This chance won't come twice so take it. (December)

Comme quoi, la vie continue. Les épreuves s’accumulent et Ember se sent tester un peu plus chaque jour mais, en prenant du recul, il se rend compte qu’il avance  même si lui a eu l’impression de reculer. Que ce soit de retrouver Saul, ou de rencontrer Shin, ou pire encore le fait que June ait apparemment décidé de s'installer à Seattle, lui aussi… Oui, des épreuves, ses douze travaux d’Hercules personnels. Pourtant il ne fuyait pas. Lui qui serait peut-être déjà retourné chez maman et papa la queue entre les jambes, trouvait quand même la force de continuer. Il voulait vivre en temps que lui, December, passionné de mode qui avance tout doucement dans sa carrière. Il ne voulait plus revenir à “December Jones”, cadet d’une des grandes fortunes mondiale, sans vrai futur devant les yeux. Et pour cette mission il fallait continuer de se lever le matin pour aller travailler.
Rien de bien difficile en soit, Ember adorait Upcycle Me. Il aimait le staff, il aimait la boutique et ses grandes baies vitrées, et il aimait commencer sa journée en réalisant qu’une autre de ses créations avait été vendue la veille. Il update son Instagram du coup, poste une story avant d’ouvrir la boutique et de se mettre au travail. La journée se passe bien, il prend le temps de nettoyer, ranger, étiqueter et il a même l’occasion de continuer la broderie sur la dernière veste qu’il a décidé d’enjoliver. Broderie florale, peut-être le printemps qui arrive enfin… Mais surtout un travail de minutie sur voile transparent qui lui prenait des heures. Il n’est pas certain qu’il mettra celui-ci en vente, du coup. Quoi qu’il irait peut-être bien à Shin.
Bref, il vient à court de fil rose et va dans la réserve pour en récupérer, moment, bien sûr, que choisit un client pour appeler son attention. Ember prend la bobine rapidement et retourne à la casse aussi vite qu’il le peut, sourit à la personne qu’il accueille d’un “Bienvenue.” , avant que: 1- il ne réalise qui il a devant les yeux et que 2-le silence que cela créé donne à l’autre l’occasion de lui ordonner de prendre une pause.
Comment, et pourquoi, est-ce que Rainer E.Lindstöm se retrouve dans sa petite friperie de Capitol Hill? Et lui parler? Sur le coup il se dit que ça doit être une manigance de June, c’est certain. Mais il se dit aussi que cet homme venu le chercher représente tout ce qu’il veut, et qu’il admire son parcours de loin depuis trop longtemps pour se braquer et ne pas obéir. Ainsi la bobine rose pâle est-elle posée sur la veste du comptoir et December avance vers la porte pour tourner le panneau de la boutique sur “Be Right Back!” avant qu’il ne se tourne lui-même vers sa visite surprise.
“Bonjour je… Enfin, c’est une surprise… Asseyez-vous.” Il propose en montrant le canapé de velour dans la boutique. “Je peux vous faire un café?” oui parce qu’il sait faire ça maintenant, le café.  

Ah.” Est sa réponse concernant les standards trop élevés de l’homme devant lui. Il les connaît, ces gens-là. Déjà, il a grandi avec le même à la maison, même si June était vite parti pour étudier puis vivre en France. Ça n'avait pas empêché December de le voir évoluer. Et puis plus tard quand il avait été remis sous l'œil du public, dans les soirées et les galas… Ouais, il les connaissait. Et s’il avait eu June devant lui, il aurait sans doute répondu quelque chose de malin, du genre qu’il ne va pas non plus lui proposer de l’eau, le taux de calcaire ne serait peut-être pas à son goût non plus… Mais ce n’est pas June, devant lui. Et avant de se le mettre à dos, il tâte le terrain et attend de savoir ce que lui vaut la poule aux œufs d’or assise sur le canapé de la boutique. Une boutique qu’il considérait peut-être comme juste “une friperie”, bien que les articles qu’on y vendait étaient de luxe, de la seconde main oui mais de luxe. Sans compter les créations du patron, ou même celles de December, qui partaient plutôt bien depuis qu’il mettait à jour son Instagram régulièrement.
Et donc, après son “ah” de compréhension plus que de surprise, Ember croise ses mains devant lui en attendant, car il voit bien que l’homme sait tout à fait ce qu’il veut dire, donc, il le laisse. “Eum…” Est le deuxième son qui lui échappe quand toutes les informations arrivent dans son cerveau et tombent comme cheveux sur soupe. Lui? Mannequin? “Je suis un designer…” Il souligna en indiquant un peu le comptoir de sa tête, où la veste attendait sagement d’être terminée. Il retourne les informations dans tous les sens. “Si ce n’est pas… une mauvaise blague en ligue avec June… Je ne dis pas non à ce test. Juste… Je veux continuer de travailler ici, et de vendre mes vêtements, quoi qu’il arrive.”  Il explique donc. Oui, il est impressionné d’avoir l’une de ses idoles devant lui, oui, il est excité à l’idée de travailler avec lui et oui, il a toujours du mal à fonctionner correctement quand un bel homme se promène autour de lui mais… Oui, il est ambitieux, comme son frère, comme les Jones. Et oui, il sait s’imposer quand il est question de son travail. December ne veut pas devenir mannequin. Il veut devenir créateur de mode, à son compte. Il n’a pas fuit une prison dorée pour en trouver une autre… Même si c’est très tentant, surtout vu qu’il vit sur un salaire médiocre ici à Seattle, alors qu’il vient d’une famille milliardaire.
Quant à la référence à June, il ne sait même pas si Rainer est au courant du lien qu’ils ont, mais il a décidé de le mentionner pour essayer de lire sur son visage s’il s’agit d’une mauvaise blague ou non.  

