To appreciate the beauty of a snowflake, it is necessary to stand out in the cold | Ember & Saul

Dépression hivernale qui s’étend sur la fin du mois de Mars. Bon, on en avait pas encore vu le bout de ce moi, juste la moitié, mais c’était suffisant pour Ember. Il avait fui New York pour quoi, finalement? Pour recommencer, ou plutôt pour commencer. Pour avoir le droit d’être humain, d’avoir une vie. D’être December plus qu’être Jones. Et comment avait-il fini par choisir Seattle? Une carte. Lui et Minho avait regardé une carte du pays et remarqué que Seattle se trouvait à l’exacte opposé de New York. Alors, ça leur avait semblé la meilleure solution pour s’échapper. Certes, idée peu réfléchie mais quand on atteint le désespoir, on agit avant tout, de peur de se noyer. Tel le requin qui ne peut cesser son mouvement. Sauf qu’Ember est loin d’être un requin. On est dans le flocon de neige le plus simple. Le plus doux. Et il n’était en fait pas tellement prêt à ce que Seattle, choisi au hasard sur une carte, avait décidé de lui balancer à la figure.
Outre Kai, ou le fait que son frère les ait retrouvés si vite, ou pire que tout, Justin Wilson, outre les connaissances étonnement rassemblées dans cette ville, outre les challenges, de la machine à laver inondatrice à la crise d’angoisse dans un centre commercial. Il se retrouvait maintenant devant une porte représentant la plus grosse des montagnes. Pas parce que c’était un poste de police - et honnêtement on pourrait se demander, vu son non-amour pour l’institution, mais parce que c’était “son” poste de police. Celui où travaillait Saul Hansen.
Lorsque June l’avait appelé pour lui annoncer que l’homme était à Seattle, Ember avait… légèrement, craqué. Légèrement, un grand mot, ou un petit mot finalement, puisqu’il était au courant depuis le début du mois et qu’il lui avait fallu au moins tout ce temps pour se remettre. Pas que Sauf n’est fait quoi que ce soit. En fait, au contraire, c’était l’homme qui l’avait retrouvé dans ce garage humide de New York lorsqu’il n’était qu’un bout d’humain de 4 ans. Donc, c’était plutôt le sauveur de l’histoire. Le souci étant le rappel. Le rappel de ces trois jours, de cet évènement. December avait oublié, sa mémoire avait fait le travaille pour lui, il se souvenait juste du froid et de l’humidité, des rats. Mais le plus traumatique lui avait été épargné. Le souci était donc qu’il avait peur… Peur que de revoir Saul activerait en lui ces instants dont il ne voulait pas.
Il aurait pu donc ignorer et ne pas y aller. C’était le plan, mais son cerveau ne le laissait pas faire. Un besoin étrange d’y être, de le voir… de lui parler. Alors il finit enfin par passer les portes du commissariat. Heureusement pour lui, il n’avait pas l’air menaçant pour deux sous, parce qu’un idiot planté devant la porte pendant 10 minutes aurait pu paraître suspect. Et une fois la porte passée - enfin, il arrive à demander son chemin, et une nouvelle porte. Il se demande s’il reste encore dix minutes sans bouger devant un bout de bois, quelqu’un finira par appeler un asile psychiatrique… Ok, pas le moment de fuir, pas encore, il peut le faire, il le fait, il frappe, et quand on l’y invite, il rentre, et il est là. A son bureau, à le regarder sans doute très confus de qui est ce jeune qui débarque à son bureau et le fixe en silence, terrorisé à l’idée qu’il est vraiment ici, à cet instant T. “Eum.” C’est le premier son qui dépasse ses lèvres, il panique, a envie de faire demi-tour pour partir en courant. “Je eum.. Vous…  Vous êtes Saul Hansen?” C’est la seule chose qu’il arrive à demander, alors que le nom est sur la porte hein, mais Ember perd ses couleurs à grande vitesse, on dirait Bambi devant les phares d’une voiture.  

