I'm knocking on your door [PV : Kleve Gibbins]

I'm knocking on your door  

J’étais en train de m’occuper d’un de mes patients à poils quand...quoi ? Oh là là, je vous arrête tout de suite, il y a confusion là, je suis un vétérinaire, d’accord, je m’occupe d’animaux, donc oui, mes patients sont à poils, j’en ai même à plumes. Bref, vous voilà rassurés, je reprends. J’étais donc en train de m’occuper d’un de mes patients, un qui devait recevoir un vaccin lorsque mon téléphone personnel vibra, signe que j’avais un message. Oui, j’ai deux téléphone, un pour le boulot et un personnel dont le numéro a été donné à très peu de personnes. Je finis donc de faire le vaccin à Sachmo, drôle de nom pour un chat, mais bref et je le rends à sa propriétaire, Madame Becker qui est soulagée de savoir que son précieux chat va pouvoir passer sereinement les prochains mois. Je repense alors à l’échange de sms que j’ai eu il y a quelques jours avec mon filleul où je lui parlais d’un autre de mes patients que sa maîtresse qualifiait de « perturbé ». Cela me fit sourire intérieurement. Une fois Madame Becker parti, je pus voir le message que je venais de recevoir. Il provenait de Kleve Gibbins. On pouvait dire que Kleve et moi étions devenus au fil du temps des amis. J’avais fait sa connaissance à mon retour de Los Angeles, inutile de vous dire que ce n’était pas le meilleur moment pour faire la connaissance de qui que ce soit, mais Kleve était lui aussi abîmé par la vie et nous avions passé la soirée à se raconter nos vies. On s’est revu quelques fois et depuis on boit régulièrement un café ensemble.

Je regarde son message et ne peux m’empêcher de grimacer un peu, il a eu un repas de famille qui s’est plutôt mal passé apparemment. Je ne peux que compatir. Il me demande si je peux passer boire un café chez lui. Il me restait encore deux patients à voir et ensuite j’avais terminé ma journée. Je m’empressais donc de lui répondre que je le rejoindrais d’ici deux heures environ. Le temps de recevoir mes patients et de mettre à jour mes dossiers une fois qu’ils seront partis, ouais, j’aurais bien besoin de deux heures en tout. A peine ma réponse envoyée, le premier de mes deux patients restant arriva. Deux heures après, je sortais de mon cabinet. Je passais par une pâtisserie et j’achetais des muffins pour accompagner le café que Kleve aura préparé puis je file chez lui.

Arrivé devant son appartement, je frappe à la porte, attendant patiemment qu’il vienne m’ouvrir. Lorsque c’est le cas, je lui adresse un grand sourire et met le sac de muffins à hauteur de mon visage.

- Salut, je me suis dit que des muffins ce serait sympa pour accompagner le café.

(c) Miss Pie

I'm knocking on your door  

C'était toujours la même rengaine à chaque fois que Kleve passait chez ses parents. Il faisait tout pour les éviter au maximum lorsqu'il ne faisait que passer pour récupérer des trucs, des affaires dont il avait besoin. Mais à chaque son père ou sa mère avait le don de lui tomber dessus et de l'obliger à rester pour boire un thé. Une boisson que le jeune homme avait toujours détesté mais encore une fois, ses parents s'en moquait. Pour eux, le café c'était mauvais pour la santé alors hors de question d'en avoir chez eux. Il trouvait ça ridicule mais n'avait jamais cherché à débattre là-dessus, se forçant à boire tout simplement la mixture depuis toujours ou à la jeter dans la plante quand personne ne regardait. Moon l'avait déjà pris en flagrant délit mais n'avait jamais balancé son frère, plutôt lui faire un clin d'œil complice.

- J'ai entendu dire que la fille Gilbert était célibataire peut-être que tu pourrais...

Un regard sombre s'était posé sur sa mère, sachant très bien l'idée qu'elle avait derrière la tête. Trouver une belle-fille à son fils était sa nouvelle lubie depuis que celui-ci n'était plus avec Calvin. Ses parents n'étaient même pas venus à son enterrement, simplement envoyé une couronne de fleur pour faire "bien". Kleve n'arrivait même pas à leur en vouloir de toute manière, après toutes ces années il avait fini par laisser tomber de les convaincre que ça ne servait à rien de lui trouver une femme.

- Non mère, je ne peux pas non.

- Tu pourrais au moins fournir un effort

Un ricanement s'était échappé des lèvres de Kleve, il secoua la tête avant de se lever.

