If The Pirates of the Caribbean breaks down, the pirates don’t eat the tourists. ft. Keziah

« If The Pirates of the Caribbean breaks down, the pirates don’t eat the tourists. »

@Keziah D. Blackthorne & @Elias Solberg

L’après-midi de répétition avait touché à sa fin alors que la soirée était déjà un peu entamée. Dans moins de deux semaines nous serions arrivés à Hawaï pour une série de quatre concerts. Par conséquent, nous avions prévu nos répétitions à fond jusque quelques jours avant le départ, enfin comme d’habitude quoi. En tous cas ça s’était un tout petit peu éternisé, et j’étais plus que ravie en souhaitant une bonne soirée aux autres membres du groupe avant de me diriger vers la maison. Nous avions prévu une soirée entre colocataires, Elias et moi, pour profiter d’être un peu ensemble avant le grand départ pour une semaine. Je savais parfaitement qu’il détestait rester seul dans ces moments-là, donc j’essayais d’être hyper présente avant, et puis je ne l’avais jamais empêché d’accueillir qui que ce soit en mon absence si c’était plus simple pour lui. Tant que la porte de ma chambre restait fermée, ça me convenait parfaitement bien.

Je ne m’attendais à rien de spécial, en rentrant. À priori, ce serait un repas et un film en papotant – donc il y avait de fortes chances qu’on ne suive pas ledit film – comme d’habitude. Autant vous dire que j’étais restée scotchée en entrant. Trousseau de clés en main et bouche ouverte, j’avais passé innocemment la porte du loft pour entendre un très cliché ukulélé en fond sonore et trouver mon normalement très sexy colocataire affublé d’une tenue déroutante. Déjà que je le trouvais très décalé lorsqu’il sortait de l’appartement en costume et cravate pour aller au tribunal et ce genre de choses, là, c’était … pire. Tongs, collier floral et le summum du kitch, la chemise à fleur avec le short assorti, il n’en fallut pas plus pour me faire pouffer de rire avant que je ne me remette de mon choc et verrouille dûment la porte d’entrée. Elle comportait deux sécurités en plus d’un canon de porte anti-effraction et d’un système d’alarme, bref tout ce qu’il fallait pour qu’on se sente bien chez nous, mais fermer fut rapide. Quand je me tournais à nouveau vers mon colocataire, il me saluait, avant de me coller quelque chose dans les mains avant que je n’aie le temps de dire ouf, me faisant éclater de rire pour la seconde fois tandis que je regardais l’objet.

« Aloha et mahalo pour le guide, mais je vais devoir acheter un coffre plus grand pour les stocker, si ça continue. » Ce qui m’amusait beaucoup, car c’était une tradition, chaque fois qu’on avait une nouvelle destination, et j’adorais ! J’emmenais le petit guide avec moi, annotant ce que j’en avais ou non visité, et je finissais par les ranger dans un grand coffre en bois qui contenait tous mes souvenirs physiques liés au groupe et aux concerts. Il allait falloir que j’envisage une seconde caisse sous peu, celle-ci ne fermait plus qu’à grand peine … « J’adore ce programme ! Enfin moins la rencontre avec un T-rex entre deux concerts mais ma foi ... »

Je ris un peu plus avant de me diriger vers la partie salon du loft après avoir déchaussé dans l’entrée ma paire de Doc Martens à talons et avoir déposé ma veste en cuir noire. Je finis par m’approcher du canapé pour me laisser tomber dedans avec la légèreté d’une plume avant de m’installer en tailleur sur la banquette. J’observai d’un œil expert ce que m’avait préparé mon colocataire avant de mettre la main sur le premier cocktail à ma portée. Ça faisait très vacances tout ça, et pourtant c’était bien pour le travail que j’allais faire ce déplacement. Ouais, des fois, j’adorais encore plus mon job. Je tandis mon cocktail vers Elias pour pouvoir trinquer.