C’est bien lui, et c’est déjà ça. Ember le fixe, peut-être aussi parce qu’il essaie de voir si ce visage lui revient, mais non. Tout reste flou, et ce n’est pas plus mal. Pas prêt à les avoir, les flashbacks. Peut-être qu'ils viendront une fois le choc passé. Le bruit de la chaise lui fait finalement baisser la tête pour regarder l’objet, et accepter d’aller s’y asseoir, ça lui fait d’ailleurs réaliser que ses jambes avaient un peu commencé à trembler, donc pas plus mal de ne pas compter sur elles pour le moment.   “Merci.” Il dit un peu en décalage, la coutume aurait voulu qu’il le remercie avant de s’asseoir, mais soit. Il relève les yeux vers le visage de son aîné.   “Désolé je… je n’étais pas certain.. Hm.” Il s’arrête et fixe devant lui en fronçant un peu les sourcils. Il faut qu’il se reprenne, qu’il prenne sur lui, qu’il explique, avant qu’on ne s’imagine que quelque chose de très grave ne se soit passé. Alors, oui, mais y’avait quand même très longtemps.
Il se concentre donc sur l’aîné, encore, ses doigts jouant avec le bout de son pull Balenciaga, qui coûtait bien trop cher pour être trituré de la sorte.
“Je m’appelle December Jones.” Il arrive enfin à articuler. Il ne sait pas si l’information va lui suffir. Il a dû en voir, des choses. Et il a dû en entendre, des noms. Peut-être que celui de cet enfant retrouvé dans une cave humide de New York lui avait échappé. Le souci c’est que le flocon n’est pas certain qu’il soit capable de lui rappeler exactement qui il est. Le tissu entre ses doigts se fait tordre un peu plus, il s’en voudrait plus tard sur la question.   “Je ne sais pas si… ça vous parle?” La manière la plus simple pour lui d’essayer de faire avancer la conversation. D’un coup il se demande s’il n’aurait pas dû ramener des fleurs ou des chocolats ou… il sait pas, un truc.  

Les yeux du plus jeune se posent sur cette main nouvellement enveloppée autour de la sienne,et plus les minutes passent plus il se sent bête. Au moins, pas au point que Saul ne se souvienne pas du tout de lui et qu’il doive lui rappeler, parce qu’il en serait incapable. En fait, il aurait probablement dû demander à Minho de l’accompagner, et il entend déjà le brun grogner plus tard exactement sur ce sujet. Mais December voulait essayer de faire les choses tout seul, comme un grand. Le souci restant que pour se sortir de son confort, il agissait avant de réfléchir et se retrouvait toujours dans les pires situations. Par exemple, son aîné lui demandait ce qu’il pouvait faire pour lui aujourd’hui et le petit flocon sent le rouge lui monter aux joues. Parce qu’il n’en sait rien. Lui le plan c’était de venir ici et de le voir, cet homme, pour essayer de refermer un chapître, un livre dont il n’arrive pas à se débarrasser. Mais le pourquoi du comment faire un truc pareil? Ouais, il n' était pas du tout arrivé là.
Ses yeux se relèvent pour se poser dans ceux de l’autre, essayer peut-être de trouver une réponse quelque part par là. Il sait qu’il n’y en aura pas. Et il sait aussi que s’il part en crise d’angoisse ici il n’ira simplement nul part à part peut-être chez son psy à nouveau.   “Je.. ne suis pas certain…” Il doit avouer ça, parce qu’il ne veut pas non plus faire perdre son temps à Saul et peut-être que lui donner l’occasion de le jeter du bureau ici et maintenant serait la meilleurs solution à ce sujet.   “J’ai appris que vous étiez en ville… j’ai eu l’impression que je devais venir vous voir.” Au moins, il est à nouveau capable de parler, même si ce qu’il dit n’aide personne. Il reste sur le vouvoiement, parce qu’il ne sait pas où se mettre, mais n’est pas dérangé que l’autre le tutoie, ça aide même un peu.   “Je.. j’avoue que je n’ai pas réfléchi après ça… Peut-être juste… dire merci?” Il lui pose la question comme si son aîné a plus de réponse sur ce qu’il se passe dans sa tête que lui. Franchement à ce stade il ne serait même pas surpris.  