- Tu sais quoi ? Je te laisse avec ton thé et ton égoïsme

Déclara-t-il avant de récupérer sa veste et de se diriger vers la porte d'entrée alors que sa mère était en train de crier son nom. Battu ensuite par le claquement de la porte. Le jeune homme inspira un bon coup une fois dehors, serrant ses poings. Il avait envie de se défouler mais il était encore trop tôt pour le fight club. Et ce n'était pas l'heure non plus d'aller se saouler. Kleve détestais embêter les autres, mais il ne voyait qu'une manière de penser à autre chose. Il attrapa son téléphone et envoya un sms rapide à Tim pour lui expliquer la situation et lui demandait de passer à l'appartement. Il était la personne la plus proche de lui émotionnellement, et disons que c'était plus facile de lui parler de ses problèmes familiaux car lui aussi en avait. Sauf que ses parents ne vivaient plus à Seattle. Le vétérinaire finissait dans deux heures, ce qui lui laissait du temps pour aller faire deux-trois courses avant de rentrer.

Kleve était assis sur son canapé en attendant son ami lorsque quelqu'un frappa à la porte. Il se leva et alla ouvrir, tombant nez à nez avec un sac qui dégageait une bonne odeur. Tim avait le don de savoir comment l'adoucir avec ce genre de pâtisseries.

- Salut, c'est une bonne idée

Le jeune homme se poussa pour laisser entrer son invitée avant de refermer la porte. Il invita ce dernier à faire comme chez lui et se dirigea vers la cuisine ouverte sur le salon pour commencer à préparer le café.

- Désolé si tu avais un truc de prévu. Mais ma mère m'a encore pris la tête.

(c) Miss Pie

I'm knocking on your door  

Ce que j’adorais avec ma famille...c’est qu’elle n’habitait plus ici. Bon, cela ne valait pas pour mon frère. J’adorais mon petit frère et il n’y avait pas une semaine qui passait sans qu’on s’appelle ou qu’on se parle par webcam. C’est un véritable globe-trotter, il est toujours parti. La dernière fois que je l’ai eu en visio, il était au Pérou. Qu’est-ce qu’il est allé faire là-bas ? Honnêtement, je n’en ai aucune idée, si vous le croisez, demandez-le lui. Moi tout ce qui m’importe, c’est qu’il soit heureux et voyager le rend heureux alors que demande le peuple. Mon frère est la seule personne qui n’ait pas mal réagit lorsque j’ai annoncé à ma famille mon homosexualité. Depuis ce jour-là, mes parents ne me parlent plus et c’est très bien comme ça. Je ne sais pas si c’est moi qui a précipité leur fuite, mais si c’est le cas, c’est encore mieux. Bref, j’avais la chance de ne pas avoir mes parents auprès de moi, si bien que je ne risquais pas de vivre la même chose que Kleve, mais je pouvais compatir, je savais ce par quoi il passait, j’avais été horrifié quand il m’avait dit que ses parents n’étaient même pas venu à l’enterrement de son compagnon. C’est vraiment atroce, comment peut-on faire ça à son propre fils ?

Je lui avais toujours dit que chaque fois qu’il aurait besoin de moi, je répondrais toujours présent, c’est pourquoi je n’ai pas hésité un seul instant après avoir reçu son message. Ayant une envie de sucré, j’étais passé par la boulangerie pour prendre des muffins. Un clin d’oeil appuya la réponse que je fis à Kleve.

- Sache, mon cher ami, que j’ai toujours de bonnes idées….bon pas toujours, mais souvent. Lui dis-je, affichant un sourire amusé tout en entrant dans son appartement.

Je posais le sac sur le meuble le plus proche et me tournais vers Kleve, fronçant les sourcils.

- Hey, qu’est-ce que je t’ai dit ? Chaque fois que tu auras besoin de moi, je serais là...alors je suis là et puis...ne t’en fais pas, je n’ai pas une vie aussi palpitante que ça. Je n’avais rien de prévu ce soir, si ça peut te rassurer.

Je m’installais sur le canapé du salon tandis que je le voyais préparer le café dans la cuisine.

- Tiens, tu savais que j’ai eu des nouvelles de mon frère dernièrement ? Figures-toi qu’il est au Pérou actuellement...enfin il y était il y a une semaine, mais à mon avis, tel que je le connais, il doit déjà avoir changé de pays.

Je lançais un regard en direction de la cuisine.

- Alors dis-moi, comment va Moon ?

Je ne lui demande pas encore s’il veut parler de ce qu’il s’est passé chez ses parents, je sais qu’il le fera de lui-même quand il se sentira prêt à le faire.