« A mon prochain voyage, si je comprends bien ? » J’adorais, mais alors vraiment vraiment ces moments qu’on passait en tête à tête. « Qu’est-ce que tu m’as prévu de bon à manger avec tout ça ? »

Car s’il y avait bien une seule et unique chose à laquelle je ne dérogeais jamais, c’était de manger en temps et en heure, sans ça j’avais de gros, gros soucis d’angoisse, et à force de vivre sous le même toit Elias l’avait parfaitement intégré. Je pris une gorgée du cocktail, qui était excellent par ailleurs, avant de changer de conversation. Ça, c’était ma question du moment, vu qu’Hawaï était une destination que je n’avais encore jamais visitée, et que ça serait donc une série de concerts placée sous le signe des premières fois et des souvenirs.

« Tu ne m’as pas dit si tu voulais que je te ramène quelque chose d’ailleurs ? »

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« Hm, dans ta chambre je pense, ça me paraît être le seul endroit disponible ... »

Je fis mine de réfléchir un peu avant de rire. Elias avait toujours le chic pour me faire rire, que ce soit après une mauvaise journée ou simplement une longue et éreintante répétition. Même si tout s’était pour le mieux passé, j’étais rentrée fatiguée, et aussi un peu inquiète il fallait l’avouer parce que Wolf n’était pas dans son assiette ces derniers temps, mais ça hors de question de l’avouer, et j’avais enfermé cette pensée dans un coin de ma tête avant de rentrer, pour ne rien laisser apparaître. Ça ne regardait personne, et surtout pas mon colocataire. Je ne savais pas ce qui pouvait se tramer entre les deux hommes, mais leur entente semblait déjà en dent de scie quand ils se croisaient, alors hors de question de trahir la confiance qu’avait placé en moi le chanteur en donnait des armes au blond.

En tous cas, j’appréciais qu’Elias soit toujours égal à lui-même quand je rentrais. Ça faisait le plus grand bien. Il était facile de se sentir à l’aise avec son humour décomplexé, et il savait exactement sur quelles problématiques je travaillais, grâce au groupe de soutien, donc il était prévenant et prudent là-dessus. Bref, pour l’heure actuelle, il était sûrement l’un des seuls hommes au monde avec lequel je me sentais assez à l’aise pour vivre sans regarder sans arrêt par dessus mon épaule. Et si ce soir était ma soirée « de départ » bien que je ne parte que dans quelques jours, j’avais hâte d’être à ma soirée de retour. Ces deux évènements allaient toujours ensemble, et c’était de grands moments de notre colocation.

« J’espère qu’ils sont bien dressés … »

Je retroussais le nez dans une mimique amusée. Nous n’étions pas très souvent sérieux, dans ce genre de contexte, et surtout pas avec la promesse d’une soirée film et cocktails ! Bien sûr, il nous fallait parfois avoir quelques conversations moins légères, et dans ces cas-là il ne nous était pas difficile de nous mettre en condition, mais j’avais vécu assez de choses moches et Elias en voyait assez au travail pour ne pas s’encombrer d’une ambiance trop guindée qui ne nous siérait pas. Nous avions donc trinqué, et rien que le cocktail était délicieux, donc je m’étais forcément posée la question du repas, parce qu’en plus, il allait être l’heure de manger. La réponse presque énigmatique de mon colocataire me fit hausser un sourcil avec amusement.

« Tu devrais savoir que peu importe ce que c’est, je vais goûter. »

C’était l’un des effets qui suivait le fait d’avoir vécu mon passé. Je mangeais de tout, bon ou non, et je ne réfléchissais pas avant de goûter ou non un plat, à part à la question de savoir s’il était avarié ou non, mais là je comptais bien sur le blond pour ne pas me proposer des mets qui allaient me rendre malade juste à quelques jours d’un départ aussi important pour moi ! Jusque là, aucun souci, je pouvais lui faire confiance. Je l’observais se lever et se mouvoir jusque la cuisine, sûrement pour aller chercher l’entrée, tout en me mettant à l’aise sur l’énorme canapé qui habillait le salon du loft. Lorsqu’il revint, je lui souris, avant de m’emparer du plat qu’il me présentait sans une once d’hésitation. J’avais faim, ça se mangeait, donc pas de raison de faire la fine bouche !