Comment est-ce qu’il a su que Saul était en ville hein? Ember ne sait pas tellement comment il doit répondre à la question. Il sait que la vérité n’est pas la solution, parce qu’il est dans un poste de police et que l’entièreté de sa famille pourrait couler si il se faisait trop bavard. Mais il sait aussi qu’il ne peut pas non plus annoncer qu’il a juste eu “un coup de chance” parce que ce n’était absolument pas possible.   “Je viens d’emménager ici… ma famille peut se montrer très protectrice donc… disons que dans leur quête de s’assurer que Seattle était  un bon endroit, ils sont tombés sur l’information.” Et voilà, il n’avait pas menti et Saul devait se souvenir qu’il était d’une famille très fortunée et influente, donc il ne serait pas surprit de ces détails. Les riches dans leur folie peuvent en avoir, des caprices, après tout.
Quand le blond annonce qu’il est sans doute là juste pour dire merci, son aîné ne semble pas particulièrement convaincu de cette annonce. Si il ne peut pas nier que son cerveau lui joue des tours, il ne peut pas s’empêcher de demander:   “Chercher des réponses à quoi?” Il est honnêtement curieux. Parce qu’il n’y a aucune inconnue dans ce qu’il a vécu toutes ces années. Il sait qui, il sait quand, il sait pourquoi. Et il sait ce qu’il lui est arrivé. Les images ont disparu, mais il avait entendu les conversations et surtout, il avait dû grandir avec le malaise que tout avait pu créer en lui. Alors il ne sait pas vraiment quelles genres de réponses il peut bien chercher. La mention, par contre, de fermer un livre ça, ça lui parle.   “Avancer, ça c’est certain…” Il dit donc en hochant la tête, ses yeux se posant sur les mains enlacées.   “C’est pour ça que je suis ici.. Je ne voulais plus être bloqué dans New York et le passé…” Il explique, parce que ça c’est facile à dire. Et il a confiance, étrangement. Lui qui a du mal à parler de lui avec les autres, avec Saul ça ne le bloque pas tellement. Peut-être parce qu’il n’a rien à lui cacher, l’aîné connaît déjà ses plus gros traumatismes.  

Une chose est certaine, December se sent rassuré. Il est rassuré parce que l’homme à ses côtés n’est pas mauvais, méchant, en colère, ou autre. Et il ne sait pas pourquoi ça lui fait plaisir de le constater. Peut-être parce que, après la panique que ça avait produit en lui de venir jusqu’ici, tomber face à un homme méchant aurait pu “tout gâcher”. Ce n’est pas le cas. Il hoche la tête quand Saul lui accorde de ne pas insister concernant de potentielles réponses, et c’est tant mieux parce qu’il n’a pas de question. Il avait fui New York en choisissant Seattle par pur hasard, sur une carte, ça semblait loin et ça semblait proche de l’eau. Il avait trouvé un taf, un appartement, et tout semblait fonctionner comme ça. Il veut avancer, parce qu’il a tendance à reculer tout le temps. On lui a appris à avoir peur de tout et de tout le monde, on lui a appris à être sur la défensive, prévenir plutôt que guérir. Pour certains, aller à New York était la clé vers le futur, on faisait plutôt ça dans ce sens là quoi, s’installer dans une grande ville. Ou partir complètement à la campagne. December non.
Pas que Paris ne lui fasse pas de l'œil, dans le fond, peut être qu’un jour le futur le guidera dans la ville de ses rêves. Pour le moment, Seattle l'accueillait chaleureusement et il ne lui tournerait pas le dos. Il regarde Saul se lever et prendre sa veste; et se lève aussi à l’invitation, se demandant où il l’emmène… Et pourtant il le suit.   “Je ne fume pas non…” Il avait essayé une fois en soirée et ça ne lui avait pas particulièrement plu. Le tabac en tout cas, il n’avait rien essayé d'autre. Ils sont donc sortis, et l’air frais fonctionne définitivement sur l’esprit embrumé du blond.   “Merci, c’était une bonne idée, je me sens mieux.” Il admet en glissant ses mains dans les poches de sa propre veste. Il note l’information que Saul a un enfant.   “Fille ou garçon? De quel âge?” Il demande, curieux. Il se demande ce que c’est, d’avoir un parent dans les forces de l’ordre.   “Moi je… Je travaille dans une friperie, et je crée des vêtements.. J’espère pouvoir en faire mon métier.” Parler de la mode, ça c’est facile. C’est ce qu’il est, du bout de ses petits doigts talentueux à la créativité de son cerveau qu’il n’exprime que comme ça.   “Peut-être que je pourrai vous faire quelque chose, à l’occasion…” La seule manière qu’il connaît pour remercier les gens, leur faire des fringues.  

