Je n'étais pas sûr de savoir comment interpréter tout cela, mais décidai de riposter avec humour. « C'est ce que tout le monde pense déjà à mon avis. » Ne nous étions-nous pas tenus la main deux fois en peu de temps ? Sans mentionner que nous nous étions volatilisés pendant un quart d'heure !

Je le suivis silencieusement jusqu'au bar presque abandonné si ce n'est par le serveur employé et une poignée de ses « clients ». La pièce était bien plus calme qu'à l'extérieur où les cris et la musique faisaient rage. Les voisins devaient être ravis. Sur une table non-loin de là se tenaient plusieurs plateaux débordant de nourriture. Biscuit apéro, tartes, tomates cerises, hors-d’œuvre... Il y en avait pour tous les palais et appétits. Je donnai un coup de coude au propriétaire du Serendipity puis pointai l'endroit du menton avant de m'y rendre dans un élan qui manqua de peu de provoquer ma chute. Oui, le sol était drôlement glissant après avoir traîné dehors ! Je vérifiai que personne autre qu'Anton n'avait remarqué puis ris de dépit. Je fermai les yeux dès la première bouchée. Bordel, ça faisait un bien fou ! « Goûte ça, c'est succulent ! » Aucun idée de ce que c'était exactement.

Nous squattions le buffet depuis une dizaine de minutes, un verre désormais dans la main, lorsque je lâchai : « Tu veux y retourner ? J'avoue ne pas être contre me rincer... » Mais s'il y tenait, j'étais prêt à le suivre. Ce fut à cet instant qu'une inconnue, brune, à la ligne de mannequin et avec un sourire ravageur fit son entrée. « Ou je peux mettre en place mon plan diabolique et vous présenter. » J'apprendrais également son prénom au passage. Après tout, ne lui avais-je pas promis de lui arranger le coup avec quelqu'un ?

Ca c’est une idée.

Il n’avait pas pu s’empêcher de rire face au fait que clairement ils pourraient s’amuser à faire une telle chose. Il pouvait aussi imaginer la tête de leurs amis s’ils voyaient une telle chose ou de leurs voisins. Par la suite, Anton ne pu s’empêcher de dire à son ami qu’il ne pourrait pas être le Dieu de la Sagesse. Evidemment, il se moquait de lui pour ça et à la réaction du brun, il sourit de plus belle.

Tu n’as pas la poitrine qu’il faut pour interpréter Venus et je serai toujours ton humble serviteur.

Gardant son sourire, il ne pu s’empêcher de rire face aux paroles de son ami. Il n’avait pas tort sur ce coup-là, mais il ne préféra pas le dire haut et fort. Après s’être changé et être près des autres invités, Anton était prêt à rester en bord de piste, mais Lydia en décida autrement. Elle entraina Joshua avec elle et Anton suivit le mouvement. Se retrouvant finalement dans la mousse à son tour, il indiqua qu’il espérait ne pas finir comme Marie-Antoinette, car Joshua semblait s’être amusé à lui donner la même coupe de cheveux avec la mousse. Face aux paroles de son ami, il sourit en coin.

Oh vraiment ?

Il était amusé, mais une petite voix dans le fond de son esprit lui disait que c’était sans doute déjà fait. Ayant un léger rire à ce qu’il indiqua sur leur fausse vie ensemble, il fixa son ami.

Je suis toujours très attentionné tu devrais le savoir pourtant.

Anton finit par tenter de se frayer un chemin dans la foule et pensant perdre son ami, il lui prit la main. Une fois en dehors de la mousse, Anton lâcha la main de son ami pour pouvoir enlever le plus de mousse possible de lui. Il leva les yeux au ciel aux paroles de son ami, avant de sourire légèrement. Il remarqua alors les yeux rivés sur eux ou plus précisément sur Joshua et il n’apprécia pas la chose. Il tenta l’humour avant de se rendre compte de ce qu’il venait de dire. Partant rapidement en essayant de ne pas penser à tout cela, il chercha du regard un endroit où ils pourraient manger et boire. En sentant un coup, il tourna la tête vers son ami qui lui indiqua un endroit. Le suivant, Anton soupira doucement, avant de se reprendre. Mangeant et buvant ensemble, Anton finit par se détendre. Puis, Joshua voulu savoir s’ils y retournaient. Il hésita avant de finir son verre. Il allait répondre quand il fronça les sourcils face aux paroles de son ami. Le présenter ? Tournant la tête dans la direction où allait le regard de Joshua, Anton haussa un sourcil, avant de fixer à nouveau son ami.