« Merci ! Bon app’ ! »

Aussi simple que ça. Je pris ma première bouchée tout en l’observant attentivement alors qu’il me parlait de ce qu’il aimerait comme cadeau, car ça c’était ma tradition de ramener un souvenir de chaque nouveau lieu que je visitais, et Hawaï n’allait clairement pas faire exception, surtout pas avec sa culture fascinante et toutes les possibilités que ça offrait. Même si je me préparais à tout avec mon colocataire, je n’étais pas prête à ce qu’il demandait, et je m’arrêtais de mâcher mon morceau de poisson un instant, le regardant avec une sorte de détachement tout clinique qu’il puisse être. Alors là, chapeau l’artiste. Je finis de mâcher avant d’avaler ma bouchée.

« Les chemises à fleur ne vont à personne, Eli. Surtout pas à toi, tu es tellement plus à ton avantage avec une cravate. » Jusque là, je parvenais à rester sérieuse. Ni le costard ni la chemise à fleurs ne lui allaient, en réalité. « Et si je t’achète un ukulélé, j’ai peur de finir au chômage quand on va découvrir tout ton talent. » Je pinçais les lèvres. Me retenir de rire devenait délicat. « Mais je ne peux rien te refuser alors si tu insistes, je te ramènerais les deux ... »

Ce qui n’était pas difficile si ce n’est en terme de place. Pour ce qui était du côté financier, j’étais large avant d’avoir besoin de me poser des questions. Je repris une bouchée de poisson, sans me plaindre car bien évidemment c’était très bon mais j’allais le laisser mariner un peu avec ça, car il savait que bon ou non, je mangeais généralement sans me plaindre ce que l’on me préparait. Mais là, c’était quelque chose comme vraiment bon.

« Je te réserverais une soirée dans un bar début juin pour que tu puisses nous montrer tes talents au ukulélé, je suis sûre que ça va changer ta vie ! » Bon, cette fois, un début de sourire ne put que me chatouiller les lèvres, puis ce fut progressivement un rire, avant que je ne vende la mèche. « Je ne sais même pas si je pourrais te ramener un ukulélé, on part en avion privé, j’ignore quelle place nous aurons pour les bagages, et on a déjà tout notre matériel. »

Ce qui faisait beaucoup, car nous étions cinq, et certains d’entre nous avaient plusieurs instruments, comme moi qui jouais du violon et de la basse. Sans compter a batterie d’Indy. Et nous ne louions pas de matériel sur place afin de pouvoir être sûrs de la qualité du son que nous allions produire. Donc très sincèrement, j’ignorais complètement la place que j’aurais pour ramener un souvenir.

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Je ne pus m’empêcher de rire en voyant la tête d’Elias se déconfire en apprenant que sa tenue du jour ne lui allait pas, et encore plus fort après qu’il se rende compte que je le préférais en costume, ce qui était une tenue qu’il abhorrait, même s’il fallait avouer que ça lui allait bien. C’était juste trop guindé pour lui, il était plus rock’n’roll, c’était clairement le genre de type qu’on imaginait fort bien avec quelques bagues gothiques en argent accrochées aux doigts, et ses piercings lui allaient à merveille. Mais je comprenais qu’il n’aime pas ses tenues de boulot, c’était décalé par rapport à sa personnalité, et je devais avouer largement préférer ses tenues habituelles. On était étonnamment du même univers rock, même si ça se voyait parfois moins dans mes tenues. Même si j’aimais beaucoup m’habiller pour me donner un peu de paraître et de confiance en moi, lorsque j’étais seule dans la rue j’optais souvent pour quelque chose de beaucoup plus sage, moins remarquable. Par contre, pour la scène ou pour les occasions où j’étais sûre d’être bien accompagnée, mon placard débordait de mon univers rock.

