Chercher l’extra dans l’ordinaire. | Aicha & Ember

Début février, Seattle, 6°. Bon. Ember venant de New York, il n’était pas un inconnu du froid, ça ne voulait pas dire que, comme tout le monde, il aurait préféré passer son weekend sous sa couette et au chaud plutôt que dehors en situation de crise. Mais, ce jour n’était pas arrivé. Parce que Février, c’était aussi la Saint Valentin. Et oui, ok, il n’avait pas de Valentin, mais en même temps, il n’en avait jamais eu et ne comptait pas en avoir. Ce qu’il avait, par contre, c’était un magnifique meilleur ami à qui il avait pris l’habitude d’offrir un petit cadeau ce jour-là, juste pour les célébrer. Ainsi devait-il donc partir en quête de ce cadeau. Plusieurs soucis, autre que le temps, s'imposent alors : déjà, il ne pouvait pas juste lui offrir un vêtement fait maison, puisqu’il l’avait déjà fait pour Noël et que ce serait donc redondant. Ensuite, ça voulait dire aller faire les boutiques.
On se doute bien que lorsqu’on est fan de mode, que l’on aspire à devenir designer et qu’on a assez de fringue dans ses placards pour habiller l’entièreté de la ville, on a déjà fait du shopping. Oui. Oui Ember avait déjà “fait du shopping”, juste, pas comme un humain normal. Quand Ember allait faire les magasins, ça voulait dire que toute la boutique était fermée pour lui, ou alors qu’il était dans une salle d’exposition avec des stylistes ayant choisi avec lui des pièces pouvant l'intéresser. Jamais, vraiment… JAMAIS, n’avait-il déjà mis les pieds dans un centre commercial. C’était grand, c’était plein de monde, et sa claustrophobie rendait l’épreuve un peu terrifiante. Pourtant, il fallait passer le pas. Il devait y aller, et trouver ce qu’il allait vouloir offrir à Minho et de fait, il ne pouvait pas y emmener Minho. CQFD - Un Ember en bonnet, gros menton blanc et écharpe qui recouvre la moitié de son visage, figé face à l’entrée du centre commerciale. C’était… Grand.
Mais il se dit “Allez, Ember, t’es un adulte, tu peux le faire” et il avance donc malgré la terreur vers ce labyrinthe en puissance.
Combien de temps avant que tout s’effondre? Environ 20 minutes. Ouais, d’abord, il se dit que ça se passe bien. Il y a des gens, mais il ne leur rentre pas dedans, et il y a des boutiques - pas ce qu’il cherche, mais quand même, des boutiques. Sauf que lui tombe alors la dure réalité: il ne sait pas ce qu’il veut acheter. Il ne sait pas ce qu’il cherche, et il ne sait pas où il veut aller, et il est planté depuis 20 minutes devant le même panneau à le regarder comme si tout était en chinois.
“Je veux redevenir riche…” Il se marmonne à lui-même en se frottant un peu la barbe inexistante sur son visage de poupée, avant de croiser un peu les bras en se disant que vraiment, il n’était pas à sa place, et qu’il allait encore échouer à une tâche pourtant simple, et qu’il fallait vraiment être minable pour pas savoir lire une carte de centre commerciale et… La tête commence un peu à tourner alors qu’il sent sa gorge se serrer. Non, mais il allait pas pleurer en plein milieu d’un centre commerciale non plus hein… Si?  

Pleurer ne faisait pas particulièrement partie des habitudes d’Ember. Ce qui pourrait être étonnant, vu qu’il était l’équivalent de son prénom. Un flocon. Timide, perdu, et grandement sujet à l’angoisse et la peur. Ah ça il les connaissait bien ces sentiments là, mais celui d’une larme sur sa joue, pas tellement. Encore moins depuis son enfance. Il savait en reconnaître les signes et ça s’accompagnait souvent de ce sentiment qui le parcourait en ce moment précis alors qu’il fixait le plan. Il ne savait pas tellement le gérer. Et il savait bien qu’il n’allait pas le faire pleurer, mais il en était bien proche, les yeux brillants, il se dit qu’il doit bouger, et sortir d’ici. Tant pis, il a encore échoué. Ce n’était pas la première fois depuis son arrivée en ville et ce ne serait pas la dernière.
Il est sorti de ses pensées par une main qui le fait un peu sursauté, et ses yeux se posent sur un visage inconnu. Il n’avait absolument pas remarqué qu’il y avait une personne derrière lui, et il réalise qu’elle devait attendre depuis tout ce temps et il se sent encore plus idiot.   “Je suis désolé.” Il dit en baissant les yeux, ses mains liées jouant avec ses bagues. Il secoue la tête, essaie de retrouver un peu de contenance mais sa tête continue de tourner un peu. Et il voit l’autre devant lui le regarder avec des questions dans les yeux, de l’inquiétude sans doute, et il se dit qu’il est vraiment pathétique si une inconnue est déjà clairement consciente qu’il ne gère rien du tout.   “Je ne comprends rien à ce plan… ni à cet endroit, et pourtant, ça ne devrait pas être si difficile…” Il admet en soupirant un peu avant de reculer.   “Allez-y, désolé.” Il répète encore, regardant autour de lui en cherchant une solution. Il veut fuir et en même temps ne le souhaite pas. S’enclenche ainsi un combat interne qui va sans doute durer un moment. Déjà si il pouvait retrouver un rythme cardiaque normal ce serait pas mal.