Non ça ira merci. Mais si tu veux aller lui parler tu peux. Je suis sûr que tu as toutes tes chances.

Quelque chose en lui n’aimait pas du tout cette idée, mais il fit en sorte de ne pas le montrer.

Je vais aller prendre une douche à la place. Si tu veux te rincer, tu peux venir, je te laisserai la place avant.

Attrapant quelques gâteaux apéros, il les avala rapidement avant de prendre la direction de l’étage. Il savait que son comportement n’était pas chaleureux, mais il n’arrivait pas à enlever cette sensation désagréable qu’il ressentait depuis qu’il avait remarqué les yeux qui se braquaient sur son ami et ce sentiment qui s’insinuait en lui depuis quelques heures. Seulement, il ne voulait pas chercher d’explication à la chose. Allant chercher leurs affaires, il partit dans la salle de bain et soupira en se fixant dans le miroir.

Après un tournant positif où j’avais affronté mes aprioris, la soirée virait à la catastrophe sans que j’en comprenne les raisons. Occupés à grignoter et à nous désaltérer après notre passage dans la mousse, j’essayais de redonner le sourire à Anton dont le visage s’était brusquement assombri peu auparavant. Que se tramait-il dans son crâne ? Hélas, ma proposition d’établir le contact entre lui et l’inconnue venant de pénétrer dans la pièce fut un échec cuisant. Plutôt que de se lancer dans sa direction avec enthousiasme, le brun choisit ce moment pour prendre congé avec une froideur que je ne lui connaissais pas. Tout du moins, pas à mon adresse. J’étais invité à le rejoindre malgré tout mais son empressement à me tourner le dos me laissa pantois. Mon regard l’accompagna jusqu’à ce que sa silhouette disparaisse derrière un mur. J’observai l’activité autour de moi, incertain de la démarche à suivre. Plusieurs secondes s’écoulèrent ainsi, dans le silence, jusqu’à ce que je me décide à vider mon verre d’une traite puis m’élançai à sa suite. Je passai à côté de la fameuse fille à qui j’adressai un signe de la tête poli, n’étant pas d’humeur à faire sa connaissance. Je grimpai les marches deux à deux puis donnai trois petits coups à la porte de la salle de bain afin de m’assurer que mon acolyte ait le temps de gérer la situation selon son degré de pudeur. Sur ce, je passai ma tête par l’entrebâillement en me cachant les yeux derrière mes doigts et lâchai : « Le zizi est caché ? » Je ris puis entrai, verrouillant derrière moi. Je fis quelques pas dans sa direction et interrompis ma progression face au miroir. « Nous y revoilà. T’as encore envie de me dire pourquoi je suis beau ? » Le sous-entendu était simple : étions-nous encore amis ? Me reprochait-il quelque chose sans que je ne sache quoi ?

Malgré tout, je ne pus supprimer tous les signes de nervosité comme mes doigts qui s’entremêlaient les uns aux autres. Mes billes claires se posèrent sur son visage tandis que j’osai un pas supplémentaire vers lui. « Excuse-moi si je t’ai blessé. Tu sais que ce n’est pas intentionnel si… » La volume de ma voix fut progressivement réduit à néant. J’avais beau tout revivre dans ma tête, je ne parvenais pas à trouver ma boulette. Étais-je si idiot ? S’il ne s’agissait pas d’un acte, alors une parole ? Je ne possédais pas une mémoire en mesure de restituer le moindre mot prononcé mais j’étais sûr de ne pas avoir été insultant ! « Ce n’est pas à cause de ma blague sur Saroumane, hein ? Évidemment que tu n’es pas comme lui ! » Je cherchais dans les moindres recoins. Remarquant ses soucis à se confier – ce qui ne cessait de me déstabiliser ! – je lâchai un bref soupir suivi d’un large sourire éclairé. « Je sais ce qu’il te faut pour te remonter le moral ! » Je bondis vers la baignoire que je rinçai puis bouchai avant de contrôler la température de l’eau. Plus de produit à bulles que nécessaire y fut versé puis je me retournai vers Anton. « Tu vas voir. Rien de tel qu’un bon bain chaud pour se requinquer ! » J’en savais quelque chose avec mon accès limité à l’hygiène. Au moins, j’étais clean récemment grâce à mon squattage chez mon interlocuteur.