La conversation dévia sur le ukulélé, et le talent – ou son absence, dépendant du point de vue selon lequel on se plaçait dans cette conversation – de mon colocataire à manier cet instrument. Qui savait, il avait peut-être une future réelle carrière qui allait s’ouvrir à lui ? Non, même moi je n’y croyais pas en le disant, même en m’essayant de tout mon cœur d’y adhérer. Sa proposition me fit secouer la tête doucement.

« C’est impossible, tu le sais. Je n’aurais pas le temps de me dédoubler et je suis férocement loyal à mon groupe. Navré chaton, tu vas devoir te trouver d’autres camarades, mais je peux toujours t’aider à monter un casting pour trouver tes perles rares. »

J’eus un sourire en coin. Dans cette phrase, beaucoup de bêtises mais deux vérités quand même. Je n’avais pas le temps pour autre chose que ma petite vie privée, à côté du groupe, surtout pas en ce moment entre deux répétitions, et je ne les laisserais pas tomber, peu importerait la raison. Ils m’avaient tendu la main et avaient été ma bouée de sauvetage, quand j’avais besoin de trouver quoi faire de ma peau, et maintenant que je commençais à être à peu près normale pour certaines choses, il était hors de question de m’éloigner d’eux.  En tous cas il me fit rire doucement avec sa proposition.

« Je leur proposerais de tester le temps qu’on sera à Hawaï et je te raconterais comment ça sonne. »

Horriblement mal, j’en étais persuadée, mais c’était vrai que l’idée était drôle, rien que pour voir la tête de Wolf. Avec un peu de chance, ça le ferait rire, ce qui ne lui ferait pas de mal étant donné la situation actuelle. Parce qu’il était impossible qu’il me prenne au sérieux, ce genre d’idées fantaisistes, ce n’était pas moi, j’étais souvent plutôt calme et appliquée quand il s’agissait du groupe. Mais en ce moment, entre mon psy qui trouvait qu’une session acoustique serait une bonne idée – mais là j’avais du mal à visualiser le son que ça produirait – et mon colocataire qui voulait faire du ukulélé avec nous, il fallait avouer que tout le monde semblait me souffler de folles idées au creux de l’oreille … Puis finalement, je secouais la tête à la proposition d’Elias de laisser Wolf sur place. C’était une petite blague innocente de la part d’Elias, mais ça m’avait touché, et je ne pus m’empêcher de répondre avec un soupçon d’abattement.

« Quand vous êtes dans la même pièce  y’a déjà des piques qui volent, ce serait cool que quand il n’y a que l’un de vous deux j’ai une pause dans l’opération tir à balle réelle. »

Ma voix était restée douce, comme mon sourire. Je le savais, qu’ils ne s’appréciaient pas plus que cela, même s’ils essayaient de garder la chose discrète je les connaissais assez tous les deux pour le ressentir. Bien sûr, je n’en disais rien, je les laissais vivre leur vie, tant que je n’étais pas obligée de faire un choix entre eux. Car le choix serait impossible à faire, j’étais trop attachée à l’un et à l’autre. Plutôt me couper en deux … Ce qui était impossible. Donc j’avais préféré faire passer doucement ce message, sans pour autant alourdir la situation. Il n’y avait pas de raison de se prendre la tête, Eli me connaissait assez pour savoir que je n’allais pas lui en tenir rigueur au-delà de ce que je venais de dire, et que ça n’allait clairement pas gâcher notre soirée. Surtout pas quand je parlais de faire monter Elias sur scène. Un doux rire m’échappa.