(c) Miss Pie

I'm knocking on your door  

Un sourire fugace s'était affiché sur mes lèvres à la suite de son commentaire. Des bonnes idées tout le temps, je n'en étais pas vraiment sûr mais cela avait au moins eu le mérite de faire descendre un peu la pression que j'avais depuis que j'étais parti de la demeure familiale. J'avais secoué la tête de dépit, laissant entrer Tim et ses muffins. Ce dernier me remonta doucement les bretelles, me rappelant qu'il avait déjà expliqué que je pouvais le contacter n'importe quand. Je le savais très bien mais demander de l'aide, c'était compliqué pour moi. Même avant la mort de Calvin d'ailleurs. Mon petit ami m’avait toujours reproché de le cacher quand j'allai mal. Je prenais énormément sur moi, je n'allai pas le nier.

- Merci alors d'être là. Si au moins je peux rendre tes fins de journées palpitantes.

Déclarais-je tout en me dirigeant vers la cuisine pour préparer le café. Tim aimait aussi les hommes, c'était aussi la raison pour laquelle je pouvais lui parler aussi librement de cette partie là. Ses parents n'avaient pas été tendre avec lui tout comme les miens, même si de mon côté ils étaient toujours, malheureusement, présents dans ma vie. C'était seulement pour Moon que je continuais à leur parler sinon ça ferait bien longtemps que je les aurais envoyé chié.

- Le Pérou ? Ça a l'air chouette, de ce que j'ai vu ! J'admire le courage de ton frère de voyager seul comme ça. Il ne te manque pas trop ?

Je n'avais jamais rencontré son frère du coup, simplement au courant de certaines choses à son sujet que Tim m’avait volontiers partagé. Me faisait un peu voyager en même temps en me montrant des photos qu'il avait reçu. Un jour peut-être que moi aussi je partirais en vacances en dehors de ce continent. Il y avait tellement de pays de l'autre côté de l'océan à voir qui donnait envie, surtout en regardant des films ou des séries.

- Elle va très bien. Elle est tranquille, elle, pas de mère sur le dos.

Je soupirai, récupérant un plateau pour poser les tasses de cafés dessus avec les cuillères et le pot à sucre si Tim en voulait. Je ne m'en souvenais jamais. Rejoignant ensuite mon ami sur le canapé.

- Non seulement elle n'a aucune empathie mais en plus elle veut que je rencontre une femme...Tu y crois toi ?

M'exclamais-je sans cacher mon agacement à ce sujet et encore moins à ce comportement que je trouvais inhumain.

(c) Miss Pie

I'm knocking on your door  

Je pouvais aisément comprendre ce que ressentait Kleve, étant moi-même passé par là. Subir le rejet de sa propre famille c'est vraiment atroce. De mon côté, même si mes parents l'avaient mal pris, j'avais au moins mon petit frère qui m'avait accepté comme j'étais et j'en avais été soulagé parce que je ne sais pas ce que j'aurais fait s'il m'avait rejeté lui aussi. Quoi qu'il en soit, ma situation était tout de même un peu différente de celle de Kleve puisque moi j'avais envoyé chier mes parents, donc je n'avais plus à les supporter au quotidien. D'un autre côté, je comprenais que Kleve ne puisse pas faire la même chose, il avait sa sœur qui était là. Non, vraiment je n'enviais pas sa situation. Un sourire amusé étira mes lèvres à ses paroles.

- Ouais à fond. Bon, bien sûr je préfère quand on se voit dans d'autres circonstances, mais je suis toujours content de te voir, quelle que soit l'occasion.

Depuis que nous avions fait connaissance Kleve et moi, je lui avais dit qu'il pouvait m'appeler n'importe quand pour me parler, que quoi qu'il se passe dans sa vie, il ne devait pas hésiter à me contacter, je serais toujours là pour lui. Peu après avoir perdu ma fille, j'avais dit à Kleve que cela ne changeait rien, que même si je n'allais pas très bien en ce moment, il pouvait m'appeler. Je pense que c'est à cause de ce que je vivais en ce moment qu'il n'avait pas trop osé m'en parler. J'avais ensuite évoqué mon frère, grand globe-trotter devant l'Eternel, qui avait décidé d'aller faire un tour au Pérou. J'esquissais un petit sourire.

- Si bien sûr qu'il me manque, énormément…surtout en ce moment, mais je ne veux pas qu'il annule ses voyages pour venir me voir. Je sais qu'il vient régulièrement et cela me suffit. Il a besoin de ça, des grands espaces, de s'éloigner de la ville de temps en temps, je ne veux pas être un frein à son épanouissement. Et puis cela me permet de compléter ma collection de cartes postales provenant du monde entier.