Ne sachant que faire d’autre d’ici à ce qu’il se décide à reprendre la parole, je m’assis sur le rebord tout en le fixant. Une réaction. N’importe laquelle ! J’avais besoin qu’il réagisse, qu’il m’aide à comprendre où j’avais glorieusement foiré.

 

Stupide ! Idiot ! Imbécile ! Oui tous ces termes convenaient à la façon dont Anton venait de se comporter avec Joshua. Maintenant qu’il était dans la salle de bain, il s’en voulait. Soupirant, il se retrouva face au miroir et il grogna. D’où venait cette soudaine jalousie ? Oui, il avait été protecteur avec Joshua depuis qu’ils se connaissaient. Comme si une part de lui avait ce besoin de savoir qu’il allait bien et que si ça n’était pas le cas, il ne pouvait pas aller bien non plus. Il s’était toujours dit que c’était une vraie connexion qu’il y avait entre eux, mais juste de l’amitié. Joshua était clairement son meilleur ami, ça rien ni personne ne pourrait le changer. A part Joshua lui-même bien sûr. Mais il ne semblait pas en avoir envie. Quoi qu’après son comportement, Anton comprendrait que Joshua ne veuille plus le voir. Secouant la tête en soupirant, il se passa une main sur le visage. La pensée qu’il eut ensuite le fit grimacer. Il avait perdu un ami récemment, mais un ami avec plus si affinité. Ca n’était pas du tout la relation qu’il avait avec Joshua. Ca n’était pas non plus ce qu’il souhaitait instaurer entre eux. S’il devait se passer quelque chose de plus avec Joshua ça serait dans une relation sérieuse. Quoi ? Non ! Ils étaient amis rien de plus !

Oh évidemment, il voyait les sourires amusés de leurs amis, il entendait les propos les concernant, mais il n’y avait jamais vraiment prêté attention avant. Ils étaient proches, ça ne voulait pas dire qu’il y avait autre chose. Mais alors pourquoi cette soudaine jalousie ? Ses pensées furent perturbées quand on frappa à la porte. Il aurait dû se douter que le plus jeune allait le suivre. Il ne répondit pas à ses paroles, n’ayant pas d’humour à cet instant. Il aurait dû pour donner le change, mais il n’y était pas parvenu. A la place, il entendit la porte être fermée à clé et il écouta son ami reprendre la parole. Face à ce qu’il venait de dire, Anton serra les dents. Si Joshua savait ce qu’il comptait lui dire, il ne reviendrait peut-être pas sur le sujet. Ca serait tellement déplacé de faire des remarques sur son physique désormais non ? Anton n’en savait plus rien, parce qu’il était perdu.

Je ne sais pas si c’est une bonne idée et tu risques de toute façon de rejeter ce que je te dirais.

Rustre ! Nigaud ! Benêt ! Oui, ceux-là aussi collaient face à sa réponse. Pourquoi était-il aussi cassant ? Il fallait qu’il retrouve le sourire. Il fallait qu’il donne le change. Seulement les paroles de son ami le perturbèrent. Il pensait que c’était de sa faute ? Abruti ! Andouille ! Brute ! Cette fois-ci c’était encore dans le mille. Il aurait dû répondre tout de suite, mais à la place, il écouta Joshua reprendre la parole encore et encore, avant d’entendre de l’eau couler. Fronçant les sourcils, Anton ne pu s’empêcher d’esquisser un sourire. Il était celui qui lui avait tourné le dos et pourtant Joshua était là à chercher une façon de se faire pardonner. Se tournant finalement vers lui, il le fixa, assit au bord de la baignoire, clairement mal à l’aise.

Ca n’est pas de ta faute.

Il se rapprocha du brun et le fixa.

Je n’aurai pas dû réagir ainsi. J’aurai dû être plus clair sur le fait que je ne cherche pas à avoir qui que ce soit dans ma vie. Ma dernière histoire, si on peut appeler ça comme ça, est encore difficile à avaler. J’ai besoin de plus de temps.

Il fixa son ami, espérant qu’il comprendrait la chose et qu’il ne tenterait pas de lui chercher quelqu’un.

Je suis juste fatigué. Je n’ai plus l’habitude de ce genre de soirée, mais tu as raison, un bain fera du bien. Tu devrais en prendre un et je prendrai une douche. Après tout, tu avais déjà mis une option sur la baignoire.

Cette fois-ci, il eut un vrai sourire pour son ami et son ton était un peu amusé face à sa dernière remarque.