« Petite nature. » Même moi je montais sur scène sans devoir m’anesthésier avec quoi que ce soit. « Tu te dégonfles bien vite, coloc. » Même si c’était tant mieux pour son auditoire. « Moi qui te voyais déjà faire la tournée des zéniths, s’il te faut tant d’alcool que ça tu vas y perdre ton foie. » Je repris un morceau de poisson, le regardant droit dans les yeux d’un air amusé. Je voyais briller de l’impatience dans ses yeux, il voulait clairement savoir ce que je pensais du repas. Je pourrais encore le laisser mariner, mais à un moment ça perdrait de son charme. Je ne pouvais pas pour autant être douce et délicate envers lui. « Tu me donneras le nom de ton traiteur, ce n’est pas si mal. »

C’était mieux que pas si mal, c’était même très bon pour être honnête, et je savais qu’il l’avait cuisiné lui-même, il y mettait toujours un point d’honneur. J’étais ravie de notre relation, de comment on s’entendait, et des petits efforts que l’on fournissait tous les deux pour que cette cohabitation se passe au mieux. Jusqu’à présent, pas de nuage dans le petit ciel de notre colocation. Je reportais finalement mon attention sur le film, un peu quand même, que j’avais vu des dizaines de fois mais dont je ne me lassais pas.

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« Il faut bien que l’un de nous deux soit sérieux. »

Même si je ne l’étais pas tellement en le disant. J’avais simplement parfois un humour quelques peu pince-sans-rire, qui faisait souvent se questionner mon colocataire sur mon sérieux ou non. Mais il était clair que pour le coup, je n’avais pas tant de sérieux. On savait tous les deux parfaitement bien que ça ne pouvait pas arriver. En tous cas, j’avais réussi à ne pas sourciller lorsque mon colocataire avait ébouriffé ma crinière de feu, me contentant simplement de passer les doigts entre mes mèches afin d’éviter les nœuds et de remettre un minimum d’ordre sur le dessus de ma tête. Le tout avant de pouffer de rire à l’idée de faire entrer un ukulélé dans notre groupe aux allures bien plus noires.

« Ouais, je filmerais le moment où je vais me faire envoyer bouler. »

J’étais hilare. Sûr et certain qu’ils allaient me regarder à deux fois si je le proposais, et que ça n’allait pas être accueilli à la fois positivement et sérieusement. Soit ils allaient beaucoup rire, voire se sentir absolument consternés que j’ose faire une proposition pareille, soit ils allaient tout bonnement me proposer un petit tour chez mon psy dès le retour en présumant que j’avais eu un petit court-circuit. Ouais, aucun risque qu’Elias ne voit qui que ce soit du groupe en train de jouer du ukulélé. J’avais du mal à imaginer le groupe en chemises à fleur pour commencer, alors des ukulélés métalleux … Clairement, ce n’était pas près d’arriver.

Finalement, la petite chicane en provenance du blond à l’encontre du brun me hérissa légèrement. Je savais qu’ils ne s’entendaient pas, ce n’était pas dur de le voir en les connaissant tous les deux, dans leur façon d’être l’un face à l’autre lorsqu’ils se croisaient, mais si je les laissais bien volontiers se débrouiller à deux lorsqu’ils étaient l’un face à l’autre, ça me peinait un peu que les balles volent même quand je n’étais qu’avec l’un des deux. J’en avais fait part à Elias avec beaucoup de douceur, et sa tête m’avait fait sourire avec tendresse. Je sentais qu’il essayait de m’endormir un peu, mais j’étais immunisée depuis le temps.

« Tu sais, je m’en fiche, si vous vous entendez ou non. Vous êtes des adultes, et on ne peut pas être amis avec tout le monde. Et puis vous n’êtes pas obligés d’être collés sans arrêt. » Sans arrière pensée, cette phrase, parce que j’ignorais tout de la proximité physique qu’ils avaient pu avoir, et c’était bien mieux ainsi. « Je ne veux juste pas être prise entre les deux feux. Si tu veux lui jeter des pics en pleine tête, fais-le quand il est là, c’est tout ce que je te demande. » Parce que si Wolf était plus que capable de se défendre en face-à-face, je ne trouvais pas ça honnête de profiter qu’il soit absent et ne puisse par conséquent pas se défendre. « En plus, je refuse de devoir prendre partie pour l’un ou l’autre, donc je ne peux pas te laisser prendre des points d’avance. »