  “Je… En fait, je… ne sais pas.” Il avoue en faisant une petite moue. Déjà, il se dit qu’il n’a pas l’habitude qu’on l’appelle Monsieur et qu’il n’aime pas tellement ça. A New York, le staff de la maison ou de l'hôtel de ses parents avait aussi tendance à l’appeler Monsieur au début, et il avait dû insister longtemps pour n’être que “December”. Et en temps normal, ça ne le trigger pas tellement cette politesse, mais peut-être qu’à cet instant précis il est juste mal à l’aise et sensible à tout. Alors bon il ne sait pas. Il ne sait pas si il va bien et il ne sait pas ce qu’il veut. Et cette demoiselle et son doux sourire est bien trop patiente et gentille, d’ailleurs, alors il se sent mal de lui faire perdre son temps. Elle se présente et essaie de le rassurer, il ne sait pas ce qui est de la politesse ou la vérité mais elle arrive quand même à le détendre un minimum, il hoche la tête.
“Je m’appelle December… C’est vrai que c’est très grand…”  Il dit en regardant un peu autour de lui.   “Mais je n’étais aussi jamais entré dans un centre commercial..” Il explique alors que son rythme cardiaque se calme, il ne sait pas si c’est d’avoir quelqu’un à qui parler ou la vibe de la jeune femme mais dans tous les cas, ça l’aide.   “En fait je cherche… un cadeau… Mais je ne sais pas… Un bijou? Un vêtement?” Une bougie? Des livres? Minho aimait les livres. Il sait que quoi qu’il choisisse, son meilleur ami en serait heureux… En fait, il doit faire attention au prix et c’est ce qui lui fait peur au final.
“Vous offririez quoi à votre meilleur ami pour la Saint Valentin?” Ouais bon rien que de poser la question à voix haute il se rend compte que c’est peut être un peu étrange pour un œil extérieur… Du coup il sent le rouge lui monter aux joues mais, c’est trop tard, il a demandé, maintenant.

Chanceux, Ember, de tomber sur des personnes bienveillantes. Parce qu’il est tellement paumé qu’il serait vraiment facile de profiter de lui. Au moins maintenant il n’avait plus un rond… La vraie vie avec en plus l’argent de papa et maman, disons que ça aurait pu mal finir, et rapidement. Quand il voit la surprise sur son visage concernant le fait qu’il ne soit jamais entré dans un centre commercial, il n’est par forcément gêné. Ember assume très bien d’où il vient, sans doute parce qu’il apprend à s’adapter à la vraie vie, il ne reste pas enfermé dans son confort comme pourrait le faire son frère, par exemple. “Je viens d’une… famille très riche… et on ne me laissait pas forcément sortir beaucoup. Tout est… assez impressionnant, quand on sort de ça…” Il dit finalement en se frottant un peu le bras. Il est plus gêné par l’aveux qu’il se sent impuissant plus que par celui qu’il vient d’argent. Et puis, tout ce qui l’intéresse vraiment c’est de trouver un cadeau pour Minho, d’ailleurs les conseils d’Aïcha l’aide à se concentrer un peu mieux sur la question.
Quelque chose concernant leur première rencontre, pas la peine, ils avaient neuf ans et c’était une amitié arrangée. Mais des moments forts, il pourrait en trouver. Il est plus intéressé quand même par les hobbies. Minho adorait la calligraphie et la lecture, et peut-être qu’il pourrait trouver quelque chose à ce sujet du coup. Il jette un coup d’oeil vers le plan, déjà terrifié à l’idée de devoir trouver le bon endroit et de finir sa vie coincé entre les murs du centre commercial. Mais sa sauveuse continue de sauver, et lui propose de lui montrer les boutiques. Il la regarde et hoche la tête en souriant timidement. “Merci beaucoup je… je veux bien.” Il confirme en glissant ses mains dans les poches de son manteau. “D’habitude je lui coud quelque chose, mais ça commence à manquer d’originalité… Il s’y attend.. J’ai envie de le surprendre.” Il explique en regardant autour de lui. C’est lui qui sera surprit en découvrant qu’ils ne passent pas la journée ensemble mais, bref. On y est pas encore. “Il aime lire… écrire… il fait de belles calligraphies…”