  “Les deux.” Il répond simplement avant de passer à la suite, et de commencer à se dire que bordel, cet homme répondait vraiment à la description qu’on faisait de lui dans les articles et interview. Il s’était posé la question, parce que June justement, les articles le décrivaient comme le prince charmant. L’homme parfait, patient, intelligent, avec de l’humeur. “LOL”, comme on dit, parce que December savait la réalité de June. Alors il s’était demandé si Rainer n’avait juste pas de chance et était en fait quelqu’un de charmant. La réponse était non. En plus, il parlait vraiment beaucoup, et December avait une certaine anxiété sociale qui faisait que quand on parlait beaucoup, il avait tendance à éteindre son cerveau. Mais il avait aussi appris à se comporter en société, même s’il est en face d’une personne compliquée. Savoir gérer la frustration que ça peut représenter surtout quand il y a une possibilité professionnelle derrière. Ses mains se joignent devant lui, ses doigts s'entrelacent et il écoute donc, sagement. La proposition est alléchante, si on oublie le sale caractère de celui qui la tient. Peut-être que ça lui permettrait de sauter quelques étapes que de travailler à Upcycle Me ne lui permettent pas.
Donnant Donnant. Il réalise que l’autre a terminé de parler et il hoche doucement la tête, la penchant sur le côté avec son sourire habituellement angélique.   “Je suis honoré que vous vous mettiez dans de tels états pour moi, Mr. Lindström.” Il dit sincèrement, pour le coup.   “Je suis votre parcours de très prêt depuis longtemps, je dis ça pour que vous compreniez que j’ai conscience de qui vous êtes et de ce que vous représentez.” Finalement, c’est plus fort que lui. Il n’est pas June, il n’est pas ses parents, il est ici parce qu’il veut suivre sa voix et donc, ne pas se laisser faire par un gros poisson qui montre les dents. Du coup, plutôt un loup.   “Ce serait un plaisir de pouvoir travailler avec vous, mais j’aurai besoin d’un peu plus de respect si ça doit avoir lieu.” Il lâche donc finalement en redressant la tête. Peut-être qu’il vient de perdre l’occasion de sa vie, mais il ne sort pas d’un enfer pour retourner droit dans un autre.

A la surprise de December, Rainer ne se lève pas pour partir quand il lui réclame plus de respect. Honnêtement il s’y attendait, c’était assez bon signe qu’il ne s’offusque pas complètement. Il note cependant que son aîné ne comprend pas où il a pu être irrespectueux, tout en continuant de lui parler sur un ton peu acceptable, et en ajoutant en plus un sous-entendu qu’il est obligé de prendre dans tous les sens du terme.   “Je crois qu’être dirigeant, d’entreprise ou dans la vie, c’est reconnaître la valeur et le temps des petites mains.” Il dit simplement, après un moment de pause parce qu’il réfléchit aux prochains mots qu’il souhaite employer.   “Votre talent et votre créativité vous ont issé à votre statut, mais sans les personnes que vous employez maintenant, vous pourriez aussi retomber.” Il retourne finalement au comptoir de la boutique pour commencer la clôture, parce que le temps passe et heureusement pour lui, il n’y a pas eu de client pour les arrêter dans leur conversation.   “C’est ce que je veux dire par manque de respect, je ne pourrai jamais travailler pour quelqu’un qui me fait comprendre que son temps a plus de valeur que le miens.”
Et il ne doute pas une seule seconde que Rainer le pense. Mais les Jones ont appris à leurs fils que sans le personnel à leur service, ils ne seraient rien. Contrôler le monde quand le monde est mort, ça n’apporte rien. Il savait par exemple que June pensait que tout le monde lui arrivait à la cheville, qu’il était meilleur en tout et que son temps était bien plus précieux que celui de ses employés… Pourtant, aucun de ces dit employés ne s’en rendait compte. Ils étaient traités convenablement, June se souvenait de leurs anniversaires, ou de leur lieu de vacances préféré. Et oui, il avait des centaines, des milliers d’employés, il ne les connaissait pas tous. Mais le plus possible, il faisait l’effort. Et c’était la raison pour laquelle ces gens acceptaient de travailler plus dur, ou plus longtemps, ils lui étaient loyaux.   “Cela étant dit, j’ai terminé ma journée et ce serait un plaisir de visiter vos bureaux. Même si finalement, vous ne souhaitez pas m’employer. Vous restez l’un de mes modèles après tout.”