Un sourire amusé étira mes lèvres, pour clore la chose. J’étais contente d’avoir fait passer le message, je ne voulais juste pas être la spectatrice de ce genre de choses, mais pour le reste ils géraient bien les rares moments où ils se croisaient comme ils le voulaient. Ils étaient majeurs et vaccinés, par conséquent je refusais de me mêler plus avant des choses. À défaut, je laissais dériver la conversation vers le sujet suivi, notamment le fait que mon colocataire était une petite nature qui avait besoin d’user de l’alcool pour faire face à des inconnus. Je pouffais de rire à ce qu’il dit, consciente qu’il n’avait certainement pas fait attention plus que cela à ce qu’il venait de dire, mais je ne pouvais pas laisser passer sans réagir.

« Je n’ai déjà pas réussi à trouver un foie pour Sven, comment veux-tu que je trouve un foie pour toi en voyage professionnel ? »

Cette fois-ci, ce n’était plus un sourire que j’avais, mais un petit rictus particulièrement amusé. Oui, là, je le cherchais, et on n’était pas si loin de l’humour noir, mais ma foi c’était trop tentant pour le garder pour moi toute seule. Je ne comptais pas me mettre à charcuter les gens pour récupérer des bouts d’organe à mettre sur le marché noir. C’était peut-être bien lucratif cette affaire, mais ma musique l’était bien assez aussi pour que je n’ai aucun envie de m’essayer à ce genre d’illégalités. Je taquinais également Elias sur la cuisine, de manière un peu détournée, consciente que le laisser mariner ne pourrait qu’améliorer les choses. Je feins d’ouvrir de grands yeux surpris à sa réponse.

« Mais j’espère qu’il est mignon au moins alors ! Le pauvre, passer tant de temps en cuisine pour quelque chose de si vite mangé ! »

Pour appuyer mes dires, je pris une nouvelle bouchée. C’était vraiment bon, son entrée, et j’avouais volontiers que sur ce coup-là il s’était plus que bien débrouillé. Mais je n’avais aucune envie de me montrer conciliante et de simplement le remercier, je préférais prendre des chemins de traverse pour dire la même chose. J’avais fini par me pelotonner confortablement dans le canapé avec mon cocktail pour regarder un peu le film. À la question de l’aîné des Solberg, je pris le temps de réfléchir une seconde.

« La seule idée qui sort de tout ça, c’est l’appât du gain. Les gens deviennent fous, lorsqu’il s’agit d’argent. Complètement fous. » J’en savais quelque chose, avec le temps passé dans l’industrie de la musique. Pas mal de requins nous tournaient également autour, ce qui n’était pas si différent des dinosaures, sauf que mes requins disaient « Salut ça va ? » avec une aisance improbable.  « La pire folie c’est d’avoir fait l’erreur pour le premier parc et d’avoir choisi d’en construire un second des années après, tout ça pour y mettre des hybrides. » Ouais, Jurassic World allait également prendre pour son grade durant le temps de visionnage. Après tout, ça faisait partie de notre rituel film, de défoncer tout ce qui le méritait, sujet de base ou non ! « Par contre j’avoue que si c’était possible et sans danger, j’aurais la même tête que Ellie et Alan en découvrant le parc. » Parce que franchement, ça devrait faire un sacré effet, si c’était la réalité !

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Ce qu’il y avait de bien, entre Elias et moi, c’est qu’on savait quand éviter les sujets sensibles, et qu’on ne s’en voulait jamais après. Oui, j’avais réagi sur le moment au sujet de Wolf, mais ça s’arrêtait là. Je l’avais ensuite cherché un peu sur l’idée de lui ramener un foie, car c’était aussi un peu le truc du moment avec la greffe toute récente de Sven, mais c’était tout simplement drôle et amusant. Mais voilà, un foie, ce n’était clairement pas dans mes cordes pour en ramener un à Elias, il faudrait donc qu’il fasse encore avec celui qu’il avait, qu’il ferait d’ailleurs mieux de garder sur la longue durée.