  “Célèste…” Il répète.   “C’est joli.” C’est créatif. Beaucoup de gens lui disent que December est un beau prénom aussi, rare, et peut-être que ce serait vrai si il n’était pas… Né en Décembre. Pire encore, son frère est né en Juin et s’appelait June. Comment dire que l’inspiration ressemblait plus à du zéro pointé qu’autre chose. Moon, sa mère, avait beau argumenté que c’était difficile de pas appeler un gamin né le 6 Juin “June” et un autre né à Noël “December”, mais Ember voyait surtout la flemme d’une femme. Quoi que, pour June au moins, il savait qu’il était voulu. Lui, il était l’accident qu’ils avaient gardé “au cas où”. Celui dont on pouvait se passer. Il se sort cependant de ses pensées en répondant concernant son avenir à lui, ce sur quoi il travaille. Est-ce qu’il en a toujours rêvé? La question le fait clairement réfléchir alors qu’il se gratte la joue.   “J’ai toujours aimé ça et quand j’ai commencé à coudre ça m’a semblé… évident.” Bien qu’en réalité jusque très récemment il n’était pas certain d’en avoir un, de futur. Mais maintenant qu’il peut enfin rêver, il lui semble qu’il est sur la bonne voix.   “C’est un milieu… Oui je suppose compliqué, comme beaucoup d’autres. Disons que les gens peuvent-y être très… farfelu.” C’est ça, farfelu serait le mot même s’il pense surtout à “condescendant” “jugeur”, “compétitif” ou juste “méchant”. Disons que tout le monde est prêt à s’écraser pour réussir et bien qu’Ember ne soit pas facilement impressionnable - contrairement à son air gentil, il n’était pas non plus vraiment pour descendre l’autre pour se monter soi-même.
Il propose en tout cas de créer quelque chose pour Saul, une solution peut-être un peu facile mais ça lui ferait vraiment plaisir de pouvoir, et il semblerait que son aîné soit heureux à l’idée. Ember sourit, pour la première fois depuis leur rencontre, d’un vrai sourire, avant d’hocher la tête.   “Alors je vais trouver quelque chose qui vous plaira.” Il est généralement plutôt doué pour ça. A la mention du bois, il arque un sourcil un peu curieux.   “Comme pour fabriquer des meubles? Ou de la sculpture?”  

  “C’est gentil de vous inquiéter pour moi. Je ne m’inquiète pas trop… Disons que je sais ce que je veux.” Alors il est tout doux December mais si il a décidé de quelque chose, il s’y accroche quoi qu’il arrive. Peut-être parce qu’il a tant souffert et qu’il n’a pas su prendre de décision pendant longtemps. Alors quand il a enfin une lueure d’espoire, un future, une envie, il va se battre pour que ça arrive et pour que ça arrive exactement comme il l’a en tête.
Les sales caractères, il saura y faire face et le jugement, il n’en a pas peur. Il connaît le monde du jugement, il connaît les personnalités de ce monde là. Il est né dans la haute, il est entouré de ce genre de manière d’être et de penser. Il l’a été en tout cas. Ici à Seattle, il a pu s’en débarrasser… plus ou moins. Ca ne l’empêche pas d’être conscient de comment naviguer le monde de la mode, et d’avoir ce qu’il voudra à la fin. Et ce qu’il veut, c’est devenir sa propre marque. Du coup quand Saul “plaisante” sur le sujet de pouvoir se vanter un jour de posséder quelque chose de December Jones, ou plutôt de Winter Ember, son nom de scène, lui le prend très sérieusement et sourit ravi à l’idée.
Il s’interroge ensuite sur la passion d’ébéniste de Saul. Le plus il en apprend sur lui, le plus il s’apaise, étrangement. Il y a moins de flou sur une période de sa vie qu’il essaie pourtant d'éviter de lui-même. Peut-être qu’un jour il trouvera la force d’en parler, pour de vrai, d’y mettre des mots. Il ne sait pas avec qui. Il ne sait pas si ce sera Minho, ou son psy, ou quelqu’un de totalement inattendu. Mais il sait que ce jour-là sera la preuve qu’il avance pour de vrai.   “C’est une belle passion à transmettre, peut être que Céleste s’y mettra aussi un jour!” Il propose, aime l’idée. Lui aussi a récupéré une passion de son père : la boxe. Pourtant, il n’a aucun lien nostalgique ou tendre avec Arthur Jones. Il sait juste qu’il aime la boxe. Point final. A la proposition de le reconduire quelque part, Ember réfléchit puis hoche la tête.   “Merci c’est gentil, j’habite à Capitol Hill et j’avoue que le bus m’échappe encore un peu.” Il savait le prendre et acheter un ticket, mais il passait quand même plus de temps qu’un être humain normal à s’assurer qu’il allait dans le bon sens.