J’ignorais ce que j’avais bien pu faire comme gaffe mais le ton cassant d’Anton laissait comprendre que ce devait être terrible. Je ne savais plus où me mettre. Moi qui montais rapidement depuis le décès de ma mère ne ressentais là aucune colère. Pas contre lui. Uniquement de la culpabilité. Que faire pour qu’il passe à autre chose et que la bonne humeur retrouve sa place parmi notre duo ? J’avais déjà essayé des blagues : sans succès. Des excuses franches n’entraînaient rien d’autre qu’un silence. Et si des actes importaient plus que des paroles dans le cas présent ? Ami dévoué, je lançai le remplissage de la baignoire dans le but qu’il s’y détende. Un peu bizarre, ok, mais quels autres choix s’offraient à moi alors qu’on était enfermés dans une salle de bain ? Nous allions difficilement cuisinier un gâteau au chocolat ! Par miracle, cette initiative lui décocha un sourire et le fit s’avancer vers moi, yeux dans les yeux. Alors, enfin, je compris. Les mots s’échappaient de ses lèvres et me parurent être d’une telle évidence que je me reprochai d’avoir été si idiot. Un manque de tact absolu de ma part… Je me murai dans le silence à mon tour, l’écoutant attentivement jusqu’à ce que mes lèvres s’étirassent légèrement à l’instar des siennes.

« J’ai mis l’option mais tu le mérites plus que moi. Et puis… je te l’ai préparé avec amour ! » répliquai-je avec un soupçon d’humour. « Tu n’as qu’à le prendre et moi je vais… Je n’en sais rien. Comater dans la chambre ? » Car oui, je ne pouvais pas rester là pendant ce temps, si ? Ce serait bizarre (pas autant que de partager l’eau mousseuse évidemment) ! De manière distraite, j’immergeai mes doigts afin d’en mesurer la chaleur. C’était parfait en plus d’être affreusement tentant… Enfin, j’ajoutai tout en fixant la mousse qui ne cessait de prendre de l’ampleur : « Désolé d’avoir insisté. Je ne pensais pas à mal mais je peux comprendre que ça t’ait froissé. C’était idiot de ma part et pas du tout avisé. Ça ne se reproduira pas. » Depuis la fameuse discussion lors du petit-déjeuner, nous n’avions que peu abordé le type qui lui avait brisé le cœur. M’étais-je endurci au point de ne plus reconnaître la souffrance quand je la voyais ? Étais-je devenu aveugle à ce point si l’on ne me mettait pas le nez dedans ? Une longue séance de méditation m’attendait après ça… D’ailleurs, je me levai puis lui accordai une brève accolade avant de me diriger vers la porte. Les doigts sur le verrou, je lâchai : « Te proposer un massage pendant que tu fais trempette serait aussi méga inapproprié hein ? Je préfère demander car j’ai perdu le fil des bonnes manières je crois. » Il était déjà arrivé que je m’improvise professionnel dans ce domaine lorsque sa nuque le tirait mais, là, la situation était un brin différente. J’avais juste le sentiment de lui être redevable pour les siècles à venir suite à ma gaffe. « Je peux me bander les yeux si tu veux. » Je ris, repensant à l’une des scènes de la série Buffy avec Glory et ses mignons.

 

Il apprécia l’offre de son ami, à savoir pouvoir profiter d’un bon bain chaud. C’était très tentant il devait bien l’avouer. Il l’écouta dire qu’il irait dans la chambre pendant ce temps et pendant quelques secondes, le cerveau d’Anton lui indiqua qu’il pourrait lui proposer de le rejoindre dans la baignoire. Non ! Comme si la situation n’était pas déjà assez compliquée comme ça. Pas besoin d’en rajouter.

Merci et si jamais je suis dans l’optique de me mettre en couple, tu seras le premier prévenu.

Gardant son léger sourire, il disait vrai. L’avis de Joshua était important pour lui. Mais en effet, pour le moment, il avait juste besoin d’être seul et de faire le point. Il s’était plongé dans son travail, mais aussi à faire en sorte que Joshua ne vive pas dans la rue, qu’il n’avait absolument pas pris le temps de faire le point et de se dire que quelque chose clochait. Non pas chez lui ou entre eux. Seulement, quelque chose venait de se réveiller en lui et il ne savait pas du tout comment réagir face à cela.

Mais je suis désolé pour t’avoir parlé de la sorte, je n’aurai pas dû le faire. J’espère que tu ne m’en voudras pas pour m’être lâché sur toi, alors que rien n’est de ta faute.