« Sven a l’air d’aller bien. La greffe s’est bien passée, et il prend le temps de se remettre. En tous cas il a le moral donc c’est carrément un bon début. J’espère que le plus dur est derrière lui maintenant, mais les médecins sont très satisfaits de son évolution. »

J’étais toute guillerette avec ces bonnes nouvelles. Sven allait bien mieux, et avec un peu de chance c’était le bout du tunnel pour lui après une bonne récupération. Pour le moment, il devait encore y aller doucement, la greffe était récente et si le risque de rejet était quasiment nulle vu que c’était son jumeau qui lui avait donné le foie sain, cela restait fragile et devait rester sous surveillance.

Finalement, je n’avais pas pu m’empêcher de taquiner mon colocataire sur son traiteur – je savais qu’il l’avait fait lui-même – tout en grignotant, car c’était carrément très bon. Étonnant peut-être mais j’adorais découvrir de nouvelles saveurs, et il n’y avait que peu de choses que je n’aurais pas mangé. Il aurait vraiment fallu que ce soit infecte pour que je n’avale pas le repas, et là c’était très bon donc voilà. Mais je ne pouvais pas le dire facilement, il était bien plus drôle de taquiner le blond, et sa réponse me fit rire sincèrement.

« Ah, modeste également, j’imagine ? »

Elias n’était pas du genre égocentrique, mais là, c’était l’impression qu’il me donnait, et ça en était clairement drôle. En tous cas, je piquais avec appétit dans les morceaux de poisson mariné, ce qui devait quand même bien prouver que je me régalais avec sa préparation. Si l’entrée avait ce goût là, je devenais curieuse de goûter la suite, mais je connaissais mon ami et son sens du timing, donc la suite du repas arriverait forcément à point nommé, surtout qu’il nous connaissait, moi et mon stress des repas. Pour le moment, grignoter les dés de poisson mariné en parlant du concept même d’un parc d’attraction avec des dinosaure, c’était absolument parfait.

« La vision capitaliste sur les dinosaures, on aura quand même tout vu, et en plus ça finit quasiment en bain de sang ! » Parce que se faire bouffer par un tyrannosaure ou un velociraptor ça ne devait pas être le moment le plus agréable du voyage. Pas plus que … « Ah non faut pas compter sur moi non plus, je suis persuadée que le tas est plus haut que moi en plus. » Je fronçais le nez avec amusement, sirotant encore un peu de mon cocktail, qui était également très réussi. « N’empêche que le problème majeur de ce film ça reste l’appât du gain, comme quoi ce n’est pas si loin de la vraie vie. » Parce que bon, la tempête sur l’île c’était une chose, le sabotage s’en était une autre. « N’empêche que c’est dommage que le film ait été filmé sous une tempête quasiment tout le temps, parce que le paysage est quand même canon, mais c’est difficile à voir comme ça ... » J’avais fini par m’installer en tailleur en sirotant mon délicieux cocktail en papotant sans me faire prier. « J’espère qu’on ne va pas se prendre une tempête sur la tête, t’imagine l’angoisse si je peux pas sortir de l’hôtel de ma semaine au paradis ? Ça serait une poisse pas possible ça. »

Le tout les yeux fixés sur le film, dont j’allais bientôt connaître la moindre réplique par cœur à force de le voir, et revoir, et tellement apprécier de le voir ainsi à chaque fois !

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J’étais ravie de parler de la bonne santé de Sven avec Elias, ce qui changeait d’échanger sur sa santé fragile et les incertitudes avant de trouver son greffeur. Je n’avais pas parlé à mon colocataire de l’identité du greffeur de mon petit frère de cœur, estimant que ça n’étais pas à moi d’en parler, mais ça aussi c’était une sacrée folie avec laquelle il allait devoir faire. Nul doute qu’il allait mettre un certain temps avant de se sentir à l’aise avec cette information, surtout qu’aux dernières nouvelles il ne savait pas quoi faire vis-à-vis de ce jumeau qu’il venait à peine de découvrir. En tous cas, j’eus un sourire amusé à la réponse d’Elias.