Je sortis trois cartes de ma veste et les montrais à Kleve.

- Tiens, regarde, celle-là il me l'a acheté quand il était à Paris, là c'était pendant son voyage en Autriche et la dernière, c'était aux Bahamas

J'avais ensuite demandé des nouvelles de sa sœur. Une petite moue déforma mes traits tandis que je prenais la tasse de café et le remerciais pour cette dernière.

- Ouais, j'imagine que c'est un soulagement pour elle.

Je commence à prendre une gorgée de mon café quand Kleve me lâche sa bombe. Je manque presque d'en recracher ma gorgée de café.

- Pardon ? Non, mais elle vit à quelle époque ta mère ? Mec, je suis désolé, je ne pensais pas que c'était à ce point-là.

Je reposais ma tasse sur la table.

- C'est peut-être une idée un peu conne, mais juste histoire qu'elle te lâche un peu la grappe, tu n'aurais pas une amie qui pourrait te servir d'alibi ? Cela a marché pour moi pendant un temps…bon après ce n'est peut-être pas la meilleure idée du monde parce qu'à un moment donné, faire semblant est juste trop compliqué, mais…ouah, je n'en reviens pas.

(c) Miss Pie

I'm knocking on your door  

J'aurai aussi préféré voir Tim avec une meilleure humeur mais le pauvre avait toujours le droit à mes appels lorsque je n'allai pas bien. Je savais que je pouvais compter sur lui alors je m'appuyais sur mon ami. Il y avait aussi d'autres personnes dans mon entourage évidemment mais il y avait une connexion spéciale entre nous deux et je pensais toujours à Tim en premier. Bien sûr on se voyait aussi quand tout allait "bien" ou plus exactement : lorsque mes parents ne me prenaient pas la tête. Je ne savais pas ce que j'avais fait pour être ainsi traiter. Je m'étais toujours bien comporté, avait eu des bonnes notes tout au long de ma scolarité pour finalement me faire piétiner parce que j'aimais les hommes. Une chose que je n'avais même pas choisi et qu'il était impossible de changer malgré tous les efforts que j'ai pu faire lorsque je l'avais découvert.

- Je suis content de te voir aussi, évidemment

Tim de son côté, ce n'était pas non plus la grande joie. Je n'osai même pas imaginer ce que cela faisait de perdre un enfant. J'étais bien sûr là aussi pour lui si jamais il avait besoin de parler ou juste se poser sur le canapé pour regarder un film nul. C'était terrible cette saleté de vie qui s'acharnait sur nous. Tim n'avait plus au moins sa famille sur le dos, restant uniquement en contact avec son frère qui avait la bougeotte.

- J'imagine qu'il serait malheureux de toute façon si il reste au même endroit trop longtemps ! Peut-être que en vieillissant il se calmera un peu

Heureusement, ma sœur ne m'avait pas fait ce coup-là. C'était uniquement pour elle que je faisais l'effort d'accepter les dîners familiaux. Sinon ça ferait longtemps que j'aurai couper le cordon définitivement. Aucun regret, en sachant le comportement qu'ils avaient eu vis à vis de moi mais aussi de Calvin.

- Les Bahamas carrément ! Tu sais que c'était le rêve de Calvin ? Il...euh...

Je me raclais la gorge, essayant de retenir le flot d'émotions qui me submergeait lorsque les souvenirs de mon petit ami me revenaient en mémoire. Lui et moi, on avait comme projet d'aller un jour là-bas, en vacances sans se soucier de personnes, simplement profiter tous les deux. A l'époque, je m'étais dit que ça serait un cadre idéal pour le demander en mariage, au coucher de soleil sur la plage. Autant dire que mon plan était tombé à l'eau.

- Hum pour l'instant...Ma mère pourrait très bien se lever un matin et lui chercher un mari

Déclarais-je en soupirant. Mais c'était moi qui avait le droit à cette folie. Je finissais par expulser ma colère envers cette femme qui m'avait donné naissance. J'étais tellement frustré par son comportement et celui de mon père aussi. Ils s'étaient bien trouvés tous les deux.

- J'y ai pensé, tu sais, au tout début avant de faire mon coming out. De leur cacher que j'étais gay. Mais je n'ai pas honte, moi, d'aimer les mecs. Et ça ne serait pas juste d'embarquer une personne innocente dans ce problème qui ne vient que de mes parents...Je les emmerde et puis c'est tout. S’ils sont pas contents, tant pis pour eux !

M'exclamais-je avec colère avant de boire une gorgée de mon café.

(c) Miss Pie