Il voulait s’assurer que malgré son comportement, le plus jeune ne lui en voulait pas. Appréciant l’accolade de son ami, il soupira doucement, comme si un poids insupportable n’était plus sur ses épaules. Le voyant finalement aller vers la porte, Anton se passa une main sur le visage, avant de se tourner vers son ami qui reprenait la parole. Cependant, il ne s’était absolument pas attendu à de telles paroles. Son cerveau sembla se mettre en pause et le barbu reprit vraiment conscience face à ce que son ami ajouta.

Je t’ai bien proposé de t’apporter à boire et à manger quand tu prendrais ton bain, donc bon …

Comment ça "donc bon" ? Etait-il vraiment en train de lui dire qu’il acceptait son massage ? Il devait avouer que ça aussi s’était tentant.

Le plus simple serait qu’on puisse prendre un bain et un massage ne te ferais sans doute pas de mal non plus. Quelque chose de mutuel par exemple.

Vraiment Anton ? Grimaçant un peu, il fixa son ami.

Au pire je peux garder mon maillot et on partage la même eau du bain. Comme ça tu peux me nettoyer le dos, ça sera plus facile.

Il sourit amusé, mais il devait avouer que dans un coin de son esprit, le fait de partager la même baignoire que Joshua n’était pas une idée désagréable. Non !

Sinon, on prend un bain séparément et on fait le massage après. Ca peut coller aussi.

Il était encore plus mal à l’aise de faire une telle proposition, mais en même temps, il ne se voyait pas apprécier son bain pleinement en sachant Joshua non loin de là.

Si je reçus la promesse d’être au courant des derniers potins de sa vie sentimentale, ce ne fut pas sans son lot d’excuses supplémentaires. À chacun son tour de culpabiliser visiblement ! (Pas que j’ai déjà arrêté de mon côté.) Que cette soirée ait pris une telle tournure était regrettable pour être honnête mais, au moins, nous étions occupés à y remédier. Qu’est-ce que quelques nuages dans une relation presque toujours ensoleillée ? Ce n’était pas comme si nous avions rencontré un obstacle infranchissable ! Je devais juste faire plus attention à ses sentiments. « C’est quand même un peu à cause de moi, hein ? Mais allez, on oublie tout ça – mais pas la leçon – pour passer une bonne fin de soirée. » Je lui souris puis le serrai rapidement contre moi avant de me diriger vers la sortie. Pourtant, la main sur le verrou, je fis volte-face et lâchai une proposition alléchante avant-même d’avoir laissé mon cerveau y réfléchir. Je devais vraiment apprendre à tourner sept fois la langue dans ma bouche avant de parler ! Était-ce l’alcool qui jouait sur mes réactions ? Je n’en avais pourtant pas abusé ! À moins qu’il s’agissait tout simplement d’une… envie ?

Peu importe la justification, je ne devais pas m’en faire. Inutile de se creuser la tête plus que nécessaire. Pourquoi ? Car Anton refuserait et je finirais par l’attendre patiemment en jouant sur mon téléphone dans la pièce voisine. J’étais prêt à tourner mon poignet lorsque cette prédiction se révéla… fausse. Mes yeux clairs scrutèrent son visage pour la énième fois aujourd’hui à la recherche d’un rictus trahissant sa blague. Mais celui-ci n’apparut jamais. Au contraire, un flot de propositions fut déversé sans que je n’aie le temps de méditer sur chacune d’entre elles. Partager un lit était quand même extrêmement différent de passer du temps ensemble dans la même eau, pas vrai ? Je ne savais quoi répondre. Est-ce qu’en acceptant cela redéfinirait notre relation ? Probablement que non et que je dramatisais. Il n’y avait rien de sexuel là-dedans (même si la phrase « Quelque chose de mutuel par exemple » était très discutable pour quiconque possède un esprit un chouïa déplacé). Nous étions tous les deux célibataires et ne commettions aucun crime par conséquent ! « Ok, si tu me promets que la prochaine étape n’est pas de partager les toilettes ! » Je pouffai de ma bêtise, bien conscient de n’avoir apporté aucune précision quant à ce que je venais d’accepter. Pour gagner du temps et abréger le silence peut-être ?