« Si je n’y crois pas en le faisant, il y a quand même moyen que ça fonctionne ou pas ? »

Parce que si je respectais les croyances de mes proches, vu le paquet de chaos que je baladais derrière moi, je ne pouvais pas croire que qui que ce soit veille sur nous. Ni dieu unique, ni dieux anciens, à mes yeux il ne pouvait demeurer personne de plus haut placé qui aurait laissé de telles choses arriver. Sinon, qu’est-ce que cela voulait dire ? Que ça m’arrivait pour une bonne raison ? Ou que mon cas n’était pas assez important. Il y avait longtemps que je m’étais résigné à ne pas croire, mais je n’allais pas empêcher qui que ce soit de croire, si cela leur plaisait ainsi. Je n’avais aucun souci avec la tolérance, c’était déjà ça.

En tous cas, l’ego de mon colocataire ne semblait pas en prendre un coup quand je soulignais sa modestie, et je levais les yeux au ciel avec un amusement palpable. Il était plutôt humble dans son genre. Il fallait avouer que je côtoyais parfois des personnes avec bien plus d’ego que lui dans le milieu de la musique. Ce n’était pas rare. Et lui pour un avocat ou un substitut du procureur, ça allait encore. L’avocat qui avait tenté de défendre mes parents – une sacrée enflure pour faire ça sans sourciller à mon avis mais bref – en avait eu beaucoup, beaucoup, BEAUCOUP plus. En plus, Elias était bon dans son boulot, il aurait pu se permettre un peu plus d’ego. En attendant, sa réaction de diva m’amusait pas mal. Mais pas autant que sa sortie scatophile, qui après m’avoir fait faire une tête qui laissait pour le moins ressortir ma stupéfaction avant que je n’explose de rire.

« Elle est pas valide celle-là. » Même si j’étais clairement morte de rire. « Ouais, l’argent c’est une belle saloperie. » Disait celle qui touchait des millions à l’année, oui. Mais d’un autre côté, je m’en sortirais tout aussi bien avec moins et je ne courrais pas après. C’était juste le bonus du reste de ma vie. « Je pense que tu peux mettre la cruauté gratuite juste derrière l’argent. »

J’étais bien placée pour le savoir, mais le dire ne me faisait même pas ciller. Je n’allais clairement pas plomber l’ambiance en disant ça. Eli savait bien que j’étais terre-à-terre là-dessus, et qu’après avoir vu mon lot d’horreur, je pouvais l’écouter assez facilement quand il avait vraiment besoin de laisser sortir quelque chose, même s’il évitait le plus possible de ramener son boulot dans notre petit cocon de protection que représentait le loft. Je retournais un regard désespéré à Elias quand il parla météo.

« Nooooooon ! Me porte pas la poisse ! C’est peut-être la seule fois de ma vie où j’aurais l’occasion de voyager là-bas, je veux en profiter. » Je lui fis mes yeux de chat potté. J’étais du genre consciente que le rêve pouvait s’arrêter demain, il suffisait de peu de choses pour que le groupe s’arrête, déjà juste de la volonté des jumeaux, et je profitais donc à fond de chaque expérience, comme si c’était la dernière, donc l’idée de rester coincée sous la pluie à Hawaï n’était pas du tout une idée qui me plaisait. Mais à bien y réfléchir, mes yeux s’arrondir encore un peu plus. « Sinon dans la catégorie poisse, une petite éruption volcanique ! » Je ris un peu nerveusement. « On va peut-être pas se faire la liste des potentielles catastrophes, sinon je peux ajouter le tsunami et les cyclones. » Cette fois mon rire fut un peu plus sincère. « C’est quand même plus simple quand on reste sur le continent. Imagine comment je vais me mettre en panique quand le groupe décidera de partir à la conquête de l’Europe. » Oui, cette fois-ci, je riais plus sincère, en sirotant mon cocktail, un œil posé sur Elias. « Tu y as déjà pensé, toi, à partir visiter un autre continent ? » Parce que moi, je n’étais même pas sûre que ce soit une idée qui m’emballait plus que ça.