Je revins vers le lavabo où je vidai le fond de son verre qui traînait là depuis notre premier passage. Pour m’aider à décompresser ! « On évitera juste d’en parler à nos potes, hein ? » Tellement de rumeurs traînaient déjà sur notre duo qu’il valait mieux éviter d’attiser les braises ! J’interrompis la coulée d’eau puis pris une poignée généreuse de mousse. J’avais vraiment forcé sur le produit ! « Si tu retires ton maillot je le fais aussi. On ne risque pas de voir quelque chose là-dedans ! » Je ris. Que nous les portions ou non, les mêmes parties de notre anatomie serait immergées dans tous les cas et vu le mur blanc d’une épaisseur dingue… Je remis la mousse à sa place puis partis à la recherche des serviettes, laissant le temps à mon interlocuteur de se décider. Ceci fait, je clamai : « Attention ! Convoi exceptionnel ! Faites de la place ! » J’éclatai de rire tandis que je me glissai derrière lui, mes jambes venant se caler autour des siennes même si je gardai mes distances avec le reste de son corps (heureusement que la baignoire était grande !). Je n’avais aucune intention de lui envoyer les mauvais signaux ! « La température est ok pour toi ? » Toujours soucieux de son confort. Pas que je puisse y faire grand-chose maintenant dans le cas contraire.

Là, je vins lui pincer ses poignées d’amour (frôlant l’inexistence) en m’esclaffant. Difficile pour lui de se débattre dans cette position ! J’avais l’ascendant. Je reconnaissais malgré tout que ce n’était pas super fair play de ma part et m’arrêtai rapidement. « Ok, ok, je suis sage ! » Sur ce, je posai mes mains sur ses épaules et commençai à le masser. Je ne détenais aucun diplôme dans cette forme de bien-être mais je faisais au mieux comme à chaque fois que cela m’était arrivé de lui en procurer. Sa peau était douce. Le parfum du bain enivrant. Je devais avouer que, dans un autre contexte, cette scène aurait été des plus sensuelles. Pourtant, je ne pus m’empêcher de retenir une boutade peu romantique. « Estime-toi heureux que je n’ai pas passé les dernières semaines dans la rue. » Sous-entendu : je suis propre.

 

Il n’allait pas répondre à cela. Il savait que l’un comme l’autre s’en voulait et les excuses n’en finiraient plus s’ils continuaient ainsi. Cependant, la proposition de son ami le perturba. Devait-il accepter son aide pour un massage ? Devait-il partager la baignoire avec lui ? Beaucoup de question et pas une seule réponse facile à donner. Il était en train de s’enfoncer, il le sentait, mais en même temps, partager la baignoire avec Joshua ne serait pas désagréable. Il ne comptait pas avoir de gestes déplacés envers lui. Il pourrait lui nettoyer le dos comme il venait de le dire ou au contraire, chacun serait dans son coin de la baignoire et se laverait tranquillement. Face aux paroles de son ami il prit un air très sérieux.

Je te le promets.

Il esquissa un sourire, mais se rendit alors compte que Joshua avait dit qu’il était d’accord. Restant faire du sur place, parce qu’il n’était pas sûr de savoir quoi faire, il regarda son ami vider son verre avant d’acquiescer face à ses propos. En effet, il ne valait mieux pas que les autres le sache. Restant muet également, il attendit que Joshua aille cherche les serviettes pour enlever son maillot qu’il balança sur le côté avant d’entrer dans l’eau du bain. Il apprécia la chaleur de l’eau contre lui et ne pu s’empêcher de fermer les yeux quelques secondes, avant de les ouvrir en entendant Joshua parler.

Convoi exceptionnel ? En général c’est pour quelque chose de large. Serait-ce un sous-entendu douteux de ta part ?

Il avait un peu retrouvé de son mordant, mais de sentir les jambes de son ami l’encadrer, le perturbèrent à nouveau.

Hum hum.

C’est tout ce qu’il pu répondre quand il lui demanda si la température lui allait. Essayant de retirer toute pensée déplacée de son cerveau, il sursauta face au pincement de son ami. Mais, il n’eut pas le temps d’avoir de la répartie, car ce dernier vint lui masser les épaules. Fermant les yeux, Anton se concentra alors pleinement sur le massage. Cependant, quand il reprit la parole, Anton grogna.

Joshua, chut. Parfois le silence c’est bien aussi, surtout si c’est pour dire des âneries. Que tu sois propre ou pas, je préfère me concentrer sur le massage.

Sa voix était lente, parce qu’il se rendait compte à quel point il était tendu. Joshua n’était peut-être pas diplômé dans le domaine, mais clairement ses mains faisaient des miracles. Laissant les minutes s’écouler, il finit par se redresser un peu dans l’eau.

J’en avais vraiment besoin, merci.

Il tourna la tête pour regarder Joshua et lui sourit doucement.

Tu veux que je te retourne la